Marine Serre : la mode pour embrasser le monde "qui a radicalement changé"
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Paris - L’univers post-apocalyptique de Marine Serre était bien avant l’heure peuplé d’êtres masqués et encagoulés. Au 2e jour de la Fashion week parisienne, la jeune créatrice française veut “embrasser” le monde bouleversé par la pandémie, avec une mode sans compromis.
Ames sensibles s’abstenir: sa collection printemps-été 2021 a été présentée mardi dans “Amor Fati”, un film dérangeant avec des images fortes accompagnées de musique stridente. “Cette collection est le miroir des cinq derniers mois. Je travaille toujours comme ça, c’est le monde autour de nous qui a changé radicalement”, explique à l’AFP Marine Serre.
Sa précédente collection, qui a anticipé le style imposé d’aujourd’hui avec des masques anti-pollution comme accessoire de mode, a eu beaucoup de succès. Trois semaines après ce défilé, “on a été tous confinés”. “Le masque est arrivé dans mes collections il y a un an et demi. J’allais au travail en vélo et je trouvais que ce n’était pas agréable à Paris”, raconte Marine Serre. Elle a senti qu’un styliste devait proposer cette pièce pour les besoins de la vie quotidienne en ville, au même titre que l’imperméable. “A l’époque, personne n’y a pensé, ce n’était pas très joli, aujourd’hui on y est contraint, c’est différent, vous n’avez pas le choix. Les masques, on les vend depuis un an et demi”.
Après d’impressionnants défilés à l’esthétique dystopique, elle a opté cette saison pour un court-métrage inspiré du concept d’Amor Fati (“amour du destin”) de Nietzsche qui invite à embrasser la réalité avec sa part de chaos et d’horreurs pour la dépasser. Dans chacune des trois parties du film jouent les mêmes acteurs portant des vêtements différents: costumes ou combinaisons seconde peau imprimés de croissants — son motif fétiche—, vestes noires avec de multiples poches, capes ou crinoline, visières et lunettes de soleil.
Perfectionniste
“C’est une mise en valeur de la force qu’a le vêtement aujourd’hui, comment il nous protège, nous aide à affronter notre quotidien, à communiquer et à faire passer un message, avancer tout en restant perfectionniste dans sa production”, résume la styliste.
Fer de lance avec le Belge Dries Van Noten d’un manifeste pour une mode plus responsable soutenu par des centaines de petites maisons qui s’engagent à produire moins et à repenser les défilés, elle dit qu’elle va “s’adapter en fonction de ce qui va se passer”.
“Je n’ai rien contre refaire un show dans les prochains mois. Ce qui est intéressant dans les Fashion weeks, c’est de créer une synergie, un moment de partage, être ensemble”, souligne-t-elle, tout en estimant qu’il y en a trop. “Avoir 25 (semaines de mode) par an n’a pas de sens”. Pour une marque indépendante comme la sienne, “deux collections dans une année, c’est déjà beaucoup créativement parlant”.
“Techniquement parlant pour construire une jupe qui est faite à partir d’un tapis et pour que celle-ci vous reste 30 ans, c’est du temps, un temps précieux qu’on a oublié à cause de la fast fashion”.
Le changement, “ce mot du moment” passe pour Marine Serre par la façon dont les vêtements sont produits. Actuellement 50 pour cent de ses pièces sont fabriquées avec des vêtements récupérés en fin de vie. “C’est une fabrication qui est extrêmement compliquée. La difficulté dans tout cela c’est de pouvoir grandir en quantité, mais aussi de baisser le prix”, explique-t-elle.
Ses collections sont produites en Europe, “surtout en Italie, au Portugal et en France” avec des usines familiales “qui peuvent comprendre cette démarche-là”.
Pendant le confinement, “il y a eu un vrai questionnement sur comment on vit, ce qu’on mange, comment on s’habille. La plupart des choses dans lesquelles on croyait sont en train de devenir ou sont déjà devenues essentielles”, se félicite la créatrice. (AFP)
Photo : PR Marine Serre