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Le Made in Spain progresse lentement mais sûrement

By FashionUnited

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Les haricots verts d'Afrique du Sud ont perdu de leur attrait, les consommateurs préfèrent acheter ceux de leur région. Les enfants doivent encore apprendre que le lait provient des vaches et non des supermarchés. La tendance à la « slow-food », à la cuisine saine et végétarienne sont presque synonymes de produit local frais ou de proximité. Aujourd'hui, il est temps que la mode suive la même évolution. Mais avons-nous encore les connaissances, le savoir-faire et les moyens techniques pour y parvenir ? Est-il encore possible de produire des jeans en Europe, des sacs à main ou portefeuilles, des pulls en laine? Où ça? Dans cette nouvelle série, FashionUnited étudie la production de vêtements dans six pays européens: l'Espagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l'Allemagne, l'Italie et la France - histoire d'en savoir un peu plus sur les réalités du secteur sur leurs propres terres...

L'attrait

du « Made in Spain » est en plein essor et les marques de mode, dont l'intégralité de la production se trouve en Espagne, vantent fièrement l'origine nationale de leurs collections. D'autres entreprises qui produisent à l'étranger songent à revenir au pays mais les grandes chaînes espagnoles d'envergure internationale qui obtiennent les meilleurs chiffres du secteur ne parviennent pas à concrétiser cette idée.

Dans les années 90, l'Espagne comptait plus de 300 000 employés dans le secteur textile. Aujourd'hui, ce chiffre est tombé progressivement à 135 000, à cause de la délocalisation de l'industrie vers les pays asiatiques et plus particulièrement la Chine.

À l'époque, de nombreuses entreprises traditionnelles ont choisi de ne pas délocaliser leur production. Certaines par manque de financement pour sous-traiter à l'étranger, d'autres à cause de leur grande infrastructure industrielle, préférant garder le contrôle sur leur processus de fabrication en Espagne, miser sur la qualité et/ou maintenir une cohérence avec leur image.

C'est le cas de l'entreprise galicienne de mode pour enfants Pili Carrera dont la production est installée à Mos depuis 1963. « La main d'oeuvre dans certains pays continue d'être moins chère que la nôtre. Toutefois, nous misons sur un niveau de qualité élevé malgré le coût supérieur d'une production locale », explique Salomé Carrera, directeur de la marque.

Parmi les entreprises qui ont délocalisé leur production hors d'Espagne, certaines sont en train de faire le trajet inverse pour revenir sur le territoire espagnol, comme Lenita (maillots de bain), Dándara, Vega Cárcer (sacs) ou Rebeca Sanver (chaussures) pour des raisons diverses, mais principalement à cause de l'augmentation des coûts de production dans les pays asiatiques.

Le nombre d'entreprises qui reviennent au pays est encore très faible par rapport au reste du secteur de la mode en Espagne mais cela n'en reste pas moins symptomatique. Selon Ángel Asensio, président de la Fédération Espagnole des Entreprises de Confection (Fedecom), 15 pour cent de la production délocalisée était déjà rentrée en Espagne et au Portugal en 2013.

Par contre, les initiatives ne cessent de se multiplier avec un soutien institutionnel pour la promotion du Made in Spain. Parmi elles, la démarche de la Confédération des entreprises de mode en Espagne en coopération avec le gouvernement vise à créer une ligne de crédit en faveur de la relocalisation. Dans certaines régions qui hébergeaient autrefois la production textile, comme Igualada et Barcelone, des projets de ré-industrialisation sont également en cours.

Les
avantages et les inconvénients du Made in Spain

Quels sont les avantages d'une production espagnole ? Raúl Juiz, directeur de l'entreprise de bonneterie Viriato installée en Galicie, explique : « Notre processus nous permet de produire un vêtement en quatre à cinq semaines, ce qui est très important ; nous commandons une quantité initiale inférieure que nous réapprovisionnons tout au long de la saison. C'est un avantage par rapport aux commandes en Asie car les délais de livraison et les quantités disponibles s'en trouvent nettement améliorés.

Le fabricant de chaussures Coolway qui, après avoir délocalisé une partie de sa production, s'est remis à confectionner de nouveau de plus en plus de collections en Espagne, reconnait que le public est plus sensible à l'origine de la production et qu'il exige une qualité supérieure. « La situation économique espagnole de ces dernières années a rendu l'offre de produits espagnols plus compétitive au niveau des prix et du design », affirme la directrice marketing de l'entreprise, Paola Dezi.

Néanmoins, les coûts de production restent inférieurs à l'étranger. Roser Ramos, directrice de l'entreprise de mode pour enfants Cóndor, reconnait que le prix est l'inconvénient majeur de la production en Espagne, notamment pour les entreprises comme la sienne qui consacrent une partie de leur budget à la recherche. La situation telle qu'elle est actuellement « nous oblige à limiter nos échantillonnages et à réduire notre marge pour rester compétitifs ».

Un autre problème auquel est confronté le Made in Spain est la capacité réduite d'une industrie partiellement démantelée. « C'est un grave problème pour le retour éventuel de la production en Espagne, commente Juiz de Viriato, car la fermeture d'usines importantes et d'ateliers auxiliaires tout comme la destruction d'emplois qui pousse la main d'oeuvre qualifiée vers d'autres secteurs ou vers le chômage ne facilite pas la réactivation du secteur ».

« Il faudra investir des sommes considérables pour acheter des équipements de dernière génération et former le personnel aux nouvelles techniques », indique Asensio de Fedecom. Une étude de 2012 du Cluster Development publiée par le quotidien national, El País, a signalé que la perte de capacité industrielle dans le secteur de la confection a été tellement importante que de nombreuses entreprises qui favorisent une production de proximité n'ont finalement pas pu confier leur fabrication en Espagne et ont finalement opté pour le Portugal ou le Maroc.

« L'impact serait encore plus important si de grandes chaînes comme Mango, Inditex ou Cortefiel, qui produisent plus de 90 pour cent à l'étranger, décidaient de miser sur une production nationale », ajoute l'étude.

Il est vrai que le géant de la mode Inditex a augmenté ses commandes à des fournisseurs espagnols de 2 000 à 3 400 millions d'euros entre 2011 et 2012, mais ces fournisseurs ne sont pas uniquement issus du secteur textile, il s'agit également de services tels que la sécurité, le conseil ou le transport. Quant à Mango, elle a commencé à confier de petites séries à des ateliers d'Igualada (Barcelone).

Entre-temps, avec une crise qui commence à peine à montrer des signes de recul, les prix sont encore le motif principal d'achat pour les consommateurs et l'origine des vêtements reste importante.

Ceci est la 1ère partie du dossier sur les possibilités de production de mode en Europe.

Photos: Cóndor
Courtoisie Inditex

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