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Poiret à la Fashion Week: la délicate renaissance d'une maison historique

By AFP

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C'était l'événement le plus attendu de la Fashion Week: la griffe Poiret, maison légendaire du début du XXe siècle, a fait son grand retour sur les podiums dimanche 90 ans après sa fermeture, une renaissance sous pavillon coréen qui constitue une gageure.

La délicate tâche d'adapter au XXIe siècle le langage de Paul Poiret, couturier de l'époque Art déco, revient à Yiqing Yin, créatrice française d'origine chinoise de 32 ans, en charge de la direction artistique de la marque ressuscitée. "Il y avait tout à construire, les équipes, tout, c'était vide il y a un an encore !", raconte à l'AFP la jeune femme, qui a dû mettre entre parenthèses sa propre maison de haute couture pour se consacrer au projet.

Rachetée en 2015 par le géant de la distribution sud-coréen Shinsegae à la société luxembourgeoise Luvanis, la griffe entend proposer un prêt-à-porter de luxe, vêtements, accessoires, bijoux, chaussures. Poiret ajoute ainsi son nom à la liste des vieilles maisons relancées ces dernières années, de Balenciaga à Carven, de Schiaparelli à Vionnet. Entourée d'une équipe d'une vingtaine de personnes, constituée sous la houlette de la femme d'affaires belge Anne Chapelle, PDG et propriétaire des marques Ann Demeulemeester et Haider Ackermann, Yiqing Yin s'est d'abord livrée à un travail de recherches.

Une plongée dans des ouvrages, des documents iconographiques, des archives disséminées dans plusieurs musées comme le Met à New York, qui avait consacré une rétrospective au couturier en 2007, mais aussi le Palais Galliera à Paris et le Musée des Arts décoratifs, où s'est tenu le défilé.

"Les fondamentaux que cette marque promouvait à l'époque sont encore d'actualité aujourd'hui", estime la créatrice: "il s'agit d'offrir un espace de liberté, à l'époque, Poiret avait libéré le corps du corset, mais c'est aussi libérer les esprits, l'imaginaire".

La collection inaugurale fait une large place au kimono cher à Poiret, marqué par l'orientalisme. Elle brille d'un éclat subtil, avec ses étoffes moirées et satinées, ses lamés cuivrés. La silhouette est fluide et oversize mais sensuelle, les jupes plissées dégringolent jusqu'à terre. Les manteaux enveloppants à motifs exotiques rappelant ceux du fondateur côtoient des parkas ou un blouson de biker. Les chaussures ont des airs de bijoux modernes, avec un original talon métallique et oblique.

Bain d'eau fraîche

Yiqing Yin entend aussi à l'avenir développer des collaborations avec différents artistes, "peintres, photographes, danseurs, cuisiniers". A l'image de Paul Poiret, qui s'intéressait à tous les arts décoratifs ainsi qu'à la bonne chère, comme en témoignait l'embonpoint de cet hédoniste, dispendieux, mort ruiné et dans l'indifférence en 1944.

Cette marque historique peut-elle parler aux nouvelles générations ? "Si Poiret était encore vivant, il serait le premier à être sur Instagram, à communiquer, et surtout à faire en sorte que ses créations soient au service des femmes et de la complexité de leur vie", assure Yiqing Yin. "C'est un défi", souligne toutefois Serge Carreira, maître de conférences à Sciences Po sur la mode et le luxe. "C'est une maison qui a une histoire et un patrimoine assez uniques. Mais le nom n'est pas suffisant".

"Ce qui sera déterminant, c'est la façon dont cette maison va trouver un nouveau vocabulaire, une nouvelle expression pour correspondre à la femme de 2018, et non pas à celle de 1918", poursuit-il. "On est déjà dans un marché saturé avec des nouveaux talents, des maisons qui se relancent, des directions artistiques qui changent..."

"Il ne s'agit pas de dire +viens faire connaissance avec ma grand-mère+!", assure Anne Chapelle, décrivant sa démarche comme "plonger une vieille maison dans un bain d'eau fraîche". Habituée à accompagner des créateurs dans le lancement de leur marque, elle n'a pas hésité quand les Coréens l'ont approchée. "Avec Ann Demeulemeester et Haider Ackermann, c'était complètement différent, on devait se faire connaître, créer un langage. Ici il y a déjà une philosophie, il faut juste l'interpréter d'une façon moderne, pour moi c'est très intéressant".

La dirigeante, discrète sur le montant de l'investissement coréen ("beaucoup d'argent"), n'envisage pas d'ouverture de boutique avant "l'année prochaine ou l'année d'après". (AFP)

Photos: Catwalkpictures

Paris Fashion Week
PAUL POIRET
PFW
Poiret