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Le comptoir général ouvre son "guetto concept-store"

By Herve Dewintre

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Retail

Comment résumer Le Comptoir général en quelques mots? Bar alternatif, friperie, resto, caverne d'Ali Baba? C'est surement un peu tout ça à la fois même si les deux fondateurs, Etienne Tron et Aurélien Laffon emploient plus volontiers les termes tout aussi évocateurs de centre culturel, de musée dédié à la culture ghetto, c'est à dire toutes les cultures marginales et les énergies artistiques qui agissent dans l’ombre et le dénuement. Le denuement, ce n'est pourtant pas ce qui caractérise au premier abord ce lieu atypique mais bien connu des parisiens qui s'y pressent en nombre depuis son ouverture en 2010, quai de Jemmapes, à Paris.

L'endroit est grand, très grand même, mais il est caché derrière un îlot de maisons au bord du canal Saint-Martin, au fond d’une allée obscure, sans enseigne aucune. On s'y donnait plutôt rendez-vous, comme des clandestins, pour prendre un verre en évoluant dans une atmosphère ambiguë où la poussière recouvrait les lustres, où les murs s’émiettaient, où les moulures se laissaient ronger sans s'offusquer, où le parquet montrait sans rougir sa vétusté et où quelques plantes sauvages semblaient avoir définitivement pris possession des lieux. Pourtant le rendez-vous ne s’arrêtait pas là puisqu'on se laissait vite happer par le cabinet de curiosité dressé devant la verrière immense qui abrite un véritable jardin tropical, puis encore par un centre des objets perdus où on pouvait chiner des objets hétéroclites pour quelques euros. On pouvait aussi en poussant la curiosité à son paroxysme découvrir à l'étage une vaste friperie et une librairie de bouquins d'occasions.

Désormais, ce lieu iconoclaste, dont l'architecture a été pensée dès ses débuts comme un véritable parc d’attraction urbain - dans lequel l' Art, la politique, la religion, le sport, la mode, l'éducation, la botanique, bref où toute la richesse du patrimoine humain y est abordée - met en place une nouvelle étape de ce projet ambitieux : ouvrir les esprits à ces cultures marginales avec un premier concept-store parisien qui vend marchandises et services issus "des cultures ghetto et exotiques".

Développer des activités commerciales qui assurent une pérennité à ses acteurs

Le stylisme tout d'abord, avec Amah Ayivi, un expert de la mode et chineur hors pair d’origine togolaise. Il reçoit, expose, conseille et vend à qui veut ses trouvailles depuis son QG, sur la mezzanine du Comptoir Général qui est devenu grosso-modo le premier bureau de style baptisé "Marché noir" entièrement dédié à la culture ghetto. La botanique ensuite, avec Sylvie Da Costa qui est désormais à la tête d’une "jardinerie ghetto" baptisée "La petite Boutique des Horreurs": un antre de la plante exotique, rare, thérapeutique et récréative. Il y a aussi la biffine Martine Husère. Les biffins, pour ceux qui ne connaissent pas ce mot, désignent ces chiffonniers des temps modernes qui fouillent les poubelles et arpentent les rues à la recherche de trésors abandonnés pour les revendre ensuite à la sauvage, à même le sol. Martine Husère est donc la biffine du Comptoir Général: elle fournit le concept store de ses trouvailles tout en fédérant cette communauté hétéroclite autour du projet du Centre des Objets Perdus, un centre de stockage, de tri et de recyclage que le Comptoir Général a lancé en 2014 à Montreuil.

Il y a aussi le chineur Romain Multier, un ancien accessoiriste venu du cinéma, brocanteur au bras long qui parcourt le monde pour le Comptoir Général à la recherche des trésors les plus insolites. Et enfin, l'explorateur, Michel Ballot qui travaille main dans la main avec le Comptoir Général depuis 2012 Général à la conception d’une aventure participative nommée "À La Recherche du Mokélé Mbembé". Au programme: une agence de voyage proposant des expéditions scientifiques. Toutes ces activités commerciales pour le moins diverses réunissant restaurateurs, décorateurs, guides, musiciens, djs, photographes, régisseurs, serveurs, magiciens, sorciers, paysagistes, illustrateurs, danseurs ont cependant un point commun d'apres les deux fondateurs du concept-store : elles sont salutaires d’un point de vue sociétal et assurent une certaine pérennité à ses acteurs.

Un endroit dédié au culture marginal donc. Idée marketing brillante qui surfe sur le refus d'une consommation globale standardisée, ou véritable engagement? Les deux fondateurs assurent le cœur sur la main que ce concept-store est farouchement lié à leur identité. Etienne Tron et Aurélien Laffon se sont connus à l'age de 7 ans dans le XIVeme arrondissement parisien où ils vivaient à coté d'une cité peuplée de gitans : celle ci, loin d’effrayer les deux comparses, fut une source inépuisable de rêverie et de fantasmes qui fortifia l'amitié et la vocation de deux entrepreneurs. Même s'ils firent leurs armes chacun dans leur coin une fois les études terminées (Etienne partit à Londres, devint DJ, producteur et découvreur de talents musicaux. Aurélien se laissa tenter de son coté par la photographie de mode, la réalisation de films, devint patron de bistro tout en développant un goût pour les collections insolites et la décoration d’intérieur) ils se réunirent de nouveau en 2009 et décidèrent officiellement d'associer leur talent. Ils imaginèrent un univers ludique et muséal, entièrement dédié à la culture ghetto : comptoir Général venait de naître. L'endroit depuis, sans publicité, ni enseigne, ne désemplit pas. Une preuve peut être que la sincérité est un concept qui offre encore beaucoup de possibilités.

le comptoir général
www.lecomptoirgeneral.com