Luxe européen : un nouveau rapport révèle les enjeux et les perspectives de croissance

Les marques européennes haut de gamme et du luxe représentent 5 % du PIB européen, soit 986 milliards d'euros. Ce chiffre, issu d'un nouveau rapport mené par l’European Cultural and Creative Industries Alliance (ECCIA), en collaboration avec le Comité Colbert et Bain & Company, est en hausse de 1% par rapport à 2018. Si son évolution témoigne bien d'une dynamique de croissance, l'avenir du secteur se révèle toutefois plus fragile que jamais au vu des annonces tarifaires annoncées par l'administration Trump et des tensions géopolitiques.

L'absence d'un scénario d'évolution unique et clair

En 2024, la valeur du secteur du haut de gamme et du luxe est en baisse de 1% par rapport à l'année précédente et atteint désormais 1 417 milliards d'euros. Ces chiffres reflètent la sensibilité du secteur aux fluctuations économiques récentes.

« Dans un scénario de base où les turbulences actuelles s'atténuent progressivement, le secteur du luxe devrait atteindre une taille de marché comprise entre 2 000 et 2 500 milliards d'euros d'ici à 2030 », peut-on lire dans l'étude de l'ECCIA. Mais les experts l'affirment : « l'incertitude macroéconomique qui a suivi les récentes annonces tarifaires rend difficile la définition d'un scénario d'évolution unique et clair. »

Concernant le marché des produits de luxe personnels, dont la mode fait partie, celui-ci représente aujourd'hui environ un quart de l'ensemble du secteur des produits de luxe et a connu une croissance robuste au cours des cinq dernières années, avec un TCAC (Taux de Croissance Annuel Composé) de 5% de 2019 à 2024 (estimation). Mais en 2024, le marché devrait connaître son premier ralentissement depuis la Grande Récession (2008-2009), hors impact du covid-19, avec une contraction prévue de -2% aux taux de change actuels par rapport à l'année précédente.

Dans ce contexte, l'ECCIA sonne l'alarme : « Les mesures de rétorsion, incluant droits de douane et barrières non tarifaires, menacent la capacité de l’industrie à conserver un accès compétitif à ces marchés d’exportation essentiels », regrette l'organisation dans un communiqué. Elle ajoute que la montée d’un discours protectionniste pourrait accentuer les tensions pour un secteur qui dépend largement des marchés ouverts. Et de conclure : « Par ailleurs, notre production ne peut être délocalisée, car notre modèle économique et notre attractivité reposent sur le patrimoine culturel et l’expertise européenne. »

Les piliers clés du luxe

Pour maintenir une dynamique positive, les acteurs du luxe et du haut de gamme doivent garder à l'esprit le maintien de piliers clés : l'aura, l'artisanat et l'excellence technique, la créativité et l'innovation, la durabilité et la responsabilité sociale, l'expérience client, la sélection de leur réseau de distribution, et leur attrait au niveau mondial. Focus sur six d'entre eux.

L'aura

L’aura est un levier de valeur essentiel dans le secteur du luxe, car elle engobe l’héritage, la créativité, l’émotion et l’exclusivité d’une marque afin de créer un lien émotionnel fort avec le consommateur. À l’ère du numérique et de l’IA, où les codes du luxe sont de plus en plus imités, les marques doivent préserver l’authenticité de leur créativité en combinant innovation et héritage. L’aura de demain ne se limitera plus à l’objet rare et au matériel, mais s’exprimera à travers des expériences émotionnelles fortes, une narration cohérente et un engagement sincère avec les enjeux contemporains tels que l’inclusion, l’identité et la responsabilité sociale. L'aura deviendra ainsi un marqueur de sens autant que de distinction.

L'artisanat et l'excellence technique

L’avenir du luxe européen repose sur la capacité des marques à préserver et transmettre leur excellence artisanale face à deux défis majeurs : la montée de la concurrence locale dans les marchés émergents et la raréfaction des artisans qualifiés en Europe. Pour y répondre, les marques investissent dans des formations, des académies et des actions de valorisation des métiers d’art afin de garantir la relève et renforcer l’attractivité de ces professions. En ancrant ces savoir-faire dans le futur, elles sécurisent leurs chaînes de valeur tout en réaffirmant leur singularité dans un marché mondial de plus en plus compétitif.

La durabilité et la responsabilité sociale

L’avenir du luxe européen repose sur une intégration toujours plus profonde de la durabilité et de la responsabilité sociale au cœur des modèles économiques. Ancrées dans l’artisanat et le respect de la nature, les marques de luxe doivent continuer à innover pour protéger leurs ressources, tout en renforçant la transparence, la traçabilité et l’éthique tout au long de leur chaîne de valeur. Dans un contexte de réglementation croissante, il sera essentiel qu’elles puissent faire entendre leurs spécificités sectorielles pour construire des stratégies durables ambitieuses, cohérentes et compréhensibles par les consommateurs.

L'expérience client

L’avenir du luxe se joue dans l’approfondissement de la relation entre marques et clients, bien au-delà de l’acte d’achat. Pour rester pertinentes, les marques doivent proposer des expériences immersives, culturelles et émotionnelles qui s’intègrent pleinement dans le mode de vie et les valeurs de leurs clients. En cultivant ces liens authentiques à travers des événements exclusifs et des interactions personnalisées, elles renforceront leur place dans l’univers personnel de chaque consommateur, transformant la fidélité en attachement durable.

Une distribution sélective

L’avenir du luxe repose sur une distribution toujours plus sélective, maîtrisée et omnicanale, afin de préserver l’exclusivité tout en répondant aux attentes d’une clientèle mondiale exigeante. Les marques devront continuer à intégrer étroitement les canaux physiques et digitaux pour offrir des expériences personnalisées, cohérentes et émotionnellement engageantes. Cette stratégie permettra non seulement de renforcer la fidélité et la valeur perçue, mais aussi de protéger l’intégrité des produits face aux risques croissants du marché gris, tout en garantissant une relation directe et maîtrisée avec chaque client.

La reconnaissance et l'attrait au niveau mondial

Pour rester en tête, les marques devront intensifier leurs investissements en marketing global, s’adapter aux attentes spécifiques des marchés clés comme l’Asie, le Moyen-Orient ou les États-Unis, tout en préservant leur identité européenne fondée sur l’excellence, la créativité et le savoir-faire. Cette stratégie permettra de renforcer leur attractivité auprès d’une clientèle internationale toujours plus diversifiée et exigeante.