De Westwood à Daniel Lee : la London Fashion Week inaugure une nouvelle ère pour le segment du luxe
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Du 17 au 21 février dernier, la semaine de la mode londonienne a fait son retour dans la capitale britannique avec un choix impressionnant de 127 marques, défilés, présentations et événements. Comme à son habitude, la Fashion Week a mis l'accent sur les créateurs émergents et les nouveaux talents, en renforçant leur visibilité via son initiative NewGen. Mais durant ces cinq jours, le public n'a pas seulement vibré au rythme des jeunes créateurs innovants, l'événement a aussi proposé plusieurs débuts très attendus et des rendez-vous singuliers.
Le luxe prévaut dans la capitale de la mode
Cette saison, la Fashion Week de Londres coïncidait avec le renouveau de la mode de luxe à Londres. Le secteur est apparemment florissant dans la capitale, ce qui laisse entrevoir un avenir prometteur - bien que la région soit confrontée à la crise actuelle du coût de la vie et à une inflation record. C'est ce qui ressort d'un récent rapport de l'agence immobilière anglaise Savills, indiquant que les marques de mode haut de gamme continuent de dominer le paysage commercial de la ville et s'installent à un rythme légèrement supérieur à celui d'avant la pandémie. Les consultants en immobilier ont constaté que 21 marques internationales de mode et de chaussures avaient ouvert leurs premiers magasins à Londres l'année dernière, soit deux fois plus qu'en 2021. Cet élan d'optimisme devrait se poursuivre au cours de l'année à venir, avec d'autres ouvertures attendues.
Ce sentiment positif s'est reflété dans la programmation de la London Fashion Week, qui a vu revenir un certain nombre de marques de luxe et les débuts de certaines d'entre elles. À noter : contrairement à ses homologues parisiens et italiens, la LFW mise davantage sur les jeunes talents et les noms émergents, qui occupent la majeure partie du programme à travers l'initiative NewGen du British Fashion Council (BFC). Néanmoins, l'attention était aussi portée sur des noms établis, lesquels ont continué d'alimenter les conversations tout au long de la semaine.
Un sujet précis s'est démarqué. Alors que la saison dernière, l'industrie a rendu hommage à la reine Elizabeth II, cette saison, la LFW était dédiée à la reine du punk, Vivienne Westwood, décédée fin décembre 2022. Avant le coup d'envoi de l'événement, le BFC avait déjà annoncé son intention de faire honneur à la défunte créatrice et à son héritage en reconnaissant son rôle dans la définition du punk et la conduite de changements positifs. La LFW a donc été inaugurée jeudi 16 par une cérémonie commémorative dédiée à Westwood, dans la cathédrale Southwark. Une cohorte de célébrités et de personnalités publiques s'y sont rendues, dont Stormzy, Kate Moss et Elle Fanning, toutes vêtues de tenues fantastiques, donnant lieu à un défilé de mode à part entière.
Westwood, Moncler et Daniel Lee ont alimenté les discussions
La semaine de la mode et ses défilés ont véritablement démarré vendredi, avec un programme qui a donné le rythme audacieux des jours à venir. L'attente était à son comble avec l'ajout au calendrier de Moncler Genius et Burberry, qui ont tous deux organisé des défilés consécutifs le lundi soir. Alors que Burberry revenait à Londres après trois ans d'absence, pour Moncler, c'était la première fois que la marque participait dans le cadre de son projet de collaboration Moncler Genius.
Au cours de l'événement, la griffe italienne de luxe a dévoilé ses nouveaux « co-créateurs » - le directeur de la création de Louis Vuitton, Pharrell Williams, le designer Rick Owens, la chanteuse Alicia Keys, l'équipementier sportif Adidas Originals et le motoriste Mercedes-Benz, entre autres - qui ont chacun présenté des concepts créatifs et de nouvelles versions des vestes classiques de Moncler au sein d'espaces distincts.
L'événement, qui s'est déroulé dans le lieu d'exposition l'Olympia London, visait à dépeindre une évolution du concept Moncler Genius (établi en 2018) en mettant l'accent sur la cocréation à travers plusieurs industries. Dans un communiqué, l'entreprise a déclaré : « La plateforme évolue maintenant à partir du concept établi de collaboration, qui fusionne les codes de deux marque, et entre dans une nouvelle phase de cocréation axée sur les compétences créatives humaines et l'imagination afin de concevoir quelque chose que chaque marque ne pourrait réaliser seule. » Le concept pousse l'idée de collaboration un peu plus loin, en étendant cette stratégie tant prisée par les marques au-delà des frontières de l'industrie de la mode.
