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Le plumassier André Lemarié - l'homme aux camélias de Gabrielle Chanel - nous a quitté

By Herve Dewintre

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La couture française a perdu l’un de ses plus illustres maitres d’art. La maison Lemarié a confirmé en effet le décès, samedi dernier, du célèbre plumassier André Lemarié. Il était né durant les années folles, en 1925 et n’avait jamais cessé de transmettre sa passion, même après son départ à la retraite, en 2002. La Couture parisienne ne perd pas seulement le suprême représentant d’un savoir-faire rare mais aussi le gardien vénérable d’une mémoire précieuse. André Lemarié, c’était en effet, et tout d’abord, l’histoire d’un artisanat spécial : celui de l’atelier fondé en 1880 par la modiste Palmyre Coyette, la grand-mère de M. Lemarié. Celui-ci, des 1946, avait transformé la « fabrique de plumes pour parures » en fournisseur officiel de la haute couture.

Une histoire de savoir-faire donc, une histoire de rencontres également. André Lemarié avait travaillé avec les plus grands – Cristobal Balenciaga, Christian Dior, Valentino, Hubert de Givenchy, Nina Ricci - lissant, ainsi que l’écrivait Janie Samet dans le Figaro, cinq mille brins d’oiseaux de paradis en une seule robe, réunissant, toujours pour Saint-Laurent, le plumage de sept cents vautours et de deux cents faisant sur un seul manteau conçu comme un crinière de lion. Une rencontre, capitale, avait tout particulièrement marqué de son empreinte cette épopée de l’artisanat parisien. Gabrielle Chanel. Monsieur Lemarié avait rencontré l’illustre créatrice dans les années 60.

Cette rencontre avait donné naissance à une collaboration fructueuse – et ininterrompue - entre l’atelier de la rue du Faubourg Saint-Antoine et la Maison de la rue Cambon. Pour devenir le fabricant exclusif du célèbre Camelia de Chanel, M. Lemarié avait même racheté le matériel du parurier floral Fromentin. Ce qui lui valut plus tard, de la part de Karl Lagerfeld, un surnom bien romanesque : « l’homme aux camélias ». Car le savoir-faire de l’artisan ne s’exprimait pas uniquement dans la plume, mais aussi dans la fleur en tissu, le smock, le plissé, le volant. Une immense variété de matériaux qui lui permettait de faire s’épanouir des centaines de milliers de pétales taillées dans la percale, le cuir, le Rhodoïd, le vision, le cellophane ou le tweed. Une visite dans l’atelier de la rue du Faubourg Saint-Antoine puis à Pantin, où l’entreprise est installée depuis novembre 2018, atteste l’étendue des outils et des savoir-faire déployés par l’entreprise du plumassier. Il n’est pas rare qu’un modèle demande plusieurs centaines d’heures de travail.

300 plumassiers en 1900 à Paris, 50 dans les années 60, une poignée en 2000

Ces savoir-faire rares et précieux, cette expertise unique, Chanel a souhaité les préserver coute que coute. Comment ? En rachetant, des 1996, l’entreprise du plumassier devenu par ailleurs maitre d’art deux ans plus tôt. Un acte de préservation essentiel : les salariés- fleuristes de Lemarié – 22 salariés il y a dix ans, une centaine aujourd’hui, majoritairement des femmes - purent continuer en toute tranquillité leur activité menacée par le cours de l’histoire. En 1900, 300 plumassiers exerçaient leur activité à Paris, ce nombre fut réduit à 50 dans les années 60, à la suite de la fermeture inexorable des ateliers de Haute Couture et à la disparition progressive du port du chapeau qui fournissait l’essentiel de l’activité des maisons de plumasserie. En 2000, la maison Lemarié – qui fait désormais partie du groupe Paraffection, filiale du la Maison Chanel, était quasiment l’unique représentante d’une profession disparue, aux cotés de quelques rares établissements spécialisés comme Maison Février ou Marcy. Au sein de Paraffection, dirigé par Bruno Pavlovsky, figurent aujourd’hui le parurier Desrues, le modiste et chapelier Michel, la maison de broderie Lesage, le bottier Massaro, le parurier Guillet, le brodeur Montex, le brodeur Lanel, le gantier Causse, le spécialiste du cachemire Barrie Knitwear, le plisseur Lognon. Toutes ces maisons, qui seront bientôt réunies à Aubervilliers, conservent leur indépendance et leurs relations de travail avec l’ensemble des maisons de couture. Avec la disparition de Monsieur Lemarié, un mythe s’est éteint. Mais son savoir-faire, lui, va perdurer : un cas d’école sous forme de démonstration conjuguant respect, éthique et responsabilité.

Crédit photo : Lemarié Paris

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