Dries Van Noten : l'Age d'or des femmes est devant nous
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Énigmatique comme une star d’un film d’art et d’essai, l'héroïne de la collection Automne-Hiver 2017 de Dries Van Noten serpente au son du trafic, des morceaux de musique, des conversations arrachées dans la rue, avec une main nonchalamment dans la poche, les cheveux vaguement cachés derrière ses oreilles. A la place des gens en terrasse d’un café, qui l’espionnent, je pourrais être tentée de la suivre et de voir où la vie l'emmène.
Je ne serais jamais tentée de suivre Gigi Hadid
C'est qui est envoûtant chez l'héroïne de Dries Van Noten est qu’elle n'est pas une jeune fille. Pour son 100ème défilé, le créateur a contacté des modèles qui l'avaient accompagné dès son premier défilé, en 1992. Ces visages familiers des années 90 et 00, avec des rides au coin des yeux et des lèvres, étaient radieux et surprenant pour un podium.
La deuxième fois est deux fois mieux
Le créateur avait également ressorti des archives, pour redécouvrir ses textiles préférés, afin de les retravailler dans de nouveaux styles. Carolyn Murphy à 42 ans ou Liya Kibede à 39 ans ne sont plus des jeunettes, mais elles entrent dans cet âge où les femmes s’excusent - pour leurs années, leurs rides, leur Botox, leur manque de Botox. Tout le monde connaît quelqu'un qui cesse brusquement de révéler son âge – pas de mentir à ce sujet, mais tout simplement ne pas le donner. Une rose est toujours une rose, mais quand la fleur est fânée, il semble préférable de ne pas attirer l'attention sur elle. Dites cela à Amber Valletta alors qu’elle se promène vers vous avec un demi-sourire, en cuir vert et fuchsia, tandis que la musique l’accompagne doucement. Dries Van Noten, un passionné de jardin, comprend mieux que personne l'attrait des plantes vivaces.
Les podiums semblent vouloir mélanger les âges, comme par exemple, lorsque Carmen dell-Orefice (85) a fermé le défilé de haute couture de Guo Pei, en janvier dernier, ou lorsque Lauren Hutton (73) est apparue au défilé Bottega Veneta, de la saison passée. Mais ce ne sont encore que des moments ponctuels. Des aînés épars, engloutis par des jeunes filles de seize ans. Quand l'armée de femmes de Dries Van Noten, âgée de 20 à 50 ans, a marché pendant la grande finale, elles semblaient avancer en cadence, tels des battements du cœur, devenant aussi fort que des tambours, important, puissant. Le créateur a vouloir faire des ces femmes une force à considérer, inexploitée mais vitale, éveillée.
Le nouvel âge des femmes
Majestueuses, polyvalentes, ludiques, ces femmes ont fait partie du succès de Dries Van Noten tout autant que ses textiles merveilleux. Elles sont devenues aujourd'hui l’incarnation de la cliente et de celle qui achète ses vêtements : la mère classique dans un jean, avec un manteau magnifique qui va chercher son enfant de l'école, le galeriste avide d’art, le créateur qui recycle ses pièces des années 90 parce qu'elles sont toujours aussi contemporaines. Derrière un grand homme, il y a beaucoup de grandes femmes et aujourd’hui, il les salue toutes.
Les mots obsédants de David Bowie : « Je serai roi, et toi, tu seras reine ... »
En tant qu’actrices, artistes, femmes d'affaires, avec des familles et des priorités différentes de celles qu'elles avaient dans les années 90, ces reines des podiums n’ont jamais été aussi belles en Dries Van Noten. Il comprend la vie qu'elles mènent. Il leur rend hommage plus que jamais, faisant de nouveau référence au jardin : « Tu veux voir les pivoines quand elles fleurissent, alors tu ne peux pas aller au bal Met ».
Dans une interview ce mois-ci avec 1Granary.com, le créateur a déclaré : « Peut-être beaucoup de gens apprécie Gigi Hadid, mais est-ce si important de voir Gigi Hadid sur Vogue Runway tous les deux jours ? Est-ce cela la « mode »? Je pense que, pour moi, la mode est quelque chose de plus noble que les conseils en maquillage de Kendall Jenner. »
Les femmes qui ont la possibilité de remplir leurs placards avec Dries Van Noten ne cherchent pas à être toujours dans la nouveauté. Elles ne perdent pas leur essence, mais se sentent de plus en plus à l’aise. Elles ne cherchent pas à rivaliser avec les filles de 16 ans, trop émotionnelles et désordonnées. « Nous avons cela ! Et vous? » Elles pourraient défier des créateurs moins dignes d'elle.
Parce que voir la confiance unique de Silvia van der Klooster, Alek Wek, Guineveere Van Seenus, pour entendre le petit rire de Debra Shaw alors qu’elle passe devant Caroline de Maigret, transmet quelque chose de radicalement nouveau à la mode, pourtant essentiel. C'est quelque chose que nous devons avoir . De vraies femmes vivantes, sur le podium, par opposition à la promesse ou l'illusion d’avoir des femmes - nous en prenons une dans chaque couleur ! Ce défilé n'était pas à propos de la nostalgie, c'était un aperçu de l'avenir et de son importance.
Une vraie connection
Dries Van Noten a ajouté, « pour moi les vêtements sont vraiment quelque chose qu’on doit faire avec son cœur. Vous faites de votre mieux pour créer quelque chose auquel vous croyez vraiment. »
Entièrement indépendant, le créateur a franchi toutes les étape en suivant ses propres règles : il ne fait aucune publicité, ne courtise aucune célébrité, n'a pas de parfums ni de licences, ne conçoit aucune collection spéciale pour les grands magasins, et pourtant son entreprise est forte et prospère.
La mode aujourd'hui est tellement tape-à-l’œil et fugace, et nous laisse impassible. Cette collection (nous n'avons même pas abordé l'exquisité des vêtements, mais tant d'autres critiques l'ont fait), tout en mettant en avant tous les âges, a été si sincèrement réalisée, et sans fanfare, qu'elle nous a présenté l'avenir comme si nous y étions déjà. Alors que chaque jour, nous nous créons des souvenirs, tout en avançant dans le future, la vision organique de Dries Van Noten nous fait avancer sans effort. Tout ce que nous avons à faire est nous promener dans notre avenir, en gardant en mémoire nos années passées, dans nos bottes blanches immaculées.
Nous avons eu la chance d'assister au 25 ans de carrière du créateur et nous lui sommes reconnaissants pour l'art qu'il a apporté dans notre vie quotidienne. Il nous fait également savoir qu'il nous est reconnaissant. La mode peut-elle offrir quelque chose de plus unique que celle de l'expérience humaine partagée ?
Par notre contributrice Jackie Mallon, enseignante de plusieurs cours sur la mode à New York et l’auteure de Silk for the Feed Dogs, une nouvelle sur le monde de la mode.
Photo : Dries van Noten AW17, Catwalkpictures
Traduit par Aurore Hennion