L’inspirant héritage de la maison Sonia Rykiel
loading...
À toute grande maison de mode, une grande légende. Celle de la maison Sonia Rykiel débute dans les années 60 et inaugure dans la foulée d’un besoin vestimentaire - celui d’un vêtement de maternité - le premier stigmate du vocabulaire Rykiel : la maille. Mais le langage stylistique de la maison ne s’arrête pas là.
Les vêtements de la maison Rykiel répondent à ce que l’on appelle un « art de vivre », et plus précisément, à celui, tout à fait personnel, de sa fondatrice Sonia Rykiel. Rayures, strass, coutures apparentes et velours sont les gimmicks bien connus de l’adn de la griffe. L’héritage stylistique de son prêt-à-porter couture pourrait être lu au regard des codes de la maison, mais sa grammaire vestimentaire, si parisienne soit-elle, ne peut être réduite à une image carte-postale. Ses pièces gagnent en revanche à être lues au présent, appréhendées pour ce qu’elles sont : des inspirations vestimentaires hors des tendances.
Le confort d’une maille à même la peau
Chez Rykiel, le vêtement est un double épidermique. Dans son ouvrage Et je la voudrais nue (1979) elle écrit : « Mon rapport au vêtement a toujours été un rapport de force. J’ai toujours voulu le dépasser, le démolir, le casser (...) Je voulais que mon corps triomphe de cette enveloppe colorée ». Cette ambition a mené la maison Rykiel a des collections au total look maille, composées de cardigans XXL, de grands pulls chaleureux, de longues robes en tricot fluide et léger. Les pièces sont confectionnées dans une maille ajustée, des jerseys de laine qui restent étroitement liés au corps ou enveloppent sans engoncer. Dans l’ouvrage Histoire idéale de la mode contemporaine : les plus beaux défilés de 1971 à nos jours l’historien Olivier Saillard écrit : « Des pulls plus fins qu’une seconde peau (...) excluant toute possibilité de porter des sous-vêtements ». Rien de surprenant donc à ce que des mannequins découvrent leur peau et leur poitrine derrière la finesse des matières (défilés PE 1976 et 1977).
L'androgynie
Selon l’historienne de la mode Maude Bass-Krueger (via un article consacré à la maison de couture sur le site « Histoire et mode : Carnet de séminaire, IHTP-CNRS »), la première image de Sonia Rykiel dans sa boutique, est celle d’une femme assise sur les escaliers, « langoureusement confiante, jambes écartées ». La pause androgyne du cliché pris dans les années 60, fait écho aux nombreuses pièces issues du vestiaire masculin, réappropriées par la griffe pour rehausser la féminité des silhouettes. Le pantalon large et fluide (très tôt incorporé dans les archives de la maison) et les ensembles tailleurs-pantalons aux proportions un brin exagérées sont également des récurrences lors des collections Sonia Rykiel.
Une tête chapeautée
«Ce qui est important c’est la tête» confiait Sonia Rykiel en août 1969 dans une archive télévisuelle aujourd’hui conservée par l’INA. Si la créatrice employait là une simple image pour expliquer que la femme devait décider par elle-même, il n’en demeure pas moins que la tête soit littéralement mise en valeur dans les collections de la maison Rykiel. Le sourire aux lèvres, les filles des catwalks amènent le regard vers leurs couvre-chefs. Les têtes sont enrubannées, accessoirisées de pompons ou de chauffes-oreilles noirs (AH 2012), portent des bérets titi parisien, des panamas, des chapeaux de canotiers, des chapeaux cloches, des coiffes cosaques, ou des papillons et fleurs piqués sur un turban d’où s’échappent les généreuses chevelures crantées (PE 2008).
Fantaisie et audace
Chez Rykiel, la fantaisie se lit dans de multiples détails. Les rayures en font partie : multicolores, rythmées de lignes noires, en total look sur une robe longue, retravaillées en biais sur un ensemble jupe et sweat-shirt (PE 1989) ou comme animation principale sur un cardigan porté à l’envers et que l'on prend soin de déboutonner pour jouer sur la sensualité d’un dos nu (PE 1985).
On pourrait aussi citer pêle-mêle : les ensembles monochromes des années 80, le glamour des boas aux couleurs pop, les fameuses coutures à l’envers (dès 1974), les fleurs piquées en mousseline, et ces messages audacieux et fantasques affichés sur les pulls : « Bonjour, je suis Vlada, je suis mi-figue mi-raisin » (AH 2009), « Pull de luxe ». (AH 1990).
Un vêtement insouciant et facile à vivre
Les shows Rykiel se terminent traditionnellement par un instant festif où les mannequins vont, bras-dessus, bras-dessous, applaudir la créatrice sous une pluie de paillettes ou de fleurs. L’insouciance et la nonchalance mêlées à une grande joie de vivre définissent la silhouette Rykiel dont la dégaine assurée tient avant tout à un vêtement facile à vivre. Cela peut être de longues robes en mousseline aux coloris poudrés (PE 2008), une combinaison oversize au col tailleur et au confort quasi-clownesque (PE 2009), le détail de poches profondes où enfouir les mains et, toujours, cette superposition de mailles fluides qui réchauffent la silhouette sans l’entraver.
Photo : Sonia Rykiel Facebook / AH 2007-2008 François Guillot - AFP / AH 2005 - Jean-Pierre Muller - AFP / AH 2010 Catwalk archives