La laine française bénéficie d'un nouvel appétit pour le local
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Paris - Du mouton au cintre, sans quitter le territoire : la laine française, souvent délaissée, parfois brûlée faute d’acheteurs, cherche des débouchés et bénéficie d’un nouvel appétit pour le local.
Dans un monde où l’empreinte écologique est devenue importante, plusieurs entreprises ont décidé d’intégrer de la laine “made in France” à leurs produits. Il ne s’agit pas du pull artisanal qui gratte mais de marques tendance. TBS (groupe Eram) va ainsi lancer deux modèles de baskets dont la tige utilise de la laine de moutons d’Ouessant.
La marque de vêtements Balzac Paris, habituée des pages des magazines de mode, fait même partie des membres fondateurs du collectif Tricolor, initié il y a trois ans, qui cherche à promouvoir ce matériau ultra écologique. “La laine en France est exportée à perte en Asie, puis elle revient sous forme de pulls : c’est un non-sens. On veut contribuer à lui offrir des débouchés”, souligne Marie-Emmanuelle Demoures, à la tête des projets en laines françaises chez Balzac Paris, société de 55 personnes. De son côté, la jeune entreprise française Tediber a lancé récemment son nouveau matelas, le bien nommé “Pelote”, composé de mousse recyclée et de laine française.
Effet de mode ou démarche raisonnée ? Sur le papier, la logique est imparable : il y a sept millions d’ovins en France, que les éleveurs doivent tondre au minimum une fois par an. “Cela donne 14 000 tonnes de laine tondue en France”, résume Pascal Gautrand, délégué général de Tricolor. Pourquoi donc ne pas l’utiliser pour le prêt-à-porter, mais aussi la confection de matelas ou d’édredons? Toutefois, concurrencée par des fibres synthétiques, la laine française doit aussi faire face à la concurrence de rivaux comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
“Croisée des chemins”
Bilan : la laine tricolore a été dévaluée “et son coût de vente ne couvre pas les frais de tonte”, déplore Pascal Gautrand. Les laines comme celle du mérinos sont vendues “quelques euros par kilo, les moins utilisées ne trouvent pas d’offre d’achat en ferme”, selon le ministère de l’Agriculture. S’y ajoutent des tensions sur le marché international. “Depuis cinq ans, la conjoncture internationale lainière est en dépression. 70 pour cent des achats de laine étaient faits par la Chine. Mais cette dernière s’est un peu retirée du marché, cela a pesé sur les prix”, raconte Henri Arnaud, l’un des plus gros négociants de laine en France. Mais les temps changent et la crise sanitaire a ravivé l’intérêt pour une consommation locale.
“La pandémie a accéléré les choses”, juge Julien Bianchi, directeur général de TBS. “On s’est intéressé à cette matière qui est aujourd’hui un déchet, on y a trouvé une belle histoire à raconter”. Les défis sont de taille, car la filière s’est détricotée au fil des ans. Il n’existe quasiment plus de site industriel de lavage de la laine en France. Il n’y a guère plus de peignage industriel non plus, cette étape de transformation de la laine brute en rubans de laine. Cédric Auplat a, lui, repris il y a trois ans Peignage Dumortier, à Tourcoing. L’entreprise va investir 3,6 millions euros ces prochaines années pour se développer, dont 1,2 million de l’Etat dans le cadre du plan de relance.
“Il y a un vrai changement de mentalités, mais il nous faut nos propres outils”, dit-il, pour ne pas être dépendant d’entreprises de lavage étrangères. La laine française a aussi ses défauts. Réputée pour son ressort, qui la rend idéale dans les lits, elle l’est moins pour sa douceur. “Pour nos clients, il est important d’avoir un pull qui pique le moins possible”, décrit Marie-Emmanuelle Demoures.
La filière tente donc de s’organiser avec des recherches sur le tri de la laine et, en amont, la sélection des espèces d’ovins les mieux adaptées. “Il faut faire attention à ne pas vendre qu’un concept. Il faut un prix accessible avec un produit qui va plaire au grand public”, avertit Julien Bianchi. (AFP)