Ouvrir une boutique balnéaire : la renaissance de Pepa à Cadaquès
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Niché entre la mer et l’ancienne muraille de Cadaquès, Pepa est un bel exemple de boutique balnéaire au charme estival. Créé il y a presque 50 ans, le magasin multimarque a été réouvert ce printemps par Carole Bénazet, fondatrice de Département féminin à Toulouse, et Frédéric Lagarrigue, son compagnon.
La réussite d’une boutique de luxe n’était pas évidente dans ce petit village de pêcheurs, notamment connu pour avoir séduit de célèbres artistes comme Dalí et Marcel Duchamps. Mais Carole Bénazet et Frédéric Lagarrigue ont su y voir le potentiel qu’offraient la clientèle d’estivants et l’attrait de cette ancienne boutique Pepa. Rencontre.
J’ai lu que vous aviez toujours eu envie d’une boutique balnéaire. Pourquoi ?
Carole Bénazet : Ça m’a tout simplement toujours fait rêver. Je vis dans une très jolie ville – Toulouse est très belle –, mais elle ne véhicule pas une image très forte parce que c’est plutôt une ville d’industrie, d'aéronautique, de nouvelles technologies. Je trouvais que pour le luxe c’était très intéressant d’avoir une adresse qui puisse davantage décliner un art de vivre. On avait exploré beaucoup de pistes et c’est Cadaquès qui s’est le plus largement ouvert. C’est un projet que je développe avec mon compagnon, Frédéric Lagarrigue, et c’est vrai que cette destination synthétise beaucoup de choses pour nous : il y a une dimension d’évasion mais également culturelle, beaucoup d’artistes ont séjourné à Cadaquès. Et puis, on y a observé une gentrification de la clientèle. On a donc pensé que c’était le moment d’ajouter à ce village, qui avait déjà de très beaux restaurants et hôtels, une boutique avec une proposition plus élevée.
Qu’avez-vous conservé de l’ancienne boutique Pepa ?
Le nom déjà. Et puis, la boutique a plutôt été révélée que refaite. C’est un lieu incroyable parce que c’est un immeuble qui date du XVe siècle dans lequel habitait Marcel Duchamp. C’est donc un lieu très incarné. L’immeuble est historique à deux niveaux : par son ancienneté et par cet occupant célèbre qui a aussi participé à l’histoire de l’immeuble. Et puis, cette boutique existe depuis presque 50 ans. Elle a été ouverte dans les années 1970, la période que nous avons voulu réactiver. On a donc révélé le lieu en travaillant sur des éléments de décors, sur la lumière… On a voulu respecter complètement l’endroit et ce qu’ont fait nos prédécesseurs.
On a également gardé des marques qu’ils faisaient, notamment Hartford et La Bottega di Brunella, une marque de Positano et qui est là depuis 47 ans. On a ensuite ajouté la touche Département Féminin puisqu’on a un pop-up Loewe Paula's Ibiza, Jacquemus, Eres et des marques comme Caravana, Sébline, Marrakshi Life. La proposition est assez renouvelée.
Quelle différence observez-vous entre la clientèle qui se rend chez Pepa et celle de Département Féminin, à Toulouse ?
C’est intéressant parce qu'on a juste un mois et demi d’ancienneté chez Pepa donc on est en train de découvrir la clientèle. Tandis que Département féminin existe depuis 20 ans, les clients qui y entrent sont donc tout à fait conscients de ce qu’ils vont faire comme type d’achat, ils ont totalement intégré ce qu’est notre proposition. Chez Pepa, une partie de la clientèle rentre parce qu’elle s’attend à trouver ce qu’elle trouvait avant, une autre partie parce qu’elle est en balnéaire et passe car elle est surprise de trouver des produits de luxe, et une partie de la clientèle trouve en fait ce qu’elle cherchait à Cadaquès. Cette saison est donc la constitution d’un fichier.
Et puis, à la différence de Toulouse, on a une proposition qui est à la fois féminine et masculine. Je crois que c’est important en balnéaire, car les hommes peuvent arriver avec une valise plus réduite et avoir le temps et l’envie de s’habiller. On est très surpris par le succès de l’homme durant ce premier mois. Les shorts Jacquemus les ravissent et puis il y a cette clientèle plus classique qui adore retrouver Hartford et Officine Générale par exemple. Il n’y avait pas encore de proposition de ce type dans le village, ils sont donc très contents de trouver enfin des vêtements pour les hommes.
Quels défis se posent aujourd’hui à vous ?
Il y en a beaucoup. On a engagé une équipe existante, dans une nouvelle aventure et une nouvelle proposition qui les amène à monter en expérience client, l’argumentation est quand même assez différente… Donc il s’agit d’engager une équipe, de convertir une partie de la clientèle existante à une nouvelle proposition : car il y a une partie qui ne va pas adhérer et une autre que l’on peut convertir, cela fait partie du défi. C’est aussi une communication à élargir sur les réseaux sociaux, dans la presse. Il y a beaucoup de sujets. C’est enfin amener les process de Département Féminin vers ce projet là car c’est une partie du groupe de Département Féminin.
Les anciens propriétaires vous ont-ils transmis des conseils ?
Bien sûr. Ils ont pris beaucoup de temps avant de transmettre cette boutique. Ils voulaient vraiment que ce soit des gens qui respectent l’histoire et qui permettent de la continuer avec succès. On a acheté à l’un des trois fondateurs et à sa compagne qui se sont occupés de la boutique pendant 40 ans. Ils nous ont donc effectivement pas mal parlé de l’esprit de Cadaquès, de la clientèle existante, ils avaient également le souci que l’on garde une partie de l’équipe, ce que nous avons fait. On a beaucoup échangé. Mais ils ne pensaient pas qu’il y avait le potentiel pour des produits de luxe, ce qui est normal : quand on a une clientèle qui achète autour de 300 euros, on n’imagine pas qu’elle puisse acheter à 2 000. Alors que ces clientes-là, moi je les avais déjà à Toulouse où elles achetaient beaucoup de produits de luxe, car une partie des clientes ont des résidences secondaires à Cadaquès. Il faut enfin savoir que la clientèle qui vient ici est largement française, ce qui veut dire qu’elle connaît très bien des maisons comme Celine par exemple.