Retour aux sources : la teinture naturelle du Bleu de Lectoure
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Dans le Gers, à 40 kilomètres au sud d’Agen se trouve Lectoure. Un petit village qui a fait sa renommée au XVème siècle pour sa teinture au Bleu Pastel. Autrefois produit entre Toulouse, Albi et Carcassonne, ce colorant naturel est aujourd’hui très recherché par les particuliers de la région et de plus en plus recherché par les marques de mode et de linge de maison, en accord avec la mutation vers une industrie respectueuse de l’environnement.
La société Bleu de Lectoure fondée en 1994 par Henri Lambert, déposait le bilan il y a quelques années –suite à la délocalisation de nombreuses entreprises et aux productions massives- avant d’être reprise il y a deux ans et demi par trois associés de la région. Jean-Marie Neeld, président de la société Pastel Bleu de Lectoure ; Séverine de Breucker, responsable de l’atelier de teinture et Cécile Gex, designer textile et responsable de la boutique. Passionnés par l’utilisation du Pastel et ses vertues à la fois thérapeutiques et décoratives, ils ont décidé de changer la phylosophie de l’ancienne structure en supprimant complètement l’utilisation de produits chimiques pour fixer la teinture sur les tissus, désormais cent pour cent écologique.
Là-bas, Jean-Marie Neels cultive sur ses terres cette plante verte aux allures de mauvaise herbe, de la famille du choux et du colza, pour en extraire, grâce à un procédé ancestral de macération, son pastel (Isatis Tinctoria en latin), un pigment bleu naturel aux normes éco-responsables.
Coupées entre juin et septembre, les feuilles de la plante -qui résiste pourtant bien au froid- trouve tout le soleil dont elle a besoin dans le sud-ouest de la France. Autrefois infusées dans de l’urine ou de l’eau croupie, puis dans de l’ammoniac pour fixer la couleur, ses feuilles vertes, trempées dans de l’eau chaude, sont ensuite sorties de leur cuve pour finalement s’oxyder au contact de l’air et donner une couleur bleue légèrement grise. Cette couleur s’applique aux matières naturelles et bio comme la laine, la soie ou le lin.
«Au rachat de la société, nous avons été formés par Michel Garcia, expert en teintures végétales de l’association Couleur Garance , située dans le Morbihan et nous faisons tout le travail nous-mêmes », explique Cécile Gex à FashionUnited.
«Dans l’ancienne structure, une douzaine d’employés travaillaient sur des commandes jusqu’à 500 pièces par jour. Notre production, réduite aujourd’hui de 80 pour cent, nous permet de teindre 30 pièces par jour en moyenne. Nous produisons à petite échelle, essentiellement dans la région. Nous sommes en plein développement de notre projet, notamment avec des marques de prêt-à-porter et nous avons créé notre propre collection de vêtements que nous vendons dans la boutique attenante à l’atelier et sur notre site marchand. L’idée est de travailler de façon consciente et sans produits chimiques et chaque étape prend du temps. Les teintures chimiques sont très nocives pour la peau et l’environnement. D’ailleurs, il faudrait six lavages pour enlever les produits chimiques des textiles ».
La nouvelle société propose des conférences trois fois par jour, ouvertes à tout public. « C’est important de faire découvrir notre travail et notre savoir-faire unique réalisé à la main ».
« Actuellement nous sommes trois producteur en France. Les deux autres se trouvent en Picardie et à Toulouse », poursuit Célice Gex.
Le Pays de Cocagne au coeur de la commercialisation de bleu
En France, à la Renaissance, de nombreux pasteliers s’installaient dans le Gers pour commercialiser le bleu de Lectoure, accumulant des fortunes extraordinaires et bâtissent des hôtels pastelliers. Cependant, les guerres de religion et l’arrivée de l’Indigo importé des Indes plongaient le midi toulousain dans le marasme : la culture du Pastel connaissait alors son premier déclin.
« Au début du XIXe siècle, Napoléon Ier créa une école expérimentale à Albi pour l’extraction de la fécule colorante des feuilles de pastel. Les recherches aboutirent à la réduction du temps d’extraction de la couleur, passant de huit mois à quelques jours. Résultat ? Tous les soldats de l’Empire s’habillaient en bleu de Pastel. Le milieu du XIXe siècle abandonne définitivement l’utilisation du Pastel et l’arrivée des colorants de synthèse au XXe siècle ont fait oublier la Garance et l’Indigo », publie le site de la société.
Une nouvelle vie pour ces teintures naturelles en phase de reconquérir une intéressante part de marché ?
Photos : courtoisie Bleu de Lectoure