A Paris, une guerre des biennales se profile à l’horizon cet automne
loading...
"J'adore la Biennale, confiait un jour Karl Lagerfeld à Christian Deydier, pas la poussière des antiquaires." Le couturier avait raison : le rayonnement de ce type de manifestation dépasse souvent la somme de ses exposants : il auréole de son faste la ville hôte ; son prestige rejaillit sur l’ensemble des arts appliqués. Il suffit de se rappeler l’extraordinaire effervescence mondaine, artistique et intellectuelle qui entoura l’exposition des arts décoratifs de 1925 au Grand Palais de Paris pour s’en convaincre. Cette effervescence marqua longtemps les esprits : à partir des années 60, on ne nomma plus que par le nom d’Art Déco les objets conçus à cette époque, en mémoire de l’exposition qui avait mis en lumière ce mouvement.
En 2012, Karl Lagerfeld mit en scène la Biennale des Antiquaires au Grand Palais de Paris. Il imagina les décors (une promenade propice au lèche-vitrine, reproduisant les artères parisiennes), les affiches, les visuels. C’était la XXVIème édition de cette biennale née en 1956. Christian Deydier, président du Syndicat National des Antiquaires, marchand spécialisé en archéologie chinoise, avait personnellement invité le couturier qui est un grand collectionneur et un fin connaisseur du lieu. L’artiste avait accepté avec enthousiasme. Un choix conforme à la vocation de la manifestation conçue des l’origine comme « un lieu où la beauté des objets rivaliserait avec celle des femmes, où l’élégance, le prestige et la fête s’offriraient à une foule d’amateurs d’art et de collectionneurs ». La biennale ce n’est pas une simple foire, c’est une célébration. Ce distinguo, Christian Deydier le comprenait très bien et chacun s’accorde pour dire que sous sa direction, la biennale des antiquaires a connu un éclat sans précédent.
On peut dire sans offenser personne, que depuis cette éblouissante XXVIème édition, la Biennale des Antiquaires, rebaptisée depuis Biennale Paris et transformée en évènement annuel, a perdu son lustre. L’édition 2016 a souvent été qualifiée de « désastreuse ». On en connaît les raisons. En juillet 2014, le conseil d’administration du Syndicat national des antiquaires, riche syndicat organisateur de la Biennale des Antiquaires, votait la révocation surprise de son président Christian Deydier. Ce coup de théâtre spectaculaire bouleversa Paris : à deux mois de la tenue de la Biennale, le président censé faire la promotion de l’événement était révoqué ! De quoi inquiéter légitimement les exposants. Depuis, Dominique Chevalier a pris la tête du syndicat.
Aussitôt à l’ouvrage, Dominique Chevalier indiqua qu’il voulait désormais « privilégier le contenu de la Biennale et pas son contenant » : c’est à dire, diminuer l’importance accordée à la scénographie – exit les stars du calibre de Lagerfeld. Il fallait aussi établir un plan plus simple pour l’implantation des stands : fini les stands spectaculaires à la Cartier. Autre décision : réduire l’importance de la joaillerie. Ne se sentant plus désirer, les grandes maisons de joaillerie ne se le firent pas dire deux fois et quittèrent toutes d’un bloc la manifestation. Le résultat fut sinistre : une ambiance terne de foire studieuse et scolaire, boudée par les collectionneurs et désertée par les parisiens.
Que reprochait-on à Christian Deydier ? En vrac, ses méthodes autoritaires et ses notes de frais princières. On lui reprochait également de mettre en avant les galeries françaises. Pourtant, ce professionnel aguerri, au caractère flamboyant connaissait la crème des collectionneurs internationaux qu’il séduisait de son panache. Ces collectionneurs accordaient leur confiance au président du SNA et venaient en nombre à Paris pour visiter la Biennale. On sait aujourd’hui, cruel comparatif oblige, qu’ils venaient pour une large part grâce au prestige, à l’éclat, au faste que Christian Deydier avait su imprimer à la manifestation.
Sublime, la Biennale des arts d’exception
“Au final, il y a eu beaucoup de mesquinerie vis à vis de Christian” indique un joaillier de la Place Vendôme. Avec lui les résultats étaient la, ils séduisaient les collectionneurs, organisaient des diners avec eux. Je pense que s’il décide de monter sa propre biennale, beaucoup vont le suivre”. Ce pronostic risque bien de se réaliser : la semaine dernière, Christian Deydier a annoncé qu’il lançait sa propre biennale, baptisée Sublime. Il s’adjoint les services de deux grands professionnels : Xavier Samson et Jacques Babando. L’évènement se tiendra vraisemblablement du 14 au 21 octobre devant la façade sud de l’Hôtel des Invalides. Quasiment en même temps que la Fiac qui se déroulera du 18 au 21 octobre, quelques semaines tout juste après la Biennale Paris qui se terminera quant à elle le 16 septembre. La décoration sera confiée au célèbre scénographe Patrick Bazanan. La Fiac verrait d’un très bon œil l’arrivée de cette nouvelle manifestation. La Biennale Paris, c’est moins sur. Les marchands Berko, Jean-Gabriel Mitterrand, Didier Claes, Xavier Eeckhout, De Jonckheere et Phoenix ont d’ores et déjà accepté l’invitation à y exposer. En tout, cinquante exposants devraient participer, dont une dizaine de joailliers.
Crédit photo: Biennale Paris, dr