Les Champs-Elysées d'hier et de demain

Même si le spectaculaire cambriolage qui a eu lieu mardi après midi chez Cartier rue François 1er, à deux pas des Champs-Elysées s'est heureusement terminé par l'arrestation des deux braqueurs présumés, il laissera surement un gout amer aux marques de luxe qui depuis une petite dizaine d'année ont décidé de réinvestir la plus célèbre avenue du monde. Car si les champs-elysées restent l'une des avenues les plus prisées par les touristes ( ce qui explique surement le fait que d'apres l'étude annuelle du cabinetCushman & Wakefield, l'avenue soit la troisieme artère commerçante la plus chère au monde juste derrière la 5eme avenue à New York et la Causeway Bay hongkongaise), elle doit encore se réinventer pour faire face à la concurrence internationale afin d'éviter de redonner l' image d''un quartier peu sécurisé, notamment auprès des parisiens eux-mêmes qui pour rien au monde n'auraient, il n'y a pas si longtemps que ça encore, daigner y mettre les pieds.

Une vaste réflexion sur l'avenir des Champs-Elysées a même eu lieu cette semaine lors d'un colloque qui a réuni de nombreux acteurs au Petit Palais. Avec pour objectif, d'imaginer les champs-élysées de 2025 L’architecte Jean-Paul Viguier y a présenté quatre projets avant-gardistes où il a insisté sur le fait « explorer la verticalité » et d' investir les étages des immeubles. La reflexion est d'autant plus necessaire que l'Avenue dispose de nombreux atouts, notamment depuis que le luxe y revient en force depuis l'arrivée de Louis Vuitton en 2005, et remplace peu à peu les fast foods et autres enseignes de pret à porter qui avait envahi les lieux dans les années 80. Dimanche dernier, les Galeries Lafayette ont confirmé que les tractations avec le propriétaire du bâtiment qui a longtemps hebergé le Virgin avaient bien eu lieu et qu'à priori, ils ouvriraient bien un magasin à cette adresse «à l'horizon 2018», le temps d'obtenir toutes les autorisations requises. Un nouveau pas vers le luxe couronné cette année par l'installation de Tiffany & co à la place du quick.

Une Vitrine de l’excellence française

Et si nous allions flâner un peu entre la place de la concorde et l’arc de triomphe ? L’histoire des Champs-Elysées remonte à 1670 : le célèbre jardinier (on ne disait pas encore paysagiste) André Le Nôtre, qui vient de tracer les jardins des Tuileries sur les ordres de Colbert, étend cette année- là leur perspective centrale en dégageant dans leur prolongement une allée qu’il plante de part et d’autre d’une double rangée d’ormes. Le nom de Champs-Elysées est une référence au dernier séjour des âmes vertueuses dans la mythologie classique. En 1724, le directeur des jardins royaux, le duc d'Antin, prolonge l'avenue jusqu'à l'actuelle Etoile. A la fin du 18è siècle, la future grande avenue n'est encore qu'une promenade isolée où ne s'élèvent que six propriétés. Il faudra attendre 1828, au moment où l’Etat cède les Champs-Elysées à la ville de Paris, pour que l’avenue puisse connaitre enfin ses premières améliorations. Hittorff, l'architecte de la place de la Concorde, puis Alphand installent des fontaines, des trottoirs et 1200 réverbères de gaz. Les élégants passants qui se dirigent vers le bois de Boulogne peuvent désormais se distraire dans des cafés, restaurants, théâtres, cirques, panoramas et salles de concerts. L’endroit devient chic. Les messieurs raffinés viennent ici prendre l’air à cheval tandis que les dames se promènent en voiture.

Peu à peu, l’avenue s’associe au voyage : selliers, harnacheurs et carrossiers réputés y ouvrent boutique, espérant attirer les cavaliers, les calèches et les fiacres de la riche société qui circulent sous les yeux des badauds. Avec l'arrivée de la ligne 1 du métro en 1902, de grands hôtels, des immeubles d'habitation cossus, puis des commerces de luxe s'édifient. Avec l’avènement de l’automobile, les carrossiers ont cédé la place à des noms célèbres : De Dion, Hotchkiss, Rolls- Royce, Mercedes, Peugeot, Renault. C’est d’ailleurs auprès de l’agent de la maison Mercedes à Paris, Monsieur Lehman, que Georges Vuitton acquiert en 1912 la parcelle de terrain située au 70, avenue des Champs-Elysées, sur laquelle il inaugurera le premier Louis Vuitton Building en 1914.

D’autres maisons prestigieuses s’établissent à la même époque. Guerlain s’installe juste à coté de Vuitton au numéro 68 dans un immeuble de Méwès, l'architecte du Ritz, tandis qu’une ébouissante collection d’hôtels de luxe- l’Astoria, le Carlton, l’Elysée-Palace, le Claridge- rend l’adresse incontournable. Malheureusement, seule subsiste au n° 74 la façade de l'hôtel Claridge, édifié en 1912, puis fermé en 1977. Aujourd’hui, il suffit de dresser la liste des maisons de luxe qui se sont établies sur l’avenue pour comprendre que Les Champs-Elysées reste la vitrine de l'excellence française. Cartier, Vuitton, Mont blanc et Guerlain ont été rejoint ces dernières années par Hugo Boss, Lancel puis Mauboussin qui a fait le pari de s’installer en bas des Champs, réputé pour être plus populaire, même si l'arrivée de Tiffany cette année change la donne.La beauté aussi suit cette trajectoire ascendante: Mi-2013, la chaîne américaine de magasins MAC, dont les produits sont beaucoup plus chers que Bourjois y a lancé son flagship de 360 m2. Idem pour l'offre en hôtellerie de luxe :le groupe Barrière, propriétaire de la brasserie Fouquet's, a ouvert un hôtel Fouquet's en 2006 avenue Georges V, alors que Marriot dispose d'un établissement sur les Champs-Élysées depuis les années 1990.

Un signe qui ne trompe pas sur l’importance que les parisiens accordent à cet endroit : les grands jours d'émotion nationale, c'est ici qu’instinctivement la foule se rassemble. Pour saluer la mémoire de Victor Hugo en 1885, défiler pour la Libération en 1944, rendre hommage au général de Gaulle en 1970 ou simplement fêter la coupe du monde de football en 1998, les français n’oublient jamais que l’avenue des Champs-Elysées est la « voie du triomphe ».