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En Macédoine du Nord des ouvrières textiles se battent pour leurs droits

By AFP

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Ilya lix, Unsplash

Stip (République de Macédoine du Nord) - Une machine à coudre et un poing levé, une super héroïne prête à en découdre contre les mauvais patrons : les affiches qui décorent le bureau de Kristina Ampeva, ex-ouvrière textile de Macédoine du Nord, témoignent de son combat pour défendre les droits des femmes au travail.

Elle a troqué le fil et l’aiguille contre le mégaphone en 2016 après des années “horribles” dans les usines de l’habillement et du cuir du petit pays des Balkans, qui travaillent essentiellement pour les marchés d’Europe occidentale. “J’ai rejoint ce combat avec tout mon cœur et toute mon âme pour aider cette main d’œuvre sans droits”, explique à l’AFP la jeune femme de 32 ans dans le local de son ONG à Stip, dans l’est du pays.

“Glasen tekstilec” (Ouvrier textile qui se fait entendre) défend les salariés individuels tout en militant pour des réformes générales. L’ONG a arraché des succès avec ses campagnes, comme l’application du salaire minimum au secteur qui emploie une écrasante majorité de femmes. Ces dernières années, les organisations de défense des femmes se font de plus en plus entendre.

Mais la vraie égalité semble encore loin dans une société patriarcale où une part non négligeable de la population pense que le rôle principal des femmes est d’élever les enfants à la maison. L’indice de parité 2021 du Forum économique mondial place la Macédoine du Nord au 71è rang, loin derrière la Serbie (19) et le Monténégro (48) voisins, en stagnation depuis une quinzaine d’années.

250 euros mensuels

Sur le marché du travail, les inégalités sont criantes, que ce soit en termes d’accès à l’emploi ou de salaires, déclare à l’AFP Neda Petkovska, chercheuse à l’ONG Reactor. En outre, “les rares améliorations du taux d’emploi des femmes vont certainement être balayées par la crise du Covid-19”. D’après l’OCDE, 54 pour cent des femmes actives avaient un travail l’année dernière contre une moyenne de 64 pour cent dans les pays membres.

Stip, place-forte du vêtement au temps de Tito, reste la plus grande ville textile du pays malgré le déclin de cette industrie après la désintégration de la Yougoslavie.

Tous les matins, les petites mains débarquent en autocar devant des dizaines d’usines de banlieue où elles seront récupérées dans l’après-midi. La grande majorité travaillent pour le salaire minimum – moins de 250 euros mensuels quand le salaire moyen est d’environ 460 euros.

Les femmes sont l’épine dorsale d’une industrie qui emploie environ 35.000 personnes, représente 13 pour cent du PIB et plus d’un quart des exportations. “Si on a pas de connections avec les partis politiques, alors le seul boulot possible, c’est dans l’industrie textile”, dit Kristina Ampeva. Nombre d’entre elles sont les seules de la famille à travailler dans l’économie formelle, ce qui signifie que des milliers de foyers dépendent de ces emplois pour l’assurance sociale.

Parfois les choses tournent mal. Bisera Kaftanova, 32 ans, est défendue par “Glasen tekstilec” depuis qu’elle a refusé de signer un CDD de 30 jours avec l’entreprise de vêtements pour laquelle elle travaillait en contrat à durée indéterminée depuis six ans. “Ils nous ont dit, c’est mieux de signer, c’est un emploi sûr. Il n’y a pas d’emploi sûr avec un contrat d’un mois”, dit-elle à l’AFP, déclarant être au chômage forcé sans salaire depuis deux mois.

“Responsabilité des marques”

Kristina Ampeva dit avoir fourni une aide directe ou indirecte à des milliers de personnes dans ce genre de situation et porté un millier de dossiers devant la justice, les impôts ou l’inspection du travail. L’ONG est également fière d’avoir participé au combat contre les quotas de production exigés de la main d’œuvre textile et qui les excluaient de fait du salaire minimum, abolis en 2018 par la Cour constitutionnelle au nom de la lutte contre la discrimination.

Les conditions déplorables qui ont longtemps entâché la réputation du secteur appartiennent au passé, assure Angel Dimitrov, directeur d’usine et président de l’organisation patronale du textile. “La plupart des entreprises appliquent des normes sociales et environnementales strictes” et les “conditions sont meilleures” qu’au Bangladesh, Vietnam ou Pakistan, affirme-t-il.

Ce qui ne l’empêche pas de se plaindre d’un salaire minimum qui “démotive” les gens : “40 pour cent du personnel n’atteignent pas les quotas pour le mériter”. Kristina Ampeva n’est pas d’accord mais reconnaît que les abus qu’elle a vécus à la machine à coudre – pas de climatisation dans la chaleur étouffante de l’été, pas de chauffage l’hiver – sont plus rares. Mais à ses yeux, la solution tient aussi en partie aux clients occidentaux des usines de son pays. “Les marques doivent enfin comprendre leurs propres responsabilités dans la chaîne de production”, dit-elle. (AFP)

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