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Richard Mille: “je suis contre le diktat de la valeur perçue”

By Herve Dewintre

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Richard Mille fait tout à contre-courant. A ses débuts, ses modèles soulevèrent même une légère incompréhension. C’était à la foire de Bâle en 2001 : « Je n’avais pas de stands mais une montre que je gardai dans ma poche » se souvient-il. La fameuse RM01 : aucune gravure, aucun diamants, mais des finitions inouïs. Son prix aussi était extraordinaire : 170000 euros. De nombreux professionnels lui reprochèrent le poids de cette montre : “trop légère, on ne sent pas la valeur perçue” dirent-ils en coeur. Lorsqu’on lui rappelle cette anecdote, il s’écrit : « Valeur perçue, mais qu’est ce que ca veut dire ? Soit ça a de la valeur, soit ca n’en a pas. J’en ai assez de ses formules creuses apprises dans les écoles de commerce”.

Ce n’est pas faute pourtant d’avoir connu ce jargon lorsqu’il était directeur commercial chez Matra puis chez Mauboussin. Il prend une pause : “Vous savez comment j’ai pris la décision de créer ma propre marque ? Ce fut très simple. J’ai pris une feuille blanche, j’ai tiré un trait pour la séparer en deux : colonne de gauche, les inconvénients, colonne de droite, les avantages. Les avantages étaient plus nombreux, voilà tout ». L’avenir lui a donné raison. En seize années d’existence, la marque est passée du statut de « nouvelle venue » à celui de star de l’horlogerie suisse.

Boulimique, il crée jusqu’à cinq modèles par an alors que la tendance de la haute horlogerie est de sortir un modèle tous les cinq ans. « Rien n’est trop beau pour mes montres. Peu importe le coût de la conception qui explose ou les mois de retard dans le développement qui s’étirent. Tout doit être parfait ». Le prix des montres n’est pas le fruit d’une étude de marché mais la conséquence d’une volonté: créer des concepts véritablement nouveaux et des garde temps d’une technicité exceptionnelle.

“Mes partenaires ne sont pas des ambassadeurs dents blanches – haleine fraîche”

Entendons-nous bien : Richard Mille est intrépide mais il n’est pas fanfaron. Ce natif du Sud-Est vit avec sa femme et ses enfants en pleine campagne dans le domaine de Monbouan, en plein cœur du pays de Vitré cher aux Bretons. L’esbroufe ne l’intéresse pas. Ce qui l’anime c’est la difficulté à vaincre. « Les clients exigeants, cultivés, avertis, savent distinguer le vrai du faux. Le marketing creux, les concepts artificiels ne suffisent plus désormais à attirer les amoureux de la qualité. » Il faut que chaque nouveau défi soit marqué par le sceau du plaisir, que ce soit la production d’un nouveau modèle, la volonté de soutenir un évènement, comme les voiles de Saint Bart par exemple, le choix d’un ami de la maison.

Ami ? Oui, on ne parle pas ici de mannequins, d’ambassadeurs ou d’égéries même quand ils portent les noms glorieux de Rafael Nadal, d’Alexander Zerev, de Wayde Van Niekerk ou de Bubba Watson. « Les hommes qui représentent ma marque font partie de ma famille affective, je les considère comme des partenaires à part entière : ils portent un modèle, créé spécialement pour eux et sur lesquels nous avons travaillé ensemble. Ils comprennent l’esprit de mon travail, ma passion pour les lignes nerveuses et tendues, mon obsession de l’ergonomie, mon enthousiasme pour la confrontation des paradoxes. Ce ne sont pas des ambassadeurs dents blanches, haleine fraiche, mais des personnes de valeurs. »

Légende photo: Montre Richard Mille RM 11-03 tirée d’une collection dédiée à Jean Todt. Crédit photo: Richard Mille dr

Richard Mille