Chez Burberry aussi on entrait dans un nouveau chapitre avec le nouveau directeur de la création, Daniel Lee. Sa récente nomination doit permettre à la marque de rajeunir l'héritage britannique de Burberry - dilué sous la direction de Riccardo Tisci - tout en permettant à la maison d'atteindre un objectif de 5 milliards de livres (environ 5,6 milliards d'euros) de revenus fixés par son PDG Jonathan Akeroyd pour 2025. Cette collection a marqué à elle seule un renouveau pour Burberry. De nombreux codes issus de la marque ont été ravivés par une palette de couleurs fraîches et des détails contemporains.
Lee a mis l'accent sur les accessoires, une catégorie dans laquelle le designer de 37 ans est devenu particulièrement compétent après s'être forgé une réputation florissante chez Bottega Veneta - chez qui il officiait précédemment - et qui représente donc une lueur d'espoir pour les actionnaires de Burberry. Ses efforts étaient déjà visibles sur le podium à travers des sacs à bandoulière en fausse fourrure et des crossbodies en cuir, ainsi qu'une version casual de chaussures inspirées par l'esthétique outdoor qui a jadis prospéré chez la marque britannique.
Comme beaucoup d'autres marques, Lee et Akeroyd ont également pensé à un consommateur plus jeune en traduisant les valeurs traditionnelles de la maison en graphiques punky et silhouettes plus audacieuses. Même l'évolution du logo « Knight Design » de la marque, sous la direction de Lee, était remarquable. On a pu le voir agrandi sur des robes, des pièces en maille et des accessoires.
Les habitués de la semaine de la mode ont formulé leurs propres déclarations
Burberry et Moncler n'étaient pas les seules marques de renommée mondiale à honorer Londres cette saison. Beaucoup ont utilisé la plateforme pour réaffirmer fermement leurs propres valeurs et visions. Offrant sa quintessence d'humour, JW Anderson est revenu avec un défilé qui a confronté ses invités à une présentation d'inspiration phallique. Le designer, qui s'est fait connaître pour son sens du commerce non conventionnel, a abordé le thème du « fandom », comme indiqué dans les notes du défilé, reflété par l'utilisation de graphiques logomania et de pulls à slogans - une pièce remarquable étant un sac Tesco en forme de justaucorps.
D'autres déclarations étaient moins osées. Le designer turc Bora Aksu, par exemple, a profité de l'occasion pour rendre hommage à son pays d'origine, en observant une minute de silence pour les victimes du tremblement de terre du 6 février 2023 qui a ravagé la région et causé la mort de dizaines de milliers de personnes. Bien qu'il ait été l'un des rares créateurs à faire référence à la tragédie au cours de l'événement londonien, il rejoint un nombre croissant de maisons de couture et de détaillants qui réagissent au drame par des dons importants et des initiatives humanitaires dans l'espoir d'atténuer les effets de la catastrophe. L'attitude d'Aksu s'est également reflétée dans sa ligne à prédominance noire et blanche, loin de ses habituels modèles aux couleurs vives. Après le défilé, le créateur a déclaré à Reuters que même si ce n'était pas son intention initiale, le choix du noir « semblait approprié dans le sens d'un deuil silencieux ».
De nombreux créateurs ont placé l'évolution constante de l'état d'esprit des consommateurs au cœur de leurs offres, entraînant de subtils repositionnements de leurs collections. Cela était perceptible chez 16Arlington, pour lequel le designer Marco Capaldo s'est partiellement éloigné des origines partywear de la marque afin de présenter une version plus casual de son esthétique. Bien que les robes à paillettes et les accessoires de soirée étincelants étaient toujours présents, ils étaient juxtaposées à des jupes confortables, des polaires duveteuses et des basiques magnifiés.
