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Les Libériens délaissent la mode occidentale pour se saper à l'africaine

By AFP

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Pendant près de 200 ans, les Libériens ont copié les coutumes occidentales, y compris vestimentaires, parfois jusqu'à la caricature. Mais depuis l'effroyable guerre civile qui a chassé nombre d'entre eux dans les pays voisins, beaucoup ont pris goût à la mode africaine. Des dizaines de milliers de personnes ont dû fuir en Côte d'Ivoire, en Guinée, au Ghana en raison des guerres civiles qui ont ensanglanté le pays entre 1989 et 2003.

Depuis, beaucoup sont rentrés, avec dans leurs bagages les tissus africains aux couleurs vives que dédaignaient auparavant les élites de cette république fondée au XIXème siècle avec le soutien des Etats-Unis par des esclaves américains affranchis. Les descendants de ces derniers, qui dominent encore aujourd'hui au sein de la société, mettaient un point d'honneur à s'habiller comme leurs anciens maîtres.

Les Libériens de retour d'exil ont d'abord demandé à leur tailleur de reproduire les modèles découverts à Abidjan, Conakry ou Accra. Mais progressivement s'est développée une production locale - chemises éclatantes, robes biseautées et fendues sur le côté, assorties à des foulards de tête... - qui concurrence les polos, jeans et capuches d'outre-Atlantique.

"Les Libériens étaient très attachés à la mode vestimentaire à l'européenne", explique Agatius Coker, un styliste de la capitale Monrovia. "C'est en vivant dans d'autres pays africains pendant la guerre qu'ils ont vu d'autres façons de s'habiller". Agatius Coker travaille beaucoup sur les mariages traditionnels africains, où les tenues bigarrées sont à présent aussi recherchées que le blanc habituel des cérémonies à l'occidentale. "Nous achetons le tissu dans d'autres pays africains, nous réalisons la conception et le taillons ici", précise-t-il. Un costume ample en coton coûte 60 à 80 dollars (50 à 70 euros environ) et une chemise imprimée 35 dollars (environ 30 euros).

Necklace#EdithHouseofFashion

A photo posted by Korlu Jallah (@korlujallah) on

"Nous sommes moins chers que la mode européenne qui va chercher dans les 120 dollars (106 euros) et au-delà", assure le styliste. Sans compter que dans cette région souvent très humide, "la mode africaine est adaptée au climat", avec des étoffes plus légères et plus amples, dit-il.

Identité retrouvée

"Je me sens vraiment africain quand je m'habille à l'africaine", approuve Roosevelt Krumah, qui arbore fièrement une chemise à motifs bariolée assortie à sa toque, en insistant sur l'importance du confort.

Quand elle s'habille le matin, Reid Seton, dont la marque Sarnokoon Designs est florissante, ne conçoit plus de ne pas porter au moins une touche d'africanité. "Même sans mettre une robe africaine, ça peut être un pantalon africain, ou au moins un bracelet africain ou quelque chose de ce genre...", estime-t-elle. "Quand vous portez ces tissus africains, cela attire, il y a une certaine beauté là-dedans". Cet engouement assez récent pour la mode africaine au Liberia apporte des revenus à ce pays dont l'économie repose en grande partie sur les petites entreprises.

Grâce à la demande, Korlu Jallah, une styliste de haute couture, fondatrice de la société Edith House of Fashion, s'est diversifiée dans le prêt-à-porter. Il y a seulement cinq ans, elle grossissait les rangs des diplômés universitaires au chômage. A présent, elle emploie 22 personnes: 15 tailleurs, six vendeuses et un responsable administratif.

"Ma mère est couturière. Quand j'étais petite, je la regardais travailler", raconte Korlu Jallah, 32 ans. "Lorsque j'ai eu du mal à trouver du boulot, elle m'a conseillé de continuer dans la couture. Au début, c'était difficile parce que les femmes ici préféraient les styles européens", poursuit-elle. Le changement a été aussi rapide que spectaculaire, à en juger par la file de clientes attendant dans sa boutique pour qu'on prenne leurs mesures.

Une de ses vendeuses, Ophelia Gbedia, 19 ans, a trouvé là le moyen de financer ses études, qu'elle avait abandonnées après le décès de son père, emporté par l'épidémie d'Ebola qui a sévi dans le pays jusqu'au début de l'année. "C'est lui qui payait mes frais scolaires", indique-t-elle en pliant soigneusement des chemises en coton. "J'ai été obligée d'arrêter, mais grâce à ce travail, j'ai pu retourner en classe". (AFP)

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