• Home
  • Actualite
  • Culture
  • Portrait d’un nouveau métier : designer de e-textile

Portrait d’un nouveau métier : designer de e-textile

By Herve Dewintre

loading...

Scroll down to read more

Culture

Florence Bost exerce un métier peu connu, quoique précieux : elle est designer textile. Un peu plus même, elle est spécialiste de l’intégration des nouvelles technologies dans le textile. Un intitulé singulier qui désigne cependant la magnifique réalité d’une profession hautement créative. Cette professionnelle recherchée et écoutée (sa dernière conférence-débat intitulée Textiles connectés et design : innovations agiles et intelligences partagées, organisée au Lieu du Design le 30 juin dernier s’est prolongée avec une intensité ardente) propose une approche originale du design textile aux entreprises françaises depuis la fondation de sa marche Sable Chaud en 1992.

Son cœur de métier : la création en amont d’une conception produit. Son savoir-faire : l’intégration de nouvelles technologies. Une spécialisation qui s’est constituée à la fois par hasard et par tempérament. Diplômée de l’Ecole Supérieure de Design Industriel à Paris en 1992, Florence Bost commença sa carrière en Italie auprès d’Andrea Branzi avec la création d’une collection de textile pour Memphis. Mais très vite, ses premiers travaux la portèrent à conjuguer deux univers à priori éloignés : le textile et la technologie. En effet, lors d’un séminaire avec Gaetano Pesce, elle conçut des tissus sur le rêve, auxquels elle apporta, grâce à la connectique et la microélectronique, « une dimension sensible » : un exercice qui conditionna définitivement son intérêt futur pour les relations entre le textile et les sens. Un intérêt qu’elle exalta bientôt en réalisant plusieurs prototypes innovants : lauréate de la Villa Kujoyama en 1997, sa résidence lui permit d’approfondir ses recherches et de travailler, par exemple, sur un jacquard sonore.

Désormais avec Sable Chaud, cette spécialiste d’un nouveau genre réalise pour les industriels et les créateurs des prototypes en partant de la conception graphique à l’impression, de la fabrication des circuits électroniques à l’assemblage, crée des textiles ennoblis par les sens et lumières en intégrant des technologies rapportées qui transforment la surface du tissu. Quelques exemples : des tissus qui absorbent la lumière et la restituent dans l’obscurité, des tissus qui se mettent à parler (grâce à des circuits électroniques miniaturisés, des boutons haut-parleurs), des tissus qui prennent du relief avec ses sensations holographiques (qui nécessitent l’utilisation de textures à effets optiques et une miniaturisation extrême de l’électronique), des tissus qui changent de motifs selon la température ambiante.

« Les e-textiles insufflent de nouveaux comportements créatifs qui forcent à l'optimisme »

Autant d’innovations dont les applications restent à inventer par les créateurs mais qui d’ores et déjà donnent le tournis quand on songe au fait que le textile du futur est déjà là. Toutes ces innovations peuvent effrayer ou passionner mais comment faire pour appréhender un domaine de connaissance aussi neuf ? Plus d'angoisse à avoir: la designer propose en effet à ses clients une veille technologie, c’est à dire un panorama complet des produits existants, des procédés techniques, des découvertes scientifiques, des composants, des normes, des matières et matériaux . Ce panorama se présente sous forme de dossiers illustrés de schémas explicatifs sur les principes technologiques. La veille peut être accompagnée d’un échantillonnage sur-mesure de composants ou matériaux destinés à se confronter immédiatement aux contraintes existantes. Bien pratique quand on cherche à avoir une vision immédiate sur l’expérimentation, la recherche et la commercialisation du produit à développer.

S’adresser aux entreprises c’est bien, communiquer sa passion au grand public, c’est agréable aussi. La spécialiste de l’intégration des nouvelles technologies dans le textile a consacré deux années à la réalisation d’un ouvrage co-réalisé avec l’architecte d’intérieur Guillermo Crosetto. Intitulé «Textiles, innovations et matières actives», paru aux éditions Eyrolles cette année et conçu comme le grand témoin de l’arrivée des nouvelles technologies dans la filière textile, l’ouvrage se veut la somme des dernières tendances et des nouveaux process de création associant démarches éthiques et écologiques. Magnifiquement illustré, il se présente comme un vaste workshop, laissant l'image et la parole à la quasi-totalité des professionnels concernés, acteurs du design et de la création mais aussi de nombreux domaines connexes. "Les textiles à fonctions actives sont des ambassadeurs de valeurs visibles et invisibles. Ils nous interrogent sur la place du high-tech dans notre quotidien, sur les changements réels que ces "deuxièmes peaux" impliquent. Ils insufflent de nouveaux comportements créatifs qui forcent à l'optimisme". On avait presque oublier de citer la passion de Florence Bost, la voici : traduire l’immatériel et poétiser la microélectronique.

Gap