En outre, Capaldo a également profité de cette saison pour introduire la mode masculine, une catégorie dans laquelle il a longtemps exprimé son désir d'entrer. Cette nouveauté s'est exprimée par le biais d'ensembles coordonnés et de tailleurs marqués par des références à son ADN. Cette collection a sous-entendu la possibilité que le designer d'origine italienne cherche à faire évoluer la marque afin d'attirer une clientèle plus large, avec des articles qui permettent aux consommateurs d'aller du dancefloor au pub local en passant par le supermarché.
La portabilité des pièces était également apparente au sein du défilé habituellement flamboyant de Molly Goddard. Sans renoncer à son tulle surdimensionné, signature de la maison, Goddard a calé sa collection sur l'idée de simplicité qu'elle avait alors ressentie à ses débuts dans l'industrie, en 2014, comme indiqué dans les notes du show. De nombreuses pièces ont été inspirées et retravaillées à partir des archives personnelles et professionnelles de la créatrice britannique, avec des références à des pièces nostalgiques de son enfance et des looks populaires qui étaient présentés dans des magazines. L'accent mis sur la facilité et la simplicité s'est reflété dans le choix d'une présentation au sein de son studio de l'est de Londres. Dans les notes, Goddard a déclaré : « L'espace est basique, dépouillé jusqu'au strict minimum, le cadre parfait pour une collection qui n'est pas axée sur le drame ou l'optique, mais sur la facilité à porter et la joie de s'habiller ».
Les marques se tournent vers un glamour à l'ancienne, s'éloignant de l'an 2000
Certaines marques ont pris une direction opposée à celle de la sobriété, pour lui préférer le glamour et l'esthétique hollywoodienne - ce qui pourrait signifier une brève rupture avec l'engouement pour l'an 2000, l'une des tendances phares du moment. Tandis que David Koma a puisé dans les années 1930 et 1960, comme en témoignent les smokings déconstruits et les volants XXL, Roksanda a fait référence au monde de l'art, et notamment à l'œuvre de la Japonaise Atsuko Tanaka. Cette inspiration a guidé la création des robes sculpturales qui ont clôturé le défilé. L'événement intime semblait avoir été conçu spécialement pour la clientèle et les fans dévoués de la marque serbe, qui s'alignaient au premier rang tandis que les modèles défilaient sur fond de lecture à voix haute du poète Arch Hades.
De la même manière, Richard Quinn a également offert un show, avec un défilé qui rappelait fortement The Secret Garden de Frances Hodgson. À la manière typique de Quinn, la collection a rassemblé sa combinaison désormais incontournable de motifs floraux et de détails inspirés du BDSM, ainsi que des formes volumineuses qui semblaient toujours refléter le glamour hollywoodien de la vieille école. L'un des points forts du défilé de Quinn a consisté en une série de robes de mariées qui composaient la moitié de la collection. Les 16 mariées ont descendu l'allée en portant des robes qui incorporaient tout, de la corsetterie aux tulles magnifiés en passant par des silhouettes très structurées. L'importance de cette ligne laisse entrevoir l'essor de l'activité nuptiale du créateur, un sujet sur lequel il s'est beaucoup exprimé, notamment pour ses clients internationaux. Quinn a développé cette catégorie au cours des dernières années, avant la pandémie.
Simone Rocha a également mis l'accent sur les tenues de cérémonies cette saison. La créatrice irlandaise a fait son entrée dans le secteur en 2021, au moment où les mariages commençaient à reprendre après que les restrictions liées à la Covid-19 ont forcé beaucoup d'entre eux à être reportés. Alors que sa première collection était conçue pour répondre aux besoins des mariées à la recherche de robes plus sobres - populaires à l'époque des mariages Zoom et des cérémonies en petit comité - Rocha a opéré un net revirement pour la saison AW23, avec des dentelles fluides et des jupes bouffantes.
La créatrice a également renforcer son offre à travers d'autres pièces et notamment sa ligne pour homme qu'elle a continuer à étoffer - segment dans lequel elle a débuté avec sa collection PE23. Alors que la saison dernière, la créatrice tentait de reformuler la féminité dans les vêtements pour hommes, cette année, elle a continué à brouiller les pistes, conjuguant habilement vêtements féminins et masculins pour ne faire qu'un et donc plaire à tous ceux qui le désirent.
Cet article a initialement été publié sur FashionUnited.com. Il a été traduit et édité en français par FashionUnited France.