"La mode comme religion ?" Défilé Balenciaga dans le noir et sur l'eau
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Saint-Denis - Des silhouettes en robes noires d'ecclésiastiques marchent sur l'eau et dans le noir : Demna Gvasalia, créateur géorgien de Balenciaga, s'interroge sur la mode qui devient religion dans un défilé dramatique, limite effrayant, dimanche à Saint-Denis, près de Paris.
Les invités prennent place dans l'obscurité d'une salle à la Cité du cinéma qui accueille traditionnellement les défilés de la maison de luxe française. Un silence presque religieux règne dans l'attente du show tranchant avec une excitation joyeuse propre à ce moment.
Des reflets des téléphones allumés laissent deviner qu'il y a de l'eau en bas.
Maxi-robe en velours, manteau à capuche, habits longs évoquant ceux de prêtres et de magistrats déclinés en ensembles avec jupes pour les hommes: le noir domine dans ces looks néo-gothiques soulignés par des yeux rouges de vampires ou des ongles triangulaires et longs, vernis de noir ou de rouge.
"C'est l'Espagne, l'Eglise, les premières robes qu'avait faites Balenciaga, c'était pour habiller la marquise pour aller à l'église", commente en coulisse Demna Gvasalia faisant probablement allusion à la marquise de Casa Torres qui avait remarqué le talent de Cristóbal Balenciaga lorsqu'il avait douze ans et qui avait habillé par la suite la famille royale espagnole.
Un autre retour aux sources, plus en profondeur, aura lieu en été. La maison Balenciaga qui fait aujourd'hui parti de la holding du luxe Kering, a décidé de renouer avec la haute couture.
Appelé "couturier des couturiers", l'Espagnol Cristóbal Balenciaga avait fermé sa maison en 1968, ne se reconnaissant plus dans l'essor du prêt-à-porter naissant, et Demna Gvasalia va y revenir après plus de 50 ans.
"Trompe-l'œil"
Du vestiaire religieux, la réflexion "a évolué dans plein de sens différents: la mode comme religion, le dress code qui définit la personne qui le porte", poursuit-il.
Le vestiaire austère dégénère vers une esthétique hardcore et fétichiste avec un blouson noir à clous sculptés en silicone, des bottes de pêcheur transformées en cuissardes ou une pochette "Bondage" avec un bracelet-chaîne.
La ligne d'épaule est un jeu d'exagération allant de celles des body builder sous anabolisants aux "pagodes qui montent vers le ciel", selon la définition du créateur, donnant l'impression d'une extravagance menaçante.
"Pousser les limites, c'était le challenge", déclare Demna Gvasalia. Maître du détournement, le créateur multiplie dans cette collection prêt-à-porter automne-hiver 2020 les effets trompe-l'oeil à l'image "du monde dans lequel on vit".
Porté sur un pull en néoprène, un manteau large est en latex de même qu'une robe évasée à capuche avec ceinture. Des blousons et pantalons en cuir ont en revanche l'effet seconde peau et s'apparentent à des costumes de plongée. Des robes plissées sont en spandex et des tailleurs structurés en jersey.
Des gens venant des milieux différents
"On a fait tout un travail sur le stretch pour les tailleurs, on a moulé des pièces avec du néoprène, pour moi cela fait aussi partie du vocabulaire Balenciaga", souligne Demna Gvasalia.
"Il n'y a rien à l'intérieur, mais cela fait une ligne associative à la corseterie, presque victorienne, cette élégance, une posture qu'on ne voit pas aujourd'hui".
Côté sport, les tenues de motocross, hockey et plongée s'adaptent au quotidien avec leurs empiècements de protection adoucis.
Femme de ménage, assistante en santé mentale, fondatrice d'un abri pour les animaux, galeriste, gymnaste, étudiants : comme d'habitude, des gens venant des milieux différents et aux apparences atypiques défilent aux côtés des mannequins professionnels pour Balenciaga pour montrer les 105 looks de la collection.
L'âge n'est pas tabou non plus : des participants à ces shows affichent sans complexes leurs rides et cheveux gris. (AFP)
Crédit : Balenciaga. AH20-21