Comment le site d'accessoires de seconde main StockX veut-il conquérir l’Europe ?
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Les amateurs d’horlogerie le savent bien : le juste prix d’une montre n’est pas celui affiché en boutique mais le prix du marché de la seconde main, c’est à dire le prix du marché de l’occasion. Pour certaines marques, comme Rolex et Patek, ce prix du marché de la seconde main est souvent bien supérieur au prix retail. C’est la même chose pour les sacs et les bijoux : en France, le site collector square par exemple ou les jeunes maisons de vente aux enchères comme Artcurial proposent régulierement (pour ne pas dire en flux continu) des ventes entierement consacrées à la maroquinerie Hermès durant lesquelles les prix s’envolent pour atteindre de nouveaux sommets saison après saison.
Ce phénomène, si spécifique à l’accessoire, touche désormais un autre objet de vénération : la paire de sneakers. Pour rappel, rien qu’en France, les baskets représentent désormais la moitié des ventes de chaussures neuves. C’est en se basant sur cette constatation que Josh Luber, ex ingénieur chez IBM, a fondé en février 2016 à Detroit le site Stock X avec deux associés : Greg Schwartz et Dan Gilbert. L’entrepreneur de quarante ans a été soutenu dans sa démarche par plusieurs investisseurs singuliers mais célèbres - Eminem et Mark Wahlberg - et des partenaires plus institutionnels comme le fonds GV (ex Google ventures).
Le site s’adresse aux collectionneurs passionnés, et peut-être même aux investisseurs aguerris tant les promesses de plus values pour certains modèles semblent réelles. Il permet d’acquérir mais aussi de vendre des baskets rares, des sneakers « de luxe », anciennes ou récentes, neuves ou portées, hors des circuits de distribution classique. Comme pour l’horlogerie, la joaillerie et la maroquinerie, le monde de la sneakers a ses marques stars et ses modèles de prédilection pour lesquelles les aficionados, malgré quelques disparités locales, sont prêts à mettre aveuglement la main à la poche, Nike avec son modèle Jordan occupant incontestablement le haut du pavé même si certains modèles Adidas Yeezy Boost s’arrachent eux aussi à prix très consistant, sans atteindre toutefois les sommets gravis par la Jordan. Pour donner un ordre d’idée, le modele Jordan 1 OG Chicago datant de 1985 s’achète actuellement sur le site au prix de 42 263 euros.
Comme la plupart de sites de ventes d’occasion, Stockx appuie sa réputation sur le charme de son ergonomie (le site est aussi clair que pratique) ; la fluidité de ses mises en relation vendeurs-acheteurs mais aussi bien entendu sur le sérieux de sa sélection qui multiplie les procédures d’authentification afin de réduire à zéro les risques de contrefaçon. La principale innovation réside néanmoins dans l’application du cotation – exactement comme pour une valeur boursière – sur chacun des 26 000 produits actuellement vendus sur le site. Pour chaque produit, un prix fixe : celui de sa cote qui évolue en temps réel.
Une ouverture à la maroquinerie
Initialement déployé au niveau régional puis national, StockX compte bien se développer désormais, malgré son jeune âge, au niveau mondial. Avant de s’attaquer à l’Asie, et plus particulièrement à la Chine et au Japon, la firme a ouvert un siège en Europe à Londres fin 2018 (10 authentificateurs sont sur place) et finalise un projet d'ouverture aux Pays-bas afin de rendre les authentifications plus rapides et de toucher les trois villes clés du streetwear en Europe : Londres, Paris et Berlin, avec services clients dédiés. Pour parfaire cette offensive européenne, le site multiplie les coups d'éclat: notamment, pour la France, en novembre dernier, avec une exposition qui a duré trois jours à Paris et pour laquelle la plateforme a collaboré avec Sarah Andelman, l’ex acheteuse star de feu Colette.
Autre levier de développement, plus classique cette fois ci : l'ouverture du site à la maroquinerie et aux objets de collection. Pour ces ventes, le site exaltera sa différence et appuiera sa spécificité en proposant, comme pour les sneakers, un prix du marché basé sur l'équivalent d’une cote boursière, modifiée en temps réel suivant l’offre et la demande du moment. « La maroquinerie et les sacs font désormais partie des pièces rares qui font le succès de StockX » indique le communiqué. Alors que des marques de luxe telles que Hermès continuent à être populaires sur StockX, la collaboration iconique Louis Vuitton x Supreme a stimulé la demande de sacs à main de marques streetwear telles que OFF-WHITE et la collection MCM x BAPE » indique quant à lui Derek Morrison, directeur européen de la plateforme.
L’entreprise qui ne dévoile pas son chiffre d'affaires et n'aurait pas encore pour l'instant dégagée de profits, dispose néanmoins de moyens à la mesure de ses ambitions : le 26 juin dernier, à la suite d’une levée de fonds de 110 millions de dollars (avec notamment le fonds de capital-risque DST Global du milliardaire Yuri Milner), l’entreprise a été valorisée à plus d'un milliard de dollars. Seule petite ombre au tableau, le site a été victime en août dernier d'un piratage informatique qui a permis aux hackers de récolter plus de 6,8 millions de données personnelles des membres de la plateforme. Un contretemps navrant pour une société qui fonde précisément son activité sur le contrat de confiance. La rançon d'un succès fulgurant.
Crédit photo : StockX