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Témoignage : lancer sa marque de mode à 22 ans

By Pauline Biyerman

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People |INTERVIEW

Courtesy of Nubbi

FashionUnited est allé à la rencontre de Salomé Bousquet-Carton, créatrice de la marque Nubbi. À seulement 22 ans, la jeune rennaise a créé son label de mode en août 2021. Elle raconte son parcours d’étudiante puis d’entrepreneure et les joies et obstacles rencontrés.

Quel a été votre premier rapport avec le milieu de la mode ?

Cela remonte à très jeune. Ma grand-mère était fille de couturière donc j’ai appris à coudre. Je me suis intéressée à la mode dès 10-12 ans, l’âge auquel j’ai commencé à coudre.

Quel a été votre parcours scolaire ?

J’ai fait un bac L option art plastique parce que j’étais intéressée par tous les arts en général. Parallèlement à mes études au lycée, j’ai fait les Beaux Arts pendant deux ans. Je suis ensuite allée à l’école Duperré durant un an pour y faire une mise à niveau en art appliqué (MANAA), et après je suis entrée à l’atelier Chardon-Savard qui est une école de design de mode. J’ai toujours étudié l’art de manière générale, mais je me suis très rapidement focalisée sur la mode. J’ai reçu mon diplôme cette année puisqu’à cause de la crise sanitaire tout a été repoussé.

Aviez-vous eu une première expérience dans la mode avant de créer votre propre marque ?

Ma première expérience dans la mode a été mon stage de deuxième année. D'ailleurs, c’est la seule expérience que j’ai eue parce que le stage de six mois que je devais effectuer en troisième année pour valider mon diplôme n’a pas eu lieu à cause de la situation sanitaire.

J’ai réalisé mon stage en tant que stagiaire styliste chez Éclort, une marque parisienne de streetwear et sportswear fondée par le créateur Grégoire Willerval. Mes tâches principales consistaient à faire les dessins techniques qu’on envoie aux usines pour créer les vêtements, dont ceux des prochaines collections, ce qui demandait beaucoup de recherches. Je ne faisais pas de modélisme : mes recherches pour les prochaines collections étaient axées sur les moodboards, les gammes de couleurs et les recherches iconographiques, cela me plaisait beaucoup. On peut toujours trouver des pièces sur lesquelles j’ai travaillé sur le site de la marque, notamment la nouvelle collection. C’était un stage très intéressant.

Qu’est-ce qui vous a poussé à créer votre marque ?

Au départ, j’ai créé ma marque de vêtements dans l’objectif d’acquérir l’expérience qu’un stage aurait pu me donner et pouvoir ainsi valider mon diplôme. Je voulais créer ma marque depuis longtemps, mais j’étais encore étudiante et n’avais pas le temps. L’idée de faire de l’éthique et de l’écologie était déjà actée, je ne savais juste pas comment m’y prendre. L’idée de créer ma marque m’est venue à force de travailler dans la mode : c’était devenu une évidence. Maintenant, faire de l’éthique et travailler de manière écologique est une obligation, cela fait partie de l'évolution de la société. Concernant la question du non genré, c'est parce que c’est un fait actuel : je le vis tous les jours, je le vois avec les gens que je côtoie et c’est à force d’en parler que j’ai pris cette décision.

Pourriez-vous me présenter Nubbi en quelques mots ? Et que signifie « Nubbi » ?

Nubbi est une marque de vêtements non genrée sportswear/streetwear, éco-responsable avec des valeurs éthiques et écologiques. Il y a du haut de gamme, des pièces faites à la main et qui sont uniques et que je compte présenter lors d’un défilé en juin. Enfin, il y a le prêt-à-porter pour lequel je fais appel à des entreprises partenaires afin qu’elles créent des vêtements et pour assurer un minimum de stock, bien que je privilégie les préventes.

En ce qui concerne le nom, j'ai un surnom depuis que je suis toute petite et je désirais mettre un peu de moi dans le nom de la marque sans pour autant utiliser mon vrai nom. J’ai donc repris mon surnom, qui a une connotation mignonne et féminine, en changeant quelques lettres et cela a donné Nubbi. Je trouve que cela fonctionne bien puisqu'on ne donne pas de genre à ce nom.

Vous avez utilisé le terme « non genré » qu’est-ce que cela évoque pour vous ?

La marque est « non genrée » dans le sens où les vêtements sont créés en se basant sur la morphologie des individus et non leur genre. Je travaille également avec des matériaux qui me permettent de créer pour les grandes tailles. J’utilise le terme « non genré » parce qu’il se différencie de celui d’unisexe, lequel conserve une notion de sexe et je ne voulais pas qu’elle soit présente dans la marque. C’est important d’ouvrir la mode à tous puisque je sais que la communauté non binaire et autres ne se retrouvent pas forcément dans les marques, même unisexe.

Qui compose l’équipe Nubbi ?

Il n’y a que moi pour l’instant. Je travaille seule, mais je compte recruter du personnel parce qu'il faut que je délègue. Il y a des tâches que je ne peux pas effectuer par manque de connaissance sur le sujet, tout ce qui est administratif par exemple. Il faut qu’il y ait des personnes présentes pour la catégorie prêt-à-porter, d’autres pour le haut de gamme : je ne peux pas tout gérer toute seule. Même les réseaux sociaux, il faut s’en occuper et je ne suis pas Commnunity Manager, je ne peux donc pas le faire. Dans l’idéal, si je pouvais avoir des salariés l’année prochaine, ce serait bien !

