• Home
  • Actualite
  • Mode
  • Istituto Marangoni : « La mode devient de plus en plus un vecteur de changement »

Istituto Marangoni : « La mode devient de plus en plus un vecteur de changement »

By Herve Dewintre

loading...

Scroll down to read more

Mode |INTERVIEW

Lors de la deuxième édition du Forum de la mode qui s’est tenue dernier à Bercy, les professionnels réunis ont beaucoup parlé de formation. Le ministre de l’Economie et des finances Bruno Le Maire a notamment insisté sur la nécessité d’avoir à Paris une école qui puisse rivaliser avec les établissements les plus renommés au niveau international. Le rapprochement entre l’IFM et l’école de la chambre syndicale de la couture a été évoqué. Lyne Cohen-Sohal a annoncé la création de la Conférence des écoles supérieures de la mode (le Cesum) qui réunirait plusieurs écoles du secteur. L’opportunité d’un Campus Mode à Paris a également été suggérée. En somme, l’ensemble des intervenants semblait s’accorder sur le fait que l’univers de la formation était en mutation. Pourtant, Paris compte un nombre important d’écoles de mode très réputées, chacune avec leur spécificité, leur singularité. Dans ce contexte, il nous a semblé intéressant d’interroger certains de ces établissements. Nous commençons cette série d’entretien avec Valerie Berdah Levy qui dirige l’Istituto Marangoni à Paris.

FashionUnited : Le marché de la mode, et du textile en général, est en crise depuis 2009 : comment les écoles – et l’Istituto Marangoni en particulier - se mettent aux diapasons de cette nouvelle réalité économique ?

Valérie Berdah Levy, Directrice Istituto Marangoni à Paris : Le marché de la mode est en effet en crise depuis 2009 et nous observons que les demandes de stages se multiplient et s’allongent et que les entreprises repoussent au maximum leurs embauches. Ces stages sont des tremplins vers des CDD et des CDI et nous avons des exemples récents de jeunes diplômés qui après un passage par un long stage ont intégré des maisons prestigieuses : je pense notamment à Margerita Deciani qui est désormais Senior Designer chez Givenchy, à Robert Liptak, sorti en 2015 de l’école : il est designer chez Saint Laurent. Ou encore à Viola Marella Bisiach : elle a terminé sa scolarité en 2013 et elle est dorénavant fashion coordinator pour le bureau parisien du Vogue Italia. Nos étudiants sont davantage formés à travailler dans le luxe que dans le mass market, et le secteur du luxe se porte bien mieux.

Quelles sont les spécificités de Istituto Marangoni par rapport aux autres écoles françaises? Voir même européennes?

La principale est l’internationalité : 80 pour cent de nos étudiants sont des internationaux (et + de 50 pour cent de nos enseignants). La 2nde spécificité est l’approche italienne qui mêle business et créativité et qui implique que nos étudiants sont sensibilisés et formés sur une mode créative mais commercialisable. Une différence avec les autres écoles porte sur l’approche pédagogique des enseignants qui n’ont pas plus de 20 étudiants par classe afin d’avoir une relation privilégiée avec leurs étudiants Nous sommes une école privée française délivrant des diplômes de niveau universitaire (BA & MA) grâce au partenariat avec Manchester Metropolitan University.

Quel regard portez-vous sur la mode d’aujourd’hui?

La mode n'est plus seulement le miroir d'une époque, mais devient de plus en plus un puissant vecteur de changement, un medium qui crée du sens et communique des idées. Dans ce sens, je pense qu'aujourd'hui elle exprime parfaitement les ambivalences qui sont propres à une période de transition. On est en train de remettre en question les dynamiques d'un système trop centré sur le profit, la rhétorique vide de son marketing, l'hyperproduction de son fast fashion. On cherche davantage à mettre du sens, à retrouver la valeur émotionnelle des choses comme les vêtements, à se focaliser davantage sur le capital humain qui implique la valorisation des différences, des personnalités, des singularités. C'est un processus qui est un cours mais dont on commence à voir les formes. Sur les questions liées aux stéréotypes du genre, la mode est en train de jouer un rôle essentiel. La mode est culture, histoire, capacité d'interagir avec la contemporanéité, la créativité pas seulement le business. L'importance que sont en train de prendre les écoles de mode, l'intérêt pour une pédagogie qui valorise la créativité, l'engagement responsable, le processus qui mène des au produit, tous ces éléments me paraissent les signes d'une nouvelle façon de penser la mode.

Au forum de la mode, on a beaucoup parlé de la nécessité de créer une grande école de mode publique, quelle est votre opinion à ce sujet?

Je pense que c’est une très bonne initiative et que d’autres grandes capitales, notamment Londres, ont déjà ce type de modèle. Cela donnerait une forte visibilité à Paris en tant que capitale de mode.

LVMH met en place son propre institut de formation. Considérez-vous qu’un tel établissement est concurrent du votre ?

Il y a beaucoup d’écoles et instituts de mode en France, chacun a sa spécificité et trouve sa place.Nous travaillons par ailleurs beaucoup avec LVMH.

