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Denim PV: François Girbaud revient avec le WattWash

By Anne-Sophie Castro

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Mode |INTERVIEW

À l’occasion du salon Denim Première Vision, célébré les 18 et 19 mai à Barcelone, FashionUnited a retrouvé François Girbaud, l’inventeur du StoneWash qui, en binôme avec Marithé, a révolutionné le monde du jeans à la fin des années 60. Le maître du délavé revient en force après un échec et la disparition de son label et continue de bousculer les codes du secteur pour donner une leçon à la nouvelle génération.

Qu’êtes-vous devenus durant tout ce temps ?

Depuis notre départ, les gens ont ressenti notre absence, comme si on les avait “abandonnés ». Marithé est restée en Europe et je vis à Los Angeles car je continue mon travail pour sauver l’eau, l’énergie et lutter pour la préservation de l’environnement. Mon travail est de sauver la planète. D’ailleurs, je le fais avec la société Jeanologia en Espagne, à l’aide de machines et une vision du respect de l’environnement. Quant à Marithé, elle a réagi face au besoin de tous ces gens qui nous ont envoyé des messages et se sont sentis abandonnés, comme des orphelins... On a répertorié 64 000 « orphelins », qui sont de vrais clients et non des amis de Facebook. On a repris contact avec ces clients grâce aux réseaux sociaux notamment. Nous n’avons pas rouvert de boutiques et cela ne fait pas partie de nos plans, mais on va vers nos clients en faisant une tournée en France de journées de rencontre que nous organisons depuis un an. Nos clients s’inscrivent sur une billetterie électronique où ils choisissent l’heure de rencontre dans les villes où nous allons : Bordeaux, Marseille, Toulouse, Lyon, Nantes, Strasbourg, Nice, Aix-en-Provence, etc. Nous avons trois générations de clients et nous les connaissons physiquement, ce qui n’est pas le cas de toutes les marques. Le B-to-B apporte de la sympathie à la vente en étant plus humain et cela va en relation avec la durabilité, le commerce équitable et la conscience…

On a une clientèle homme et femme et nos collections avec des jeans qui sont réalisés dans des matériaux qui servaient aux maillots de bains et a la lingerie que nous avons fusionné pour créer une autre catégorie de vêtements qui permettent de porter à la ville des RAW EDGE (bord vif indémaillable), comme nous l’avions créé avec Eurojersey. Depuis des années nous avons inventé ce stretch-là, un stretch citadin.

Vous vendez aussi aux magasins ?

Non, pour l’instant nous ne vendons qu’aux clients parce que nous souhaitons reprendre contact avec eux. Peut-être qu’à la longue nous vendrons sur internet par la force des choses mais pour l’instant il s’agit de privilégier ce côté humain, pour répondre à leur demande. Nous leur proposons des produits fabriqués au Portugal, en France ou ailleurs avec un degré de qualité supérieur, représentatif de Marithé et François Girbaud et qu’ils puissent porter nos créations pendant plusieurs années. On les voit arriver parfois avec des vêtements de nos collections d’il y a dix ans et qu’ils mélangent avec d’autres pièces plus actuelles et c’est rigolo.

Comment travaillez-vous aujourd’hui ?

Le temps des saisons a changé, c’est terminé, d’où le slogan « No more season ». En plus, le système de la haute-couture où le couturier devait préparer sa collection et enchaîner avec le prêt-à-porter, n’a plus de sens aujourd’hui. Du coup, les défilés montrent une image pour l’année à venir qui est déphasée et entre temps, le fast retailing va beaucoup plus vite et sait s’adapter au temps. J’ai travaillé pour Uniqlo et j’ai vite compris que le « fast » est dans l’ère du temps, le client consomme au jour le jour et le reste ne sert plus à rien. Il faudrait que les maisons de couture se rendent compte de cela et qu’elles réagissent ! Je viens du monde du jeans, du casual, du streetstyle et je comprends les inquiétudes du peuple. Les gens voyagent de plus en plus, du Canada à Rio de Janeiro, et après dix heures de trajet, ils utilisent les mêmes vêtements : un t-shirt, une doudoune, un jeans et des sneakers et on a besoin de rien d’autre. Je travaille sur la thermorégulation et on réalise des pièces qui peuvent être portées n’importe où.

Que pensez-vous de l’effet « Camel Toe »?