Courtesy of Nubbi

Comment l’entreprise est-elle financée ?

Il s’agit principalement d’autofinancement. J’ai travaillé avant et je fais encore quelques petits boulots pour pouvoir financer les achats de matières premières. Sinon, j’ai fait une cagnotte Ulule [ndlr : plateforme de financement participatif] comme financement participatif, ce qui me permet de financer les collections que je ferai à l’avenir. J’espère pouvoir financer mes achats avec mes revenus un jour, mais pour l’instant c'est comme cela que je fonctionne.

Quel est votre réseau de distribution et comment aimeriez-vous le développer ? Souhaitez-vous distribuer Nubbi à une plus grande échelle ?

Aujourd’hui tout est en e-commerce sur mon site Nubbi.fr. J’ai aussi un compte Instagram qui est plus pour la communication. J’aimerais avoir au moins une boutique à Paris puisque je ne compte pas rester à Rennes toute ma vie. Idéalement, je souhaiterais aussi viser l’international, mais pour l’instant je reste réaliste. Si j’ai une ou deux enseignes à Paris d'ici cinq ans je serai très heureuse.

En tant que jeune créatrice, quels types d’obstacles avez-vous rencontrés ?

J’ai surtout rencontré une difficulté. Quand je suis allée à la banque, j’ai eu la mauvaise idée, si on peut le dire, d’y aller avec ma mère. Et la banquière a parlé avec elle et non avec moi. C’est un exemple, mais cela montre que le vrai problème est le fait de ne pas être pris au sérieux. Toutefois, je pense qu’être une femme est un avantage dans ce métier, et puis lorsque l’on crée sa marque en période de crise comme celle-ci, on reçoit des aides d’organismes diverses comme la banque et autres services. Mais le manque de reconnaissance et de crédibilité est un réel problème.

Pensez-vous que créer sa marque lorsqu’on est jeune peut aussi être une force ?

Oui bien-sûr ! Je pense qu’on n'a pas grand-chose à perdre quand on crée sa marque jeune. Premièrement, on apprend énormément de chose : je ne crois pas que j’aurais pu découvrir autant, si j’avais fait un stage. Créer sa propre marque touche plein de domaines différents, dont celui de l’administratif. En entrant dans le monde du travail, on apprend beaucoup plus vite et si ça ne fonctionne pas cela reste une expérience à mettre sur son CV si on veut travailler pour d’autres boites plus tard. Je trouve cela bénéfique surtout à cet âge, c’est le moment de le faire parce qu’il n’y a rien à perdre. Dans mon cas, je n’ai pas d’enfants à charge donc je ne risque que ma personne. C’est le moment idéal pour tenter le tout pour le tout.

Comment se déroule une journée « type » en tant que directrice de votre propre marque ?

Mes journées se ressemblent plus ou moins. En ce moment, j’arrive à l’atelier entre 9H et 10H. Je fais mes patrons à la vue, en testant pleins de prototypes avec des vieilles nappes. Je fais ça quasiment tous les jours : je teste des sacs, des vêtements ou autres. Quand je travaille ensuite avec de vrais tissus, ce seront les mêmes journées, mais avec les tissus. Je passe aussi toute la journée à l’atelier à me documenter, je fais beaucoup de recherches iconographiques pour trouver l'inspiration ou alors pour me recentrer quand je pars sur des idées irréalisables. En bref, je couds toute la journée.

Vous dites confectionner certaines de vos pièces à la main, êtes-vous actuellement en relation avec des ateliers français ou des collaborateurs locaux ?

Pour l’instant non, le souci est qu’il est très dur de trouver des fabricants et des partenariats qui ont les mêmes valeurs que les miennes, sans parler de l’aspect non genré. Et cela n’est pas simple de trouver des tissus bio fait en France à un prix qui reste abordable pour mon budget. Je reste en discussion avec quelques-uns en vue de futures collaborations.

Aujourd’hui, pour les marques de mode, les collaborations sont un peu la norme. Seriez-vous prête à collaborer avec des maisons de luxe, des influenceurs ou des ateliers en particulier ?

Je suis autant prête à travailler avec de petits artisans que des grosses marques. Par contre, j’aimerais que les collaborations soient avec des artistes français. En ce moment, j'ai quelques collaborations qui commencent à se mettre en place avec des Bretons. Cela tombe bien, comme je suis bretonne on reste dans l’esprit régional, mais aussi j’aimerais aussi collaborer avec des marques de renoms. On n'y est pas encore, mais je serais contente aussi !

En tant que jeune créatrice, qu’aimeriez-vous apporter à l’industrie de la mode ?

Je dirais, le petit plus que je possède est l’aspect non genré. Il y a des Fashion Weeks homme et des Fashion Weeks femme, mais l’idée serait de proposer des Fashion Weeks où il n’y aurait pas forcément de genres, uniquement des vêtements. Quelque chose comme cela, je pense que si on ouvrait un plus nos esprits, ce serait chouette.

Pour terminer, quels sont les projets futurs de Nubbi ?

Rendez-vous en juin pour la collection été qui sera beaucoup plus conséquente que celle que j’ai faite. Surement un défilé à Rennes et à Paris avec une soirée organisé, DJ set et tout ce qui va avec : un évènement pour faire connaitre la marque. Comme on le disait, n’hésitez pas à vous lancer, on est jeune et on n'a rien à perdre.

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