Dévaluation chinoise: quelles conséquences pour le luxe européen?
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Dans l'atonie du mois d’août, la dévaluation du Yuan, sur trois jours consécutifs, a créé une sorte de stupeur car personne ne s'y attendait. Il faut dire que le Premier Ministre chinois Li Keqiang déclarait encore, au mois de Mars dernier, que son pays n'aurait jamais recours à une dévaluation car cela pourrait déclencher une guerre des devises. Une certitude de stabilité confirmée par le fait que la Chine n'était jamais intervenue fortement sur le marché des changes depuis plusieurs décennies.
Cette dévaluation est pourtant jugée désormais nécessaire par le gouvernement chinois qui a, il est vrai, tout tenté pour l'éviter (baisse des taux d’intérêts de la Banque Centrale, octroi de prêt à l'économie etc). Dévaluation d'autant plus necessaire que l'an dernier, le yuan a augmenté de plus de 18 pour cent de sa valeur par rapport aux monnaies de tous les pays qui commercent avec la Chine et que les exportations chinoise ont diminué de 8 pour cent ces 8 derniers mois, ce qui diminuaient fortement les chances de la Chine de maintenir sa croissance au taux prévu de 7 pour cent cette année.
Cela a eu évidemment comme conséquence immédiate d'alarmer les marchés financiers: les valeurs du luxe européen ont été les plus attaquées en Bourse.
Non sans raisons: selon la liste des entreprises européennes les plus exposées à la Chine en termes de ventes établie par Credit Suisse, le luxe est très fortement dépendant de la Chine avec Swatch Group (46 pour cent des ventes), Richemont (33 pour cent), Prada (31 pour cent), Hermès (28 pour cent), ou encore Kering (26 pour cent). L'action LVMH a ainsi perdu 10 pour cent en deux séances. Le numéro un mondial du luxe réalise en effet 29 pour cent environ de ses facturations dans la zone Asie hors Japon.
Cette dévaluation va-t'elle continuer? Le marché va-t'il s'affoler?
A priori, les premiers signes montrent un retour au calme, grâce aux mesures de soutien de la Banque centrale européenne, à la dynamique des résultats des entreprises et aux opportunités offertes par le recul du marché. A la bourse de Shanghai, tout le monde garde la tête froide et ces annonces ont eu peu d'effets sur le cours des actions. Les investisseurs chinois semblent même être rassurés. De plus, ce dimanche, Ma Jun, économiste en chef de la banque centrale chinoise a déclaré dans un courriel que d'autres "ajustements" sont peu probables dans l'avenir, avant de minimiser les craintes de voir la dévaluation chinoise provoquer une "guerre des monnaies". Pour le FMI qui a applaudi cette dévaluation, celle-ci marque avant tout la volonté d'une approche graduelle de la politique chinoise sur les règles du système monétaire international. Les marchés publics ont d'ailleurs pris actes des engagements solennels chinois et ont partiellement inversé la chute des deux premiers jours.
Donc au final, peu de chances que cette dévaluation affecte gravement le luxe européen qui pourra compenser une partie du manque à gagner sur l'évolution défavorable des devises par des hausses de prix en monnaie locale. Sans compter sur le fait que le secteur du luxe européen, Louis Vuitton en tête, a démontré plus d'une fois qu'il pouvait capter une large partie des dépenses des consommateurs chinois à l'occasion de leurs déplacements et voyages en Europe. Les experts confirment avec une relative sérénité que le marché mondial du luxe devra continuer de croître à un rythme proche de 4 à 5 pour cent par an.
Par contre, sans mettre un terme au processus de délocalisation des entreprises plus traditionnelles vers le Vietnam, le Pakistan et le Bangladesh, qui ont des coûts de main-d'œuvre moindre, cela va certainement ralentir la croissance de ces pays tout en augmentant la compétitivité des entreprises chinoises. Or, c'est de là que peut venir le danger: «Il peut y avoir une tentation de tous les voisins de la Chine de dévaluer eux aussi leur monnaie, en imprimant massivement des billets, leur taux de change étant, contrairement au yuan, à un cours fixé par le marché, avertit Jean-François Di Meglio, président d'Asia Centre. Or, si tout le monde se met à dévaluer brutalement, non seulement la Chine perd tout avantage à sa démarche, mais cela peut conduire à de graves désordres dans le marché monétaire".