Beryl de Labouchere : l’upcycling et la retouche « nécessitent beaucoup de pédagogie et d’accompagnement »
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Faire de la mode sans produire de vêtements est aujourd’hui une approche courante dans le secteur de l’habillement. Dans ce contexte, et en parallèle des vêtements d’occasion et de la location de vêtements, l’upcycling s’est depuis longtemps fait une place. Des marques comme Maison Margiela, Marine Serre ou, sur un segment moins luxe, Les Récupérables, sont parvenues à donner aux pièces upcyclées le lustre de la nouveauté si nécessaire à la mode. Mais pour que le consommateur s’approprie véritablement le concept, une approche autre que celle du produit fini restait à saisir. C’est dans ce créneau que s’est glissé la société française Tilli.
Créée en 2016, Tilli est une entreprise spécialisée dans la retouche de vêtements dont le fonctionnement modernise le concept. Positionnée comme une entreprise de service, son offre s’articule autour de trois axes : la personnalisation, la retouche et l’upcycling. Pour en savoir plus, FashionUnited a interrogé Beryl de Labouchere, la fondatrice.
Pourriez-vous me parler de votre parcours ?
Lors de mes études, je me suis naturellement dirigée vers un Master entrepreneuriat dans une école de commerce, puis j’ai fait mes premiers pas dans des start-ups très axées sur la tech notamment au sein de Zenly et Theodo.
Après quatre années sur le terrain, j’ai décidé de monter ma boîte. Dans un premier temps, j’ai testé plusieurs projets et à l’été 2016 l’idée de créer Tilli a commencé à apparaître. J’avais huit mariages d’amis et ai proposé à une étudiante en école de mode de venir m’aider à transformer plusieurs robes et vêtements vintages que j’avais dans mon placard afin de toujours être stylée pour mes réceptions tout en optimisant mon dressing. Au passage, elle en a profité pour m’aider à réparer et à retoucher de nombreux vêtements.
Je me suis rendue compte que nous étions beaucoup de notre génération à ne plus savoir coudre et j’ai eu un réel coup de cœur pour cette profession d’artisans couturier et styliste.
En septembre, Tilli a tenu un pop-up aux Galeries Lafayette Champs Elysées. Depuis quand l’entreprise a-t-elle commencé à prendre de l’ampleur ?
Oui, nous avons eu la chance que les Galeries Lafayette nous ouvrent leur stock d’invendus pour que nous développions une petite série upcyclée en vue d’inspirer le client à venir donner une deuxième vie à son dressing. Nous étions donc présents pendant un mois dans le cadre de la campagne « Changeons de mode » avec un stand dédié à l’upcycling. Nous avions un stock de pièces issues du vestiaire mixte des Galeries Lafayette et de basics de chez Faguo ainsi que de nombreux tissus et mercerie vintage que les clients pouvaient twister à volonté avec nos couturiers. Il y avait aussi la possibilité de venir avec une pièce de son dressing.
Tilli a progressivement pris de l’ampleur. Nous sommes sur un marché qui nécessite beaucoup de pédagogie et d’accompagnement. Nous avons donc commencé à développer notre discours sur les sujets de la retouche, de la réparation et de la sensibilisation à l’upcycling. Je dois avouer que depuis l’été dernier nous avons enclenché beaucoup de communication et d’inspirations autour de l’upcycling, c’est un message qui est plus sexy et plus fort en ce moment auprès de notre communauté. Cela a vraiment déclenché un engouement auprès des clients mais également auprès des marques.
Lequel de vos trois services (personnalisation, retouche, upcycling) rencontre le plus de succès auprès de vos clients ?
L’upcycling est celui qui interpelle le plus et qui engendre le plus d’échanges, de réactions et de fiertés chez nos clients. Cela représente 40 pour cent de nos commandes nous avons donc tout de même 60 pour cent de nos clients qui sont sur de la retouche et de la réparation.
Depuis la campagne #RRR de Re_Fashion (anciennement Eco TLC) et avec nos ateliers de réparation en boutique comme avec Faguo ou Adresse Paris par exemple, nous avons un réel mouvement qui s’enclenche sur la prolongation de la durée de vêtements qui est très intéressant, et nous le promouvons avec les marques notamment.
A quoi ressemble le client de Tilli ?
Nous avons une forte proportion de femmes entre 30-40 ans qui souhaitent trouver les bons plans qui leurs faciliteront la vie mais qui veulent également consommer avec sens. Cependant 40 pour cent de nos clients sont des hommes - les hommes étant plus éduqués à la retouche via le port du costume.
Combien de salariés compte Tilli ? Pensez-vous recruter davantage dans l’année à venir ?
Nous sommes 14 aujourd’hui, avec une flotte de 80 couturiers. Nous sommes d’ailleurs toujours à la recherche de nombreux couturiers/modélistes partout en France pour répondre à la demande croissante des clients.
Comment recrutez-vous les couturières et modélistes avec qui vous travaillez ? Pourriez-vous m’expliquer votre processus de sélection ?
Nous avons aujourd’hui un processus de sélection qui prend du temps car on souhaite tous les rencontrer pour valider les valeurs, la passion autour de leur métier et leur savoir-faire. C’est un processus qui fonctionne aujourd’hui pour garantir la qualité du service fourni par Tilli. Dans notre démarche de croissance, nous automatisons évidemment certaines tâches comme le processus d’intégration sur l’application des couturiers, le pré-filtre des inscriptions, etc. . Mais nous continuerons ces rencontres humaines dans notre processus de sélection.
Selon moi la force d’une entreprise réside dans l’échange humain. Nous sommes sur une profession où nous ne pouvons pas avoir de « copier/coller », chacun est unique et travaille l’art de la couture à sa façon. Il faut à tout prix préserver cela !
Comment entretenez-vous le lien avec la communauté de couturiers de Tilli ? Organisez-vous des ateliers ?
Nous organisons souvent des moments avec tous les couturiers qui le souhaitent au bureau, en dehors du temps de mission pour passer un moment convivial tous ensemble. Nous avons beaucoup d’échanges au quotidien avec eux pour les accompagner dans la mission : des groupes et des systèmes d’entraide pour qu’ils puissent échanger entre eux et nous organisons également des ateliers (spécifiques ou généralistes) pour partager et progresser ensemble.
Des projets pour la suite ?
Notre partenariat avec Re_Fashion sur la campagne#RRR, qui se tient du 2 au 10 octobre, continue pour avancer ensemble avec les marques sur les sujets de durabilité et mettre en avant la réparation ! Nous avons également en cours des collaborations à découvrir bientôt sur nos réseaux sociaux et en boutique.
Crédit : Image from Fashion Revolution. New Zealand Maggie Marilyn Motion Sickness.