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Au Palais Bourbon, la cravate n'a pas dit son dernier mot

By AFP

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Crédit : Andrew Neel, Unsplash

Paris - En avoir ou pas ? Cinq ans après que l'Assemblée nationale eut acté la fin du port obligatoire de la cravate dans l'hémicycle, ce bout de tissu, symbole de domination pour les uns ou du respect de l'institution pour les autres, fait de la résistance.

C'est une de ces polémiques qui agitent ponctuellement l'Assemblée. À l'été 2017, les députés Insoumis débarquent à la première séance sans cravate. Tandis que leur chef de file d'alors Jean-Luc Mélenchon rappelle que des « sans-culottes » ont siégé à l'Assemblée, ses opposants s'agacent d'un « coup politique ». Mais dans un Palais Bourbon fait de rites et conventions, l'initiative des « insoumis » frôle le crime de lèse-majesté. Pour les hommes, le costume-cravate y est de rigueur. Que faire ? Le député LREM François de Rugy, pas encore élu au perchoir, choisit d'autoriser les « sans cravate » à participer à la séance. Une cravate n'allait pas faire dérailler l'entrée en piste du « nouveau monde ».

La revendication n'est pas nouvelle. En 2008, M. de Rugy avait lui-même plaidé mais sans succès pour en finir avec le port de la cravate. Quelques semaines après l'épisode LFI, le Bureau de l'Assemblée nationale, sorte de conseil d'administration de la chambre basse, entérine le droit pour les députés de siéger sans veste ni cravate car « aucune disposition réglementaire ne fix(e) la tenue vestimentaire des députés ». Alors adieu nœuds « simple », « prince Albert » ou « Windsor » ? Le port de la cravate a déjà sérieusement reculé dans le monde du travail et l'Assemblée se met à l'unisson. C'est d'autant plus facile que ses membres ont été renouvelés à 75% sur fond de vague macroniste et que la féminisation a beaucoup progressé (39%). Ce renouvellement passe donc aussi par le vêtement. Avec plus ou moins de bonheur. Le Bureau de l'Assemblée se sentira obligé de rappeler à tous les députés « la nécessité jusque-là observée d'avoir en toutes circonstances une tenue respectueuse des lieux ».

« Relâchement »

Ce bouleversement des codes vestimentaires ulcère les vieux routiers du Palais Bourbon. Ils y voient l'illustration d'un déclassement du Parlement. Et aussi une nouvelle offense du « nouveau monde » à l'ancien. Le leur.

« Je considère que, lorsqu'on est au Parlement, on doit être habillé comme tout un chacun dans les grands jours », expose Marc Le Fur (LR). L'absence de cravate, « c'est un symptôme de relâchement, certains n'ont pas compris où ils étaient », déclare le député breton qui préside des séances. « Je ne suis jamais entré dans l'hémicycle sans cravate ou en jean », se souvient le socialiste David Habib. « Dans l'hémicycle, je suis le député des Pyrénées-Atlantiques. Si je ne veux pas m'aligner sur un code, je fais autre chose ». Un député LREM fait la moue : « ce n'est pas ça qui a dégradé l'image des députés ». Adepte du combo veste de costard et baskets blanches, Matthieu Orphelin, ex-Marcheur passé chez les écolos, juge que « l'habit ne fait pas la respectabilité ». Il se souvient cependant avoir reçu des courriers courroucés après avoir participé à ses premières cérémonies du 11 novembre sans cravate. Le député comprend alors qu'il s'agit d'un attribut important de la panoplie d'élu. Et sera désormais cravaté pour chaque cérémonie.

Les nouvelles libertés vestimentaires irritent jusqu'à l'Élysée. Aux députés, le président de la République fait savoir qu'il tient à voir des députés cravatés. Surtout quand il se déplace en circonscription. Alors que file la législature et que s'engage une « normalisation » des nouveaux députés, le port de la cravate regagne des parts de marché.

« C'est un honneur de s'endimancher. C'est un respect de l'institution », plaide Sacha Houlié (LREM). « Et puis j'imagine la tête de ma mère si j'allais dans l'hémicycle en bras de chemise... » « Enfermer les gens dans ces codes, c'est essayer de garder une prestance à l'Assemblée nationale qui ne vient pas de là », rétorque la cheffe de file LFI Mathilde Panot. Elle juge aussi sévèrement le code vestimentaire imposé consciemment ou non aux femmes politiques : « Je me rends compte que je mets plus souvent une veste pour qu'on puisse penser que je suis députée ». (AFP)

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