Des chaussures de luxe "made in Ghana", dans un garage d'Accra
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"Quand (nos clients) viennent nous voir, ce sont eux qui choisissent les chaussures qu'ils veulent acheter: ils choisissent le cuir, la couleur, ils peuvent même avoir leurs initiales sur leurs chaussures... Et ils adorent ça", explique Kofi Kwarteng, un des artisans de HTW. Cette bourgeoisie a bénéficié de la forte croissance qu'a connue l'économie ghanéenne ces dernières années (8,8 pourcent en 2012), grâce aux exportations d'or et de cacao et à l'industrie pétrolière naissante. Mais comme dans de nombreux pays émergents du continent africain, la plupart des biens consommés par les Ghanéens sont importés. Cette forte dépendance a contribué à faire chuter le cédi, la monnaie locale, qui a perdu près d'un quart de sa valeur l'année dernière et encore 23 pourcent depuis le début de cette année. Le président ghanéen John Dramani Mahama a annoncé en février que le gouvernement soutiendrait les producteurs locaux d'aliments de base "made in Ghana", tels que la volaille, les tomates ou le riz, pour réduire la dépendance aux importations.
'Le dur labeur n'a jamais tué personne'
Mais pour Fred Deegbe, le pays doit voir plus grand que l'agriculture. Suite à une tentative avortée dans la fabrication de tee-shirts, M. Deegbe s'est intéressé aux chaussures après avoir cherché une belle paire de souliers habillés à Accra, sans succès. Il a donc créé HTW en 2011 avec un associé, puis il a quitté son travail de banquier pour s'y consacrer à plein temps.Le petit atelier, installé dans la maison du père de M. Deegbe, a déjà vendu un millier de paires de chaussures. Cinq artisans s'y activent dans une ambiance studieuse, avec, sous les yeux, le portrait de l'homme d'affaires britannique Richard Branson et le slogan: "Le dur labeur n'a jamais tué personne". "Nous avons toujours été capables de produire de la qualité" au Ghana, estime M. Deegbe. "Nous n'y avons juste jamais été poussés". Il existe d'ailleurs une tradition ghanéenne très ancienne de fabricants de chaussures, concentrée à Kumasi (centre).
Comme l'entrepreneur Emmanuel Adu: il avoue posséder 13 paires de chaussures HTW, des mocassins décontractés aux modèles de ville plus habillés. "C'est aussi bien qu'à Londres ou à Copenhague, sauf que c'est fait au Ghana", dit-il avec admiration. L'exemple de Heel the World lui a donné envie de monter son affaire au Ghana plutôt qu'aux Etats-Unis où il a étudié à l'université. Michael Agyeman-Boaten a lui aussi passé de nombreuses années aux Etats-Unis avant de revenir à Accra, où il dirige une imprimerie. Pour une centaine d'euros, il vient de s'offrir une paire de souliers HTW en cuir mauve, faites sur mesure. "Aux Etats-Unis, ce genre de chaussures personnalisées, ça me couterait une fortune", fait-il observer.
Chris Stein, AFP