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Acheter ou pas : l’attrait des vêtements bon marché

By Simone Preuss

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A part s’ils ont vécu dans une caverne au cours des dernières années, la plupart des gens ont entendu parler de la production de vêtements et des conditions parfois moins qu’idéales dans lesquelles ils sont fabriqués : conditions de sécurités non respectées, horaires interminables et salaire de misère. Bien que cela puisse être le pire scénario et qu’il y ait un bon nombre d’usines respectant les consignes, la règle de base est souvant plus un vêtement est bon marché et moins le travailleur récupère un bénéfice.

Jusqu’à présent, c’est clair. Les consommateurs sont bien éclairés et un nombre croissant veut savoir d’où proviennent les vêtements qu’ils portent. Une récente expérience a montré que la plupart des consommateurs ne les achèteraient pas sans connaître la trame de l’histoire. Alors pourquoi les gens continuent-ils d’acheter des vêtements bon marché ? Il y a quelques jours, la réponse à cette question s’est imposée à moi, journaliste de mode qui écrit depuis plus de deux ans des articles sur la fabrication du prêt à porter dans des pays dits à bas salaires.

J’étais en virée shopping avec des amies, parcourant quelques boutiques diverses, lorsque nous sommes entrez dans une boutique de vêtements. Voulant simplement accompagner mes amies, j’entrai avec l’intention de ne pas acheter quoi que ce soit parce que a) mon armoire est pleine à ras bord, b) je suis actuellement en train de chercher à réduire ma consommation et c) je ne connaissais pas la marque de la boutique dans laquelle nous entrions. Mes amies regardaient ici et là et je me baladais aussi, vérifiant des étiquettes pour connaître l’origine de la production - une habitude que j’ai acquis par la force des choses.

« Fabriqué au Bangladesh ». « Ah, une de ces sociétés », pensai-je. J’en regardai une autre. « Fabriqué en Chine ». Pas mal parce que oui, contrairement à une idée préconçue, la Chine n’est pas le pays de la main-d’œuvre bon marché qu’il fut autrefois. Il s’agit en fait de l’un des rares pays à avoir augmenté ses salaires de manière égale, se rapprochant de salaires décents. Ce qui explique pourquoi les acheteurs ont cherché ailleurs pour produire leurs vêtements. Je continuai à me balader quand soudain... À travers la boutique, mes yeux tombèrent sur un sweat-shirt parfait à rayures bleues et blanches - et il était en solde !

Un pull pour 7,50 € ?

Mon cœur s’emballa tandis que je me dirigeai vers le portant. Il était là. Je tendis la main pour toucher une manche et avoir une idée de la matière. Coton. Beau et doux, pas trop épais. Parfait pour une soirée d’été. Je pris le sweat par le cintre et je vérifiai l’étiquette pour confirmation - 80 pour cent coton, 20 pour cent polyester. Bien. Et pendant que j’y étais, je regardai l’étiquette du prix. 50 pour cent de réduction ! Ce qui ramenait son prix à seulement 7,50 €. Et c’est là que je réalisai soudainement.

Acheter ou pas : l’attrait des vêtements bon marché

Du travail en atelier de misère, de pauvres adolescentes sans doute asservies pour ce vêtement, cousant probablement des pièces ensemble jusqu’à tard dans la nuit pour aider leurs familles, tout ça pour que quelqu’un comme moi remplisse son armoire avec un autre vêtement dont elle n’a pas besoin. Dans un soupir, je raccrochai le sweat sur le portant et je partis à la recherche de mes amies.

Elles étaient occupées au rayon vêtements de plage, regardant divers bikinis aux couleurs vives. Je les rejoignis. « Rien trouvé ? » demandai-je. « Il suffit de regarder », répondirent-elles. « Et toi ? » « Je pense que oui, mais je ne suis pas sûre. Vous voulez voir ? » Elles hochèrent la tête, nous marchâmes donc vers « mon » sweat. Il était là, paraissant toujours si mignon et confortable dans toute sa splendeur bleue et blanche. « J’aime bien celui-ci », leur dis-je en le tenant. « Superbe », dit l’une de mes amies. « Et pas cher », dit l’autre en montrant l’étiquette du prix. « Je sais », soupirai-je.

