MFW: Les entreprises défilent les yeux rivés sur l'Orient

Le défilé Gucci affiche un “romantisme noir” avec les créations de la styliste Frida Giannini aux couleurs sombres, qui témoignent de la sobriété du moment, rehaussées d'accessoires très colorés,

comme pour exorciser les difficultés actuelles. Milano Moda Donna fait suite aux passerelles new-yorkaises et londoniennes, plus riches en griffes internationales, et dicte sa recette anticrise.

Cette année, la semaine de la mode a été marquée par des moments de passion et d'émotion. Des larmes ont même été versées lorsque Raf Simons a fait ses adieux à Jil Sander et à son public avec un dernier défilé. L'émotion était forte pour Simons (qui sera justement remplacé par Jil Sander) mais aussi pour quelques rédactrices de mode. Anna Wintour s'est levée et Suzy Menkes a écrit sur le New York times que les créateurs sont de plus en plus souvent traités comme des marchandises, achetés puis abandonnés par les maisons de couture en fonction de leurs stratégies commerciales.

Mais cette année le véritable Made in Italy, habituellement camouflé par les pétillements et les sourires de circonstance des fêtes mondaines, a défilé dans les showrooms de Via Montenapoleone. Alberto Moretti, directeur artistique d'Arfango, a expliqué avec orgueil à FashionUnited, que le talent et le savoir-faire artisanal italien sont une carte de visite qui ne craint aucune confrontation, à l'instar de la délicieuse soupe à la tomate offerte à la presse et aux acheteurs présents. “Certes, il faut apprendre à s'unir pour gagner, et dans ce domaine les entrepreneurs italiens doivent changer leur mentalité”, a affirmé Moretti, en ajoutant qu'il faut aujourd'hui miser sur les marchés asiatiques, dont les acheteurs sont très nombreux aux défilés à en juger par les accents qu'on y entend. Ce n'est pas un hasard si Prada, dont la collection joue sur les vestes chaudes, les chaussures à talons très hauts et les couleurs, est cotée depuis juin dernier à la bourse de Hong Kong.

Selon Sistema moda Italia les exportations des entreprises italiennes de la mode ont augmenté de 11,6% et la Chine et l'Extrême Orient figurent parmi les marchés mondiaux au potentiel de croissance le plus élevé (+29,5%). Les exportations ont enregistré un ralentissement par rapport au premier semestre de l'année écoulée, lorsque la croissance avait atteint 15,6%. En outre, les chiffres économiques de la mode fournis par la Chambre nationale de la mode indiquent une récession pour l'année 2012 qui sera cependant moins pénible que pour la période 2008-09 car la crise sévit essentiellement en Europa. “Cette fois, selon les estimations, les pertes ne devraient pas dépasser 5%", a expliqué le président de la Chambre de la mode, Mario Boselli.

Cette semaine de la mode milanaise montre que les entreprises ont chacune leur manière de répondre à cette situation, certaines, comme Furla et Fratelli Rossetti, en peignant de rouge, de vert et de jaune les chaussures et les sacs de la collection hiver 2012-13, d'autres comme la fabrique de chaussures vénitienne Ballin, en mettant au point une nouvelle stratégie de e-commerce qui verra bientôt le jour. Le réseau devient aussi un espace de vente pour Uniqueness 1.02 (2 pour deuxième collection sans rythme saisonnier), une marque née de la collaboration entre Pinko et Alessandra Facchinetti. En revanche, pour Giorgio Armani la publicité et des magasins flambant neufs sont des armes gagnantes. ''Nous n'avons pas ressenti les difficultés", dit-il, "car nous avons travaillé et investi dans la publicité et l'ouverture de nouveaux magasins''. De même, pour Moretti d'Arfango, les mono-marques sont une bonne stratégie dans les pays asiatiques, de préférence avec des partenaires locaux, qui peuvent se permettre de dépenser de 400 à 800-1000 euros pour une paire de chaussures.

Les 180 griffes présentes (30% d'étrangères) aux salons Pitti Immagine dédiés à la femme s'investissent presque totalement dans l'innovation et la recherche. En revanche, le salon milanais White a fait défiler la styliste d'origine chinoise Uma Wang.

De notre correspondant Isabella Naef

Photos: Arfango et Emporio Armani