Concernant le stretch, on est allé trop loin car maintenant le stretch est partout et les femmes sont moulées de la tête aux pieds… Elles ont l’entre-jambe à la vue de tous, ce qu’on appelle l’effet « Camel Toe », un terme slang d'une génération de films pour adolescents comme « Something about Mary » avec Cameron Diaz et Ben Stiller ou encore vu dans South Park avec un épisode ou apparaît Kim Kadarshian et la moquerie des filles qui portent des vêtements trop près du corps et sont partagées à l’entre-jambe…

Le corps de la femme évolue, les canons ne sont plus les mêmes. Les androgynes ou « anorexiques » ne sont plus au goût du jour et les célébrités telles que Jennifer Lopez, Kim Kadarshian ou Beyoncé montrent fièrement leurs formes jusqu’au point de se photographier nues dans leur salles-de-bain : elles deviennent le standard des jeunes qui s’identifient. Je travaille actuellement sur le Warp Stretch qui me permet de répondre à ce besoin. On a la possibilité de redonner au créateur et au confectionneur la possibilité de créer des formes avec la matière.

Aujourd’hui notre marque renait grâce à la sympathie de notre clientèle. On aurait dû disparaitre. La nouvelle génération a tout en main pour réinventer la mode. Avec photoshop, on peut tout faire. Ça m’amuse de voir qu’un homme de 70 ans comme moi dise aux jeunes « regardez, on peut faire autre chose que du vintage, soyez créatifs ! ». Aux Etats-Unis, Kanye West porte le modèle Shuttle des années 80 mais plus près du corps. Notre marque a définitivement marqué l’histoire et aux Etats-Unis on trouve parfois un jeans Marithé François Girbaud pour 95 dollars ! On a encore la cote ! J’ai d’ailleurs rencontré un jeune de San Francisco qui recycle nos jeans et les revend 300 dollars…

Vous sentez-vous encore visionnaire ?

Oui mais d’une façon honorifique maintenant car dernièrement, en Italie, on m’a donné la présidence du Pitti Uomo, peut-être parce que j’ai l’âge des honneurs. L’an dernier, ils l’avaient donné à Elio Fiorucci mais il est mort…je me rends compte qu’on nous donne ces titres comme à des dinosaures (rires) et je me demande si c’est si flatteur que ça…

Parlez-nous de votre capsule avec le pakistanais Naveena Denim LTD…

J’ai créé une collection capsule avec eux et on commercialise mes produits chez Pepe jeans, Levi strauss, etc. Vous savez, aujourd’hui il n’existe plus réellement de designer au sein des marques de jeans. Ralph Lauren, un grand designer, vient de prendre sa retraite et qui reste-t-il maintenant ? Avec ma collection capsule, je propose des motifs textiles gravés dans le tissus "brûlé" au laser suivant une autre construction digitalisée modifiant l'armure du tissus original pour faire apparaitre une autre catégorie. Avec ces tissus citadins, les marques peuvent inventer la suite et créer leur propre design.

Pour aider la nouvelle génération de créateurs, j’ai donné l’exemple d’un modèle de pantalon qui remplacerait la chirurgie esthétique en accentuant les fesses des femmes. J’ai étudié les marchés et je me suis rendu compte que les japonais sont très pervers dans le sens où ils fabriquent des camel-toes (en insérant des prothèses en silicone de sexe féminin dans leur jeans ou sous-vêtements pour marques les formes). Nous, à l’inverse, on dissimule cela. Si dans les années 80 on réalisait des jeans à l’effet ventre plat et taille-haute avec parfois des poches visibles de l’extérieur, aujourd’hui on enlève les poches, la braguette et on laisse la taille au niveau de la ceinture. Un pantalon qui rehausse les fesses pour embellir les formes naturelles des hanches de la femme avec un tissu Warp stretch. Ainsi on fait évoluer le vêtement en créant un vrai besoin d’architecture. C’est le retour de l’Unisex, prophétisent les gens de la mode -qui ont toujours besoin de donner un nom au moindre indice- alors que nous recherchons simplement le chemin d’un vêtement Casual. D’ailleurs, c’est ce que nous avons toujours fait avec Marithé dans nos lignes « jeans », « casual » et « active ».

Qui de mieux placé que vous pour nous parler d’avenir…Quel est le futur du jeans ?

Le jeans devient citadin. Il s’habille de rayures diplomatiques, de carreaux ou autres imprimés. On le porte dans n’importe quelle circonstance. Les tissus que je propose ne sont pas tissés mais avec le digital on arrive à reproduire le chevron ou d’autres matières, c’est le principe du WattWash, un traitement à l’ozone allié à la lumière, les Watts. Ces "nouveaux" matériaux nous permettent d’ habiller l’ homme et la femme dans une même idée de confort avec l’équation F3 (Fit Form Function).Le but de tout cela est de donner la parole à des gens créatifs avec de nouveaux moyens.

Photos: Anne-Sophie Castro

François Girbaud
Girbaud