Zashadu, des sacs de "luxe durable" 100 pour cent nigérians
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C'est dans le nord du Nigeria, une région associée aux attaques sanglantes des islamistes de Boko Haram, que la créatrice Zainab Ashadu va dénicher le cuir qui lui sert à fabriquer ses sacs chics et ses pochettes en python, vendus à Miami, Londres et Paris. Avec sa marque Zashadu, elle promeut un nouveau luxe durable 100 pour cent "made in Nigeria", tout en réhabilitant un savoir-faire ancestral de tannage et de teinture du cuir. "Les gens aiment l'histoire qu'il y a derrière le sac. Ils aiment le fait qu'il ait des racines, des origines", estime la créatrice, installée au milieu de centaines de chutes de cuir, dans son atelier, un local exigu où ronronnent de veilles machines à coudre Singer, à Festac, un quartier populaire de Lagos.
Cette histoire, Zainab Ashadu est allée la chercher dans ses propres racines: ses parents ont grandi dans le nord du Nigeria, une région qui fait la une des journaux dans le monde entier à cause des attaques sanglantes de Boko Haram... Mais qui est aussi très réputée des connaisseurs pour son cuir de grande qualité. Pour ses pochettes et ses sacs, qu'elle vend entre 150 et 800 euros au Nigeria et à l'international, elle utilise du cuir de Kano, la plus grande ville du Nord, de la peau de chèvre de Sokoto, et du python provenant de fermes d'élevages de cette région. Si les maisons de couture européennes importent le cuir brut du Nigeria, Zainab a décidé d'exploiter le savoir-faire vieux de plusieurs siècles des familles de tanneurs de Kano.
"Il est très important pour moi de travailler dans une optique durable", explique la créatrice. "Je travaille avec de petites familles de tanneurs, les animaux sont tracés, les teintures sont végétales, pour la plupart, et elles respectent toutes l'environnement", contrairement aux produits chimiques, souvent très nocifs pour les tanneurs, utilisés couramment dans le travail du cuir. La demi-douzaine d'artisans qu'elle emploie, et qui fabriquent chaque année 200 à 300 sacs dans son atelier de Lagos, sont formés au travail du cuir dans une école spécialisée de Zaria, une autre ville du Nord. Pour trouver l'inspiration, la créatrice passe des heures à chiner dans le dédale d'échoppes de Mushin, un gigantesque marché des faubourgs de Lagos, où sont vendues les chutes de cuir nigérian des grandes maisons de couture italiennes notamment, où elle déniche des trésors, tels que du cuir d'antilope.
Lancer Zashadu au Nigeria a nécessité d' "être coriace"
Avant de revenir se plonger dans le chaos de Lagos, la ville de son enfance, en 2010, Zainab Ashadu, 32 ans, a passé son adolescence à Londres, où elle a déjà vécu plusieurs vies: mannequin, actrice, acheteuse, étudiante en architecture. Pour monter son entreprise au Nigeria, "il faut être coriace, flexible... Et avoir le sens de l'humour" dit-elle dans un sourire."Le Nigeria est un endroit très difficile pour... faire quoique ce soit (...) Et c'est très compliqué d'y gérer une entreprise (...) Mais du coup ça oblige à avoir les pieds sur terre" s'amuse la créatrice. Le plus peuplé d'Afrique (170 millions d'habitants) est une terre d'opportunités pour les investisseurs étrangers, mais ceux-ci sont souvent freinés par les complications administratives et les nombreuses contraintes logistiques. A cause du manque d'infrastructures, par exemple, les pannes d'électricité s'étendent parfois sur plus de douze heures par jour et obligent les sociétés à investir dans d'énormes générateurs électriques très coûteux. Pour l'instant, la créatrice a installé son atelier dans une modeste maison appartenant à sa famille et elle tente de s'adapter au maximum aux méthodes de travail de ses employés, plutôt que de tenter d'appliquer à la lettre ses cours du London College of Fashion.
Depuis un an, la marque, qui vendait à l'étranger via son site Internet, a aussi commencé à être représentée dans des boutiques de Londres, Miami, Dublin, Johannesbourg et plus récemment à Paris. La créatrice française Charlotte Ziegler, qui a choisi de vendre des pochettes Zashadu dans son pop-up store du grand magasin Franck & Fils, dit avoir été séduite par le profil atypique de la créatrice, par la beauté du produit et par "le côté luxe durable". Mme Ziegler reconnaît cependant avoir pris un risque, parce que "pour 200 ou 400 euros, les gens préfèrent parfois s'acheter un produit d'une griffe" déjà connue. Mais Zainab Ashadu est confiante. Elle sait que l'Afrique est en vogue. Et ses sacs, dit-elle, "cochent toutes les cases: c'est fait en Afrique, c'est beau, c'est fait de façon durable et selon les standards (de qualité) internationaux". (AFP)