Les écoles de mode dépendent actuellement – sauf erreur de ma part – du ministère de l’éducation nationale. Au forum, on a évoqué la possibilité de faire intervenir désormais le ministère de l’industrie et le ministère de la culture, cela vous semble-t-il aller dans le bon sens ?

Les écoles de mode, à une exception près, sont privées et ne dépendent pas de l’éducation nationale. Les écoles privées françaises ont souvent une certification professionnelle appelée RNCP, délivrée par la CNCP qui est rattachée au Ministère du travail et qui est donc très attachée au placement des jeunes diplômés. Il serait tout à fait judicieux et légitime de faire intervenir les ministères de la culture et de l’industrie dans ces reconnaissances !

Quelles sont les actualités à venir de l’Istituto Marangoni?

Je commencerais par les actualités au niveau groupe avec les ouvertures d’écoles : après Mumbaï l’été dernier, la prochaine école sera à Miami à partir de janvier 2018. Sur le plan académique nous allons avoir deux nouveaux programmes à partir de 2018 : un nommé « Professional Experience » qui est basé sur un principe d’alternance et qui termine de préparer les jeunes diplômés à l’insertion professionnelle. Nous allons ensuite lancer un tout nouveau Master of Arts qui est très spécifique à Istituto Marangoni et peu -voire pas- dispensé en France : il s’agit d’un MA en « Fashion Styling, Photography & Film ». Ce programme sera basé sur une analyse de l’image avec un socle de sociologie et anthropologie et formera au métier de Fashion Stylist et Creative Director. Comme tous nos programmes de MA, il comprendra de la recherche.

Comment aidez-vous les jeunes diplômés à trouver du travail?

Nous avons un service carrière qui gère le placement des étudiants au niveau de l’école de Paris ainsi qu’un service au niveau du siège qui gère les projets au niveau inter-écoles et qui est dirigé par Giulia Pirovano (ex Directrice Générale de la Camera Nazionale della Moda). Le service organise des entretiens individuels avec les étudiants, des workshops collectifs, invite des alumni au minimum une fois par mois qui viennent partager leur expérience. Il y a parallèlement des intervenants extérieurs qui donnent des conférences et cela permet aux étudiants de se faire un réseau grâce à l’école. Une fois par an nous organisons des Company days qui sont des sessions de recrutement durant lesquelles les entreprises viennent rencontrer les étudiants à l’école après avoir présélectionné leur CV. Viennent à ces recrutements des entreprises comme : Vêtements, Rick Owens, Balenciaga, Givenchy, Saint Laurent, Chanel, Lanvin … Les entreprises interviennent aussi pour des « industry projects » qui sont des cas concrets. Enfin, afin que les étudiants développent leurs expériences, nous fermons l’école durant la fashion week du mois de mars afin de permettre aux étudiants d’aller travailler.

Le regard et/ou le comportement des étudiants que vous avez cotoyé au cours de votre carrière a t’il évolué ces dernières années?

La grande diversité culturelle et de nationalité de nos étudiants génère perpétuellement de nouvelles et multiples synergies, et représente un foyer précieux pour le développement de la curiosité culturelle et artistique, qui contribue elle-même au développement de la créativité de manière essentielle.

On a pu constater que la “révolution numérique” qui a permis un accès quasi illimité à l’information, peut également déstabiliser les étudiants, qui ont tendance à s’égarer dans la manne de données disponibles. Les étudiants peuvent avoir des difficultés à sélectionner, synthétiser et utiliser ces données, c’est pourquoi il est fondamental d’un point de vue académique que le corps enseignant - composé de professionnels du secteur - accompagne et oriente les étudiants dans leurs recherches, en leur fournissant les outils et méthodes appropriés. L'école et les étudiants sont aussi en train de changer. Je pense que dans les dernières années les perspectives et les attitudes sont moins figées. Nos étudiants viennent des tous les coins du monde et cette diversité est pour l'école une grande richesse. Je pense qu'ils commencent à ressentir qu'il s'agit d'un dialogue, d'un échange, d'une recherche dans laquelle l'école se positionne aussi comme un interlocuteur. Je pense que les étudiants sont plus concernés, exigeants face à leur travail, mais aussi plus confiants par le fait de se sentir part d'une communauté.

Quelle est la mission de Roberto Riccio ?

La mission de Roberto Riccio, en tant que CEO d’Istituto Marangoni, est de guider le groupe pour devenir un leader global de l’innovation créative, de la mode, des arts et de la culture, en construisant des liens forts avec les professionnels de l’industrie de la mode et les marques reconnues mondialement dans le domaine du luxe, et de promouvoir le développement international du groupe, à travers de nouvelles ouvertures dans le monde entier. En même temps, il encourage une mise à jour constante de l’offre éducative, du matériel pédagogique et de la technologie, afin de répondre aux demandes du marché et d’offrir aux étudiants des programmes éducatifs de haut niveau.

Crédit photo:Istituto Marangoni,dr

Istituto Marangoni