Les métiers de la mode : Nicolas Ciccione, directeur e-business, relation client & innovation
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Nicolas Ciccione est un expert du web. En poste chez la marque de prêt-à-porter française Kaporal, il porte un regard innovant sur les activités online tout en s’occupant d’une équipe d’une vingtaine de personnes. Pour en savoir plus, FashionUnited lui a transmis ses questions par mail.
Quel est votre background ? Et êtes-vous autodidacte ou diplômé ?
Je suis diplômé de l’ESSEC, après un passage dans un grand cabinet d’audit américain, j’ai basculé dans le web en 1999, d’abord en agence puis en dirigeant mes propres sociétés de conseil web pour ensuite prendre des directions digitales dans différents secteurs, intermédiation, téléphonie puis finalement mode avec mon arrivée chez Kaporal en 2013.
En quoi consiste votre travail ?
Je fais partie du comité de direction du groupe et suis en charge de l’activité digitale, du marketing de la relation client et de l’innovation pour l’entreprise. À ce titre je participe à l’ensemble des décisions stratégiques de la marque avec mes collègues du comité de direction et je pilote les activités online (BtoC et BtoB) et datas (programme relationnel) en manageant une équipe de 20 personnes sur ces sujets.
Quel souvenir gardez-vous de votre entretien d’embauche et comment vous étiez-vous préparé ?
Notre CEO m’a proposé d’intégrer la nouvelle équipe de direction au moment du rachat de Kaporal par un fond d’investissement, j’étais à ce moment-là en mission de conseil en e-commerce pour la marque et sans parler spécifiquement d’entretien j’avais eu de ce fait beaucoup d’échanges avec notre CEO, ce qui nous avait permis de mieux nous connaître et apprécier notre façon de travailler. J’ai passé un entretien auprès du président du groupe qui est actionnaire de la société, un entretien basé essentiellement sur l’adéquation de ma personnalité avec le reste de l’équipe de direction, il n’y a pas de préparation spécifique pour ce type d’entretien si ce n’est d’arriver en confiance sur son savoir-faire et être sincère sur son savoir-être. L’important est de ne pas essayer d’être une personne que l’on n’est pas.
Votre travail s’arrête-il lorsque vous passez les portes du bureau ?
Alors en ce moment avec les conditions imposées de télétravail c’est encore moins le cas qu’auparavant. Mais non, je reste très connecté à l’activité online notamment qui par définition est sept jours sur sept et 24h sur 24. J’aime mon métier et réfléchir constamment aux améliorations possibles, je fais bien sûr des pauses de temps en temps, mais la mode est partout, tout le temps et c’est un plaisir de l’observer où que l’on soit à quelle heure que ce soit.
Votre manière de travailler a-t-elle changé depuis vos débuts ? Oui, je suis beaucoup plus organisé qu’au début de ma carrière avec quelques « routines » quotidienne notamment en début de journée pour gagner en efficacité sur les sujets les plus récurrents (statistiques, reportings, emails…). Par ailleurs j’adapte régulièrement les modes de communication avec mes équipes pour éviter de justement trop tomber dans la routine sur les sujets qui doivent rester dynamiques et pour conserver des conditions de créativités optimales.
Au quotidien, quel impact a eu la crise liée à la pandémie sur votre travail ?
Sur la partie digitale et CRM la crise a provoqué une sur-sollicitation de mes équipes et des équipes de communication pour compenser en partie les pertes d’activité sur nos activités physiques. Une hausse significative de l’activité online a en effet eu lieu, et dans le même temps nous avons renforcé les liens avec nos clients et fans par de la communication marque et des événements digitaux (concerts live, tuto mode…). Cela fait clairement un an aujourd’hui que le rythme n’a pas baissé en intensité, auparavant une certaine saisonnalité permettait d’avoir des périodes plus calmes pour poser les nouveaux projets, aujourd’hui ce n’est plus le cas.
D’autre part le grand changement est la capacité que nous avons tous gagnée à continuer à nous investir totalement dans chaque tâche et mission tout en sachant que potentiellement deux jours ou une semaine après une décision gouvernementale nous oblige à tout reprendre et tout recommencer. C’est devenu une force de savoir travailler de la sorte.
Sur une échelle de 1 à 10, à quel point appréciez-vous votre métier ?
J’aime mon métier parce je travaille avec des équipes formidables qui partagent des valeurs communes d’engagement de fun et de désir de réussir, aussi parce que mon métier est en changement permanent et qu’il permet des rencontres exceptionnelles avec des personnes qui inventent l’avenir et innovent dans leurs startups ou autres sociétés innovantes. J’aime enfin ce métier parce que la mode est un secteur d’ouverture d’esprit et de diversité qui correspond à mes valeurs.
Ce que vous préférez et aimez le moins dans votre métier ?
Ce que je préfère : les relations humaines, la capacité à inventer ensemble. Ce que j’aime le moins : la réunionite à rallonge, mais en fait c’est réglé, je n’en fais plus qui durerai plus d’une heure .
Comment développez-vous et/ou entretenez-vous votre réseau professionnel ?
Je participe à des salons, j’ai beaucoup de contact via des réseaux pro online comme linkedin, j’assiste en tant qu’intervenant ou participant à des conférences, à certains clubs pros aussi.
Un projet professionnel qui vous tient à cœur et que vous souhaiteriez mener à terme ?
On en a déjà réussi plusieurs ensembles, comme l’omnicanalité et la data clients, la prochaine ambition pour Kaporal est de réussir un développement international d’envergure via le digital.
Quelle est votre vision de la mode aujourd’hui ?
Pour exister demain la mode doit être responsable tout en restant dans la légèreté de l’instant, pour moi la mode est essentielle parce qu’elle permet aux personnes de s’exprimer, de se trouver, de prendre confiance en elles, la mode c’est aussi de la joie, de la beauté : elle remonte le moral. Prétendre que nos activités ne sont pas essentielles aujourd’hui démontre à quel point on manque de poètes dans certaines sphères de pouvoir… Aujourd’hui et demain la mode doit garder ses qualités tout en prenant en compte son impact sur la planète et montrer encore une fois la voie, en montrant qu’on peut être responsable, durable et conscient de son environnement tout en restant ludique, fun et onirique.
À quoi pensez-vous que votre profession ressemblera dans dix ans ?
Ma profession liée au digital et aux données va être profondément modifiée par l’utilisation de l’I.A. Ce sera aussi le cas de la mode, par l’accélération des solutions d’I.A. pour tout ce qui est prédictions de tendances d’une part et aide à un modèle plus durable d’autre part, notamment dans la rationalisation des achats. L’I.A. est une chance, elle ne doit pas faire peur à nos activités mode, la mode saura s’adapter et jouer avec l’I.A. comme elle a toujours su le faire à travers les époques et les diverses révolutions techniques et économiques.
Un conseil à donner à un jeune diplômé qui envisage votre métier ?
Pour se lever tous les matins il faut aimer son travail : soyez sincère et loyal ou loyal avec vous-même. Ne restez pas dans des situations ou postes où vous ne vous épanouissez pas. Développer votre sens de l’écoute et de l’échange avec toutes les personnes que vous rencontrez, ouverture et bienveillance peuvent sembler être des notions tartes à la crème, elles sont en fait magiques si vous les vivez sincèrement. Restez dans une dynamique constante de curiosité intellectuelle et de formation permanente : refusez la notion de zone de confort, la vie c’est le mouvement et la base du mouvement c’est de provoquer un déséquilibre.