Que vaut-le made in Goutte d’or ?

Quoi qu'on en dise, une très grande majorité de parisien se raidit encore dès qu'on évoque le quartier de la Goutte d'or. Si le nom lumineux de ce quartier (autrefois rattaché à la commune de La Chapelle jusqu'à son annexion en 1859), vient de la couleur du vin blanc aux reflets dorés réputé pour sa grande qualité et produit sur ces terres agricoles au 19e siècle, il est tristement passé à la postérité comme le sombre quartier de l’Assommoir. Un territoire misérable que seul Zola pouvait décrire et qui- de sa détresse ouvrière d'antan sera aujourd'hui devenu au mieux un no-man’s land du 18eme arrondissement, au pire un coupe-gorge que sa proximité avec la gare du Nord destine à n'accueillir que les ouvriers européens et les populations d'Afrique sub-Saharienne (ce qui n'est pas infamant du tout, mais qui constitue tout de même une vocation un peu réductrice) . Que les clichés ont la vie dure. Et pourtant ils ne résistent pas à un examen approfondi car la vérité la voici : la Goutte d'or aujourd'hui, est un foyer allègre et frais marqué par la présence active et créative de nombreux façonniers, stylistes, designers, spécialistes textile, souvent regroupés autour de projets innovants, notamment au sein de l'association Les Gouttes d’Or de la Mode et du design.

Un quartier de savoir-faire textile, mode et design

Première constatation : sur ce périmètre finalement assez restreint, les savoir-faire, les métiers représentés et les ateliers implantés sont innombrables et de qualité. Deuxième constatation : si les commerces et les ateliers liés à la mode et au design forment un tout (l'association Les Gouttes d’Or de la Mode et du Design comprend 19 membres), ce tout est malgré tout subdivisé en deux courants.

Il y a tout d'abord le courant qu'il faut appeler « la tradition en métamorphose ». À l'instar de l’utilisation très contemporaine des tissus ethniques, colorés et chaleureux, dont le quartier regorge, la Goutte d'Or a cette faculté d’interroger la tradition dans un contexte métropolitain. Les créateurs sont tour à tour empreints des coutumes africaines, des histoires de l'art de vivre, épris de Paris et de haute-couture. Ces influences en dialogue se croisent dans les matières textiles proposées par Mazalay Couture et Textile Nianghane, les arts de la table vus par Diane Belmbock, l'esprit tailleur et le prêt-à-porter sur-mesure conçu par BLL Made in Paris et Fadel Couture), le beau bijou fantaisie vu par Anaphore et Fanny Kachintzeff), ou encore la virtuosité du maître bottier au sein de l'Atelier Maurice Arnoult.

L'autre courant est celui qu'on désignera comme le courant de « la contemporanéité vivante ». Si en effet, ce chatoyant quartier joue à merveille avec les origines de ses habitants, il abrite aussi des créateurs totalement dans leur époque et souvent investis des grands questionnements de notre monde comme l'éco-conception ou le développement durable. Dans cette veine, il faut citer les objets fonctionnels design proposés par ¿Adóndé?, Cocobohème ou encore l'architecte d’intérieur Fabrice Daigremont, la maille fantaisie de Marcia de Carvalho et de L’École de la Maille de Paris), le prêt-à-porter de Sakina M'Sa. Il faut citer également le travail du cuir haut de gamme proposé par Dognin dont la maroquinerie remarquable, présentée dans son showroom situé au 4 rue des gardes, s'envole régulièrement aux quatre coin du globe (l'un de ces sacs a même attéri à l'écran dans un épisode mémorable de Sex and the City). L'interprétation ludique et contemporaine du patrimoine offerte par Lilium et les solutions textiles high-tech de Lily Latifi forment également une démonstration exemplaire de ce que la Goutte d'or offre de meilleur.

Si vous n'êtes pas encore tout à fait convaincu, ne vous désolez pas : du 20 au 23 novembre 2014, ce quartier de passions encore trop méconnu des parisiens révèlera ses talents, ses savoir-faire et ses compétences en matière de mode et de design dans un parcours éclairant. Les19 membres de l’association inviteront en effet le grand public, de 12h à 19h, à la découverte de leurs boutiques et ateliers implantés. Les techniques de fabrication de chacun seront également mises en valeur auprès des professionnels par La Fabrique de la Goutte d'Or, une coopérative créée par l'association.

En photo: sac en cuir Dognin, made in La Goutte d'or dans son atelier de la rue des Gardes.