Les métiers de la mode créés par les enjeux sociaux et l'économie circulaire
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La durabilité et l’économie circulaire sont-elles l'avenir de l'industrie de la mode ? Alors que viennent de se terminer les « Quatre grandes semaines de la mode » de New York à Paris, les termes d'écologie et de mode durable ont occupé la plupart des discussions et rallier à eux l’ensemble de la profession. Le groupe Kering a annoncé son engagement pour une neutralité totale en carbone, suivie de près par LVMH, tandis que l'actualité était marquée par la grève mondiale pour le climat et le discours de la jeune militante écologiste Greta Thunberg au Sommet des Nations Unis.
En parallèle, des entreprises comme H&M ont boycotté le cuir brésilien à la suite des incendies en Amazonie. Les questions sociales et environnementales étant désormais au premier plan dans le secteur de la mode, FashionUnited a interrogé trois professionnels de la durabilité et de l'impact social sur ce que leur travail implique et sur la manière dont ils utilisent leur pouvoir pour changer les choses.
Jackie Lewis, experte en durabilité chez Alvanon
FashionUnited : Que fait exactement un expert en durabilité ?
Jackie Lewis : Un expert en développement durable remet en question les manières de procéder actuelles et demande s'il existe une meilleure façon de faire, une approche permettant d'atteindre le même résultat mais à un coût moindre pour les personnes et l'environnement. Dans le monde de la mode, il faut de l'expérience et une parfaite compréhension de la conception, de la création et de la fabrication d'un produit. Le défi est de savoir comment tenir votre promesse de développement durable tout en réalisant des bénéfices et en donnant au client ce qu'il souhaite.
Qu'aimes-tu dans ton travail ?
Quand j'entends les gens répéter mes paroles, je sais alors qu'elles ont vraiment un impact sur la durabilité. Mon travail en tant qu'expert en développement durable consiste à les aider et à identifier ce qui intéresse vraiment les gens, ce qui les affecte au quotidien et comment même les plus petits changements peuvent avoir une incidence positive sur leur mode de vie et leur environnement, afin de susciter un élan et des changements.
Comment êtes-vous devenue experte en durabilité chez Alvanon ?
Avant de rejoindre Alvanon en 2018, j'ai passé près de 30 ans dans le secteur de la fabrication et de la vente au détail, dirigeant des équipes de développement technique. Au cours de cette période, j'ai assisté à de nombreux changements, notamment à la délocalisation de la production et la révolution du commerce de détail avec l'émergence des détaillants en ligne tels que Boohoo, Missguided et Pretty Little Things.
Tout au long de ce parcours, les choses qui me tenaient à cœur étaient le produit, le consommateur et mon équipe. Être capable d'innover et d'évoluer au niveau des produits et des entreprises requiert de l'empathie pour le consommateur et son personnel. Ainsi, après avoir été intégrée dans une entreprise gérant des indicateurs de performance clés (KPI) et après un chemin compliqué croulant sous les deadlines, je souhaitais offrir davantage et rendre un peu à l’industrie. Mon rôle chez Alvanon me laisse l'espace pour le faire car je ne suis plus distraite par le travail quotidien.
Quels conseils pouvez-vous donner à ceux qui souhaitent poursuivre une carrière liée à la durabilité dans l'industrie de l'habillement ?
L'époque où vous vous formiez et vous qualifiez à l'université est révolue, viser directement un poste et y rester pour le reste de ses jours est de l'histoire ancienne. À présent, que vous soyez diplômé d'université ou déjà dans l'industrie, vous devrez apprendre constamment. Si vous travaillez pour une personne qui n'enrichit pas votre apprentissage et ne développe pas vos compétences, alors ce n'est probablement pas l’entreprise dans laquelle travailler.
Amy Smith, responsable des dons chez Toms
Quelles sont vos responsabilités en tant que responsable des dons (Chief Giving Office ) chez Toms ?