Puis elles repérèrent autre chose, partant et me laissant seule avec le sweat. « Peut-être que je devrais l’essayer », pensai-je et avant même d’y réfléchir, je l’enfilai par la tête. Ah, parfait, je le savais. Une sensation parfaite, une tenue parfaite. Bon sang. Je le remis rapidement sur le cintre, le reposai sur le portant et partis.

Je ne peux pas acheter un travail d’atelier de misère. Non, non, non. J’essayai de me rappeler quelque chose sur la marque mais mon esprit était vide. Je n’avais rien entendu de cette marque en particulier, un assez nouvel entrant sur le marché. Peut-être l’étiquette me donnerait-elle un indice sur la société mère de la marque ? Je vérifiai et là encore, elle ne me disait rien. Des points positifs toutefois pour l’indication de quelques informations sur l’étiquette. Contrairement à certaines entreprises qui produisent au Bangladesh, au Pakistan, en Inde, au Vietnam, au Cambodge, tout ce que vous voulez, mais sans rien mentionner. Comme si leurs vêtements venaient de se matérialiser à partir de rien.

Bon, un dernier coup d’œil. Peut-être que « mon » sweat n’a pas été fabriqué au Bangladesh. Je cherchai encore l’étiquette. La voici. Je soupirai, prête à repartir. Mais là, je me ravisai, j’attrapai le cintre et me précipitai vers la caisse. « Je le prends, il suffit de le payer », criai-je à mes amies qui étaient déjà prêtes à quitter la boutique. « D’accord, nous serons chez H&M », me dirent-elles. Je hochai la tête. « On se retrouve là-bas. »

Personne n’était en caisse. Je regardai autour. Personne en vue. Cela me donnait le temps de réfléchir à mon achat. Mais maintenant, j’étais déterminée. Je prenais le sweat. Juste à ce moment, une vendeuse sympathique me salua et me donna le total. « Ça fera sept quarante-neuf », dit-elle. « Ridiculement abordable », pensai-je, donnant l’argent. Elle emballa mon sweat dans un sac en plastique, me le tendit et c’est là que je fus frappée de culpabilité - qu’est-ce que j’avais fait ? Je saisis le sac et me précipitai hors de la boutique. Rapidement au paradis de la mode suivant pour rejoindre mes amies.

Acheter ou pas : l’attrait des vêtements bon marché

Quele conclusion peut-on tirer de cet épisode ? Beaucoup de choses je pense, car il était intéressant pour moi en tant qu’initiée de la mode supposément bien éclairée de me sentir aspirée dans la même spirale de la vente qu’une consommatrice dîte « normale ». Apparemment, personne n’est à l’abri d’acheter quelque chose. Psychologiquement, il y a beaucoup à gagner et les annonceurs s’attaquent aux faiblesses des consommateurs depuis la nuit des temps. Je ne sais toujours pas tout à fait ce qui m’a fait changer d’avis et acheter le sweat.

Le dilemme du consommateur

Devons-nous nous morfondre chaque fois que nous achetons des vêtements bon marché ? Probablement pas. Après tout, si tout le monde cessait d’acheter ces vêtements, ceux qui en ressentiraient l’impact en premier sont ceux qui ont le plus désespérément besoin de leur emploi : les travailleurs.

Faut-il chercher les meilleures offres et laisser le prix être le seul critère d’achat ? Probablement pas. Acheter des vêtements est devenu compliqué, une corde raide. Après tout, aucun autre secteur n’a vu ses prix baisser (malgré l’inflation) au cours des quarante dernières années.

Ce que nous pouvons faire, c’est prendre des décisions éclairées, chercher des marques que nous aimons et d’autres que nous n’aimons pas. Acheter chez celles que nous voulons soutenir et leur faire savoir que nous apprécions leurs efforts. Que nous, en tant que consommateurs, voulons davantage de transparence et que nous nous soucions de savoir qui a fabriqué nos vêtements et comment ces personnes vivent avec leurs salaires.

Après l’achat de ce sweat, je rentrai chez moi, me sentant toujours coupable. J’en appris sur la compagnie productrice de mon sweat. Oui, elle produit au Bangladesh et certaines de ses étiquettes ont été trouvées lorsque le bâtiment Rana Plaza s’est effondré ce matin fatidique d’avril 2013. Mais c’était aussi l’une des premières à signer l’Accord du Bangladesh sur la sécurité incendie et de la construction. Cela me permit de déculpabiliser un peu.

Texte: Simone Preuss

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