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Amélie Gillier va réveiller Comptoir des Cotonniers

By FashionUnited

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Amélie Gillier, un nom peu connu du grand public. Pourtant, tout ce qu’elle touche se transforme en succès. Pour un peu, on est tenté de déclarer que cette entrepreneuse, qui se glisse avec aisance aussi bien dans la peau d’une

directrice artistique que dans celle d’une directrice de la création, incarne à la perfection cette nouvelle génération de créatifs, modeste, discrète, qui ne compte que sur son intuition et son application pour marquer de sa profonde empreinte le style d’une décennie, loin du feu des projecteurs.

Elle
se destinait tout d’abord au commerce. Mais la passion du textile fut la plus forte. Celui qui deviendra son mari se nomme Thierry Gillier : issu d'une grande famille de bonnetiers de Troyes depuis 1881, il est le petit fils d’André Gillier, le co-fondateur de Lacoste. Se définissant comme un technicien de la maille, un passionné du textile (après tout, il est le fier héritier du point Gillier de la chemise Lacoste en maille) il hérite avec son frère d'une usine à Troyes en dépôt de bilan, et crée sa marque de maille où il introduit le poil de chameau, notamment pour les femmes. Ce succès aboutit, en 1990, à une licence avec Mitsubishi et une cinquantaine de magasins en Asie où il écoulera la quasi-totalité de sa production. C’est une erreur car les deux frères perdront tout lors du krach asiatique de 1992. Thierry décide de fonder sa propre griffe en 1995. Ce sera Zadig, en hommage au héros de Voltaire. Il achète une petite boutique dans le Marais, une seconde, vend des basiques en laine, en coton, en cachemire. Et rencontre Amélie.

« Je rêvais de la mode de la rue »

Elle a vingt ans, lui trente-quatre, elle n’est pas née dans le textile mais adore la mode. « Pas le luxe, ni l'artisanat, non » déclare-t-elle à l’époque aux échos. « Je rêvais de la mode dans la rue, sur les filles. J'avais passé ma vie à découper des magazines, à courir les boutiques.»

Sa rencontre avec Thierry sera le révélateur. Il lui apprend les ficelles du métier et peu à peu, comme une évidence, Amélie s’occupe des boutiques, voyage pour trouver l’inspiration, et tout naturellement finit par prendre en charge toutes les collections et l’image de la maison.

Ses intuitions font mouche. Le nom de la marque, tout d’abord, métamorphosé en 1997 : « Zadig, c'était un peu sec. Nous voulions un nom plus coulant, plus français. Et puis Voltaire est un grand philosophe » explique-t-elle. Le rythme des collections ensuite : elle n'hésite pas à introduire de nouveaux vêtements en cours de saison, au gré de ses envies. « En injectant ainsi des mini-collections, je provoque l'envie, je crée de l'énergie. » Ce rythme de création permet de proposer chaque année 500 nouveaux modèles aux clients. Sa recette : « La cliente doit pouvoir s'approprier le produit à sa façon, avoir sa propre allure. ». Chaque pièce est superposable.

La suite, vous la connaissez : la marque façonne une silhouette rock et urbaine, typique des années 2000, mixant jeans, pull en cashmere, bottes et blousons en cuir. Avec des décolletés plongeants, jamais provocateurs, ou des boutonnages décalés sur les épaules, Amélie s’amuse : « Les codes de beauté se sont déplacés. La femme est un peu plus désinvolte, avec un côté sexy, suggestif, mais toujours élégante ».

En cinq ans, le chiffre d’affaires de la société passe de 5 à 50 millions d’euros et emploie deux cents salariés. Les projets fourmillent : ouvertures de boutiques au Japon par dizaines, collections homme, chaussures, ligne luxe. En 2009, malgré la crise économique, la marque ouvre sa première boutique New-Yorkaise sur Washington Street. On compte bientôt plus de 160 boutiques dans plus de vingt pays à travers le monde, et le chiffre d'affaires est évalué à environ 200 millions d'euros pour 2011, contre 145 millions pour 2010, pour une marge opérationnelle de 22 pour cent. On pouvait croire qu’avec une telle énergie et de tels talents, le couple réaliserait tous ses projets avec une régularité d’horlogers mais l’amour n’est pas un long fleuve tranquille et le couple se sépare.

De Lovemilla au géant Fast retailing

2007. Amélie se sépare du père de sa fille et quitte l’entreprise dont elle a façonné l’image et le style pendant douze ans. Elle souhaite créer une ligne plus féminine et sophistiquée. Ce sera Lovemilla, inspirée du nom de sa fille Milla. Difficile d’inventer quelque chose de nouveau dans un marché saturé et surtout de trouver les ressources pour redémarrer à zéro. Cette modeste marque rencontre néanmoins un joli succès d’estime mais souffre de l’absence de points de vente en nom propre. En 2011, elle devient directrice du studio Kenzo et participe activement à l’impressionnant renouveau de la marque, propriété de LVMH, aux côtés de Humberto Léon et Carol Lim.

Ce nouveau succès intéresse vivement Fast Retailing qui possède Comptoir des cotonniers. Cette marque a de troublants points communs avec Zadig et Voltaire. Créée en 1995 par le fondateur de l’entreprise de confection Nelson, Tony Marcel Elicha, accompagné de son épouse Georgette, et de ses fils Laurent et Alexandre (aujourd’hui respectivement PDG et DG de The Kooples production), c’est en 1997 que l’enseigne prend son essor grâce à l’intuition de Georgette qui souhaite mettre en valeur la relation entre une fille et sa mère : une communication publicitaire qui perdure encore aujourd’hui.

Distribuée dans plus de 200 points de vente en France mais aussi en Espagne, Belgique, Allemagne et Grèce, la marque passe en 2005 sous le contrôle du japonais Fast Retailing Co. qui a pris 31,5 pour cent du capital et 51 pour cent des droits de vote. Ce géant du prêt à porter feminin qui possède également Uniqlo, Princesse Tam-Tam, mais aussi depuis novembre 2012, la griffe premium américaine J Brand, est ambitieux : il veut se hisser au niveau des géants Zara et Gap. Son PDG, Tadashi Yanai est l'homme le plus fortuné du Japon, selon le classement annuel de Forbes. Un champion qui veut faire jouer les synergies entre ses marques, Uniqlo, Comptoir des Cotonniers et Princesse tam.tam. Objectif : atteindre 10 milliards d'euros de ventes en Europe en 2020 en multipliant les ouvertures. « En Europe, notre objectif est d'atteindre 10 milliards d'euros de ventes dans les dix ans, avec 300 points de vente », indique Nobuo Domae, le président de Fast Retailing France.

C’est donc par ce géant qu’Amélie vient d’être débauchée du Studio Kenzo. Ce jeudi 21 février 2013, l’annonce par le groupe Fast Retailing de sa nomination à la tête de la création du Comptoir des Cotonniers remue la planète mode. Avec l’arrivée de cette personnalité forte, on sent bien que le champion japonais a trouvé une recrue de choix qui connait la recette magique pour réveiller les désirs d’une consommatrice sur sollicitée. Elle apportera son expertise à côté de celle de Delphine Ninous. Première mise à jour : dès mi-avril un nouveau vestiaire imaginé par la créatrice canadienne Calla Haynes, finaliste 2012 du prestigieux concours de l’ANDAM, sera disponible dans toutes les boutiques. Un renouveau créatif à suivre de près.
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