Amy Smith : C’est un travail unique et sans règles. C'est extrêmement enrichissant parce que je suis passionnée par l'impact que nous avons, mais c'est aussi un défi. Après tout, il s’agit d’un rôle essentiel au sein de Toms. Mon travail consiste à élaborer des stratégies et à superviser notre travail de donation en nous assurant que nous produisons le plus d'impact possible, que ce soit par nos dons de chaussures et d'eau ou par notre nouveau travail axé sur des projets qui répondent aux besoins locaux. Mon rôle comprend tout, de la commande à la fabrication, en passant par le stockage des chaussures, leur distribution, la boucle de rétroaction avec les partenaires et l'analyse de ce que nous pouvons améliorer. Je suis également à la recherche de nouveaux projets et de partenaires locaux et identifie les domaines dans lesquels nous pouvons avoir un impact positif à l'avenir en fonction des besoins essentiels.
À quoi ressemble une journée de travail typique pour vous ?
Mes journées sont longues mais jamais vraiment les mêmes, c'est ce qui me plait. Je gère notre réseau d'environ 90 partenaires donateurs et nos programmes de dons. Mon équipe et moi-même travaillons également à développer les meilleures stratégies pour nos dons, en utilisant les remarques de nos partenaires actuels sur le terrain. Nous nous sentons obligés d'effectuer ces dons de la manière la plus responsable possible. Par exemple, nous fabriquons à présent des chaussures suivant un certain nombre de silhouettes différentes, adaptées au climat de la région et aux activités auxquelles les enfants participent. Ces ajouts à la gamme de produits résultent directement des commentaires de notre partenaire donateur.
Parlez-nous un peu de vous et de la carrière que vous avez choisie. Comment devient-on un « Chief Diving Officer » ?
Je possède une expérience mixte en entreprise et dans des sociétés à but non lucratif, ce qui m'a donné les outils nécessaires pour travailler chez Toms. J'ai commencé ma carrière chez Apple en travaillant à divers postes, notamment pour le développement immobilier international, la conception de magasins et l'exploitation de magasins, où j'ai beaucoup appris sur la recherche de l'innovation et la priorité donnée à l'expérience client. En 2003, je suis entrée dans le monde des organisations à but non lucratif. Mon dernier poste avant de rejoindre Toms était celui de responsable de la stratégie à Points of Light, l'une des plus grandes organisations au monde dédiée au service volontaire. Je suis heureuse d'utiliser les compétences que j’ai développées à partir de ces expériences pour jeter un pont entre profit et utilité chez Toms.
Flora Davidson, cofondatrice de Supplycompass, une plateforme d'approvisionnement durable
Comment avez-vous créé l'entreprise ?
Flora Davidson : Je travaillais comme consultante en innovation dans le secteur de la mode pour de gros clients tels que L’Oréal, Stella McCartney et Adidas, en vue de les aider à concevoir des produits répondant aux besoins de leurs clients. Travailler avec ces énormes marques m'a montré que j'étais beaucoup plus intéressée par la façon dont les choses sont fabriquées que par la façon dont on les vend.
Au début, nous pensions que nous serions davantage un marketplace et que nous serions l'intermédiaire entre les marques et les usines. Nous avons passé deux ans en Inde, vivant à Mumbai, visitant plus de 200 usines et leur posant de multiples questions, sachant que les problèmes que nous rencontrions n’existaient pas uniquement pour les marques. Personne ne demande vraiment aux usines : « Comment ça va, les gars ? Si vous pouviez améliorer le processus, que feriez-vous ? ». Nous avons donc noué des relations avec des usines ouvertes et alignées sur nos valeurs. Nous avons spécifiquement recherché des usines comptant entre 15 et 500 employés. Au départ, nous n’étions qu’un agent, sans plate-forme, mais nous avons ensuite mobilisé des investissements et construit une plate-forme. Nous sommes aujourd’hui un outil d’automatisation de la production sur le marché. Mais nous n’avons que trois ans et nous ne sommes pas encore devenu tout ce que nous voulons être.
Quelle est la chose dont vous êtes le plus fière ?
Les marques qui ont opté pour une production responsable non parce qu’elles s'intéressent à l’aspect durable, mais parce que le choix de matériaux d’emballage ou de produit biologique était finalement plus logique et finalement moins cher que ce qu’elles produisaient.
Cet article a été écrit pour FashionUnited.com. Il a été traduit et édité en français par Julia Garel.
Photos : Alvanon, H&M