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Le luxe doit-il forcement faire la gueule?

By Herve Dewintre

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Voici une étude remarquable, menée de main de maître par DDB Luxe avec Ipsos. Son sujet est apparemment frivole : “Le luxe a-t’il besoin d’être forcement grincheux?” mais ses conclusions sont considérables et extrêmement significatives auprès d’un secteur qui se base naturellement sur la tradition, parfois séculaire, le sérieux, et qui doit pourtant séduire sans cesse de nouvelles générations aux désirs mutants et aux préoccupations n’ayant souvent rien à voir avec celles de leurs parents.

L’étude a été mené en septembre et octobre 2015 et a nécessité 450 interviews d’hommes et de femmes qui ont dépensé en produits de luxe plusieurs milliers d’euros au cours des six derniers mois. Les interviews ont été menées dans cinq villes différentes, cinq villes clés du monde du luxe : New York, Shanghai, Paris, Beijing et Dubaï.

Entrons dans le vif du sujet et avant de détailler la pertinente méthodologie déployée par l’étude, dévoilons directement ses résultats qui sont édifiants : non, le luxe issu d’une longue et sérieuse tradition européenne qui n’a jamais été remise en cause, n’a plus nécessairement l’obligation de s’associer à une stricte image d’austérité. On peut même dire au contraire, et c’est particulièrement vrai dans les pays où il est le plus récent et le mieux accepté que le luxe s’associe de plus en plus au bonheur.

Une notion nouvelle, largement partagée par les personnes les plus jeunes de l’étude. Des jeunes qui ont visiblement moins de tabous que leurs ainés. Pourquoi l’expression du bonheur est elle devenue possible ? Plusieurs raisons sont évoqués mais elles se résument en deux mots : parce que Cara Delevingne. C’est à dire d’une part, grâce aux nouvelles égéries, aidées spontanément par les réseaux sociaux et son nouveau story telling. Ces égéries ne sont plus désormais des mannequins mais des porte-paroles qui racontent aussi bien leurs petites misères que leurs moments glorieux et qui sont devenus les meilleurs producteurs de contenus qu’une marque puisse rêver.

Ensuite, parce que si l’attitude boudeuse des mannequins représentaient jadis le sérieux d’une maison, entre maîtrise, intelligence, humilité et culture, aujourd’hui ce paradigme n’a plus lieu d’être. Certes, le sérieux représente toujours une certaine idée du travail, de l’intelligence. Une certaine idée de l’art, et pourquoi pas l’évoquer : de l’argent. Mais désormais, grâce au digital, une nouvelle génération considère qu’il n’y a pas besoin « d’être sérieux tout le temps pour l’être vraiment ». Instagram, snapchat, twitter sont même vécu désormais comme le terreau fertile où des histoires plus riches peuvent se développer sans galvauder le prestige d’une marque.

La France et les Etats Unis aiment la tradition, la Chine et Dubai le « happyness »

L’étude note à ce propos que les marques de luxe ont fait récemment beaucoup d’efforts pour « ré-établir leur savoir-faire », pour « sortir du lot sans sortir de leur catégorie » avec cette finalité qui ne nous semble pas si incongrue : « puisque c’est cher, encore heureux qu’on soit heureux… »Pour cela, les campagnes établissent un nouveau classement de leurs priorités : tout ne se passe plus dans le jugement mais dans l’attitude. Cela peut être un décor évocateur, une exigence artistique mais aussi le fait qu’un sourire, loin d’être un diktat nouveau est plutôt vécu comme une liberté supplémentaire.

Dans le détail maintenant. On a demandé au panel de classer les mots les plus pertinents pour qualifier le luxe, certains mots évoquent sans surprise les adjectifs attendus pour évoquer la tradition (qualité, sophistication, élégance) d’autres font échos aux émotions (bonheur, créativité, simplicité). Ces qualificatifs s’appliquaient à la fois à des images de mode, que des campagnes de publicité liées au parfum, à la joaillerie, aux montres.

Les résultats sont sensiblement différents selon les villes. Le luxe est ainsi vu comme une évasion, un échappatoire à Dubaï et en Chine tandis que cette notion d’évasion laisse de marbre les français. Une scission qui ne semble pas définitive puisque la capacité à faire rêver est une caractéristique jugée de plus en plus importante aux yeux des européens et des américains. Deux tendances globales émergent malgré tout : *la France et les USA affectionnent plus particulièrement les valeurs de tradition tandis que le Moyen orient ou la Chine sont des adeptes du « happiness » grâce à une population de trentenaires décomplexés qui ne vivent pas l’argent dans l’humilité et qui vivent leur sur-consommation avec un sourire radieux. Une notion qui fait encore tousser en France ou les nouveaux riches ont toujours été jugé avec un certain mépris de classe.

Plus forcement pour longtemps puisque les « millenials » affectionnent beaucoup plus que leurs ainés les clichés où la spontanéité est de mise. Concrètement, s’autoriser à être joyeux, ce n’est plus forcement se mettre en danger. L’idéal étant désormais de permettre aux modèles de garder leur naturel, leur émotion, leur fraicheur et leur spontanéité quitte à ce que la dimension luxe du cliché s’infuse dans le lieu ou les objets. En conclusion, on pourrait dire que, dans un monde en équilibre instable, le fait que le sourire ne soit plus jugé désormais comme quelque chose de trivial et d’infamant, c’est plutôt une bonne nouvelle. La joie de vivre est après tout un luxe que beaucoup d’habitants de cette planète ne peuvent se permettre.


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