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Pourquoi les fonds de commerce d'habillement ne séduisent plus ?

By Julia Garel

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Retail |DÉCRYPTAGE

Unsplash

Alors que l’omnicanalité redéfinit le retail de la mode, le secteur de l’habillement fait face à une diminution du prix de ses fonds de commerce et du nombre de leurs transactions. Décryptage.

« Nous nous inscrivons depuis plusieurs années sur une tendance à la baisse du nombre de transactions, c'est-à-dire de reprise de fonds de commerce », explique par téléphone Thierry Millon, directeur des études Altares, société spécialisée dans l’analyse d’informations économiques BtoB. Selon lui, le premier point de difficulté est le prix, puisque celui-ci est lié à la réalité du marché. « Si vous n’êtes pas aidé dans l’appréciation du juste prix, le risque est que bien que vous ayez un fonds de commerce de qualité, vous ne trouviez pas d’acheteur car vous aurez une tendance à sur-apprécier votre activité et à proposer un fonds de commerce au-delà du prix du marché », observe-t-il.

Alors qu’en 2017, la moyenne de vente d’un fonds de commerce pour le secteur de l’habillement (hors chaussures) s’élevait à 102 600 euros – elle dépassait les 110 000 et 120 000 euros les années précédentes – ce chiffre est descendu à 94 000 euros en 2021. Une diminution progressive avec une légère augmentation en 2018 (109 900 euros), puis une stabilité pour 2019 et 2020 (autour de 106 000 euros). 

Cette baisse de prix va à contre-sens d’une tendance à la hausse pour beaucoup d’autres secteurs. Selon le bilan 2021 d'Altares, seuls cinq autres domaines (sur les 20 analysés) connaissent une diminution du prix de vente : les officines de pharmacies, l’hôtellerie et hébergement, les agences immobilières, les supermarchés et les magasins d’optiques. Tous les autres sont à la hausse. Les fonds de commerce des jardineries, animaleries, fleuristes se revendent, par exemple, 54,6 fois plus chers en moyenne en 2021 qu’en 2020.

La courbe du prix des fonds de commerce de l'habillement suit donc celle du secteur, en repli depuis plusieurs années. Et bien que la situation des détaillants de mode s’améliore par rapport à la période de pandémie, l’activité commerciale demeure inférieure à 2019 : moins 16,6 pour cent en avril 2022 par rapport à avril 2019 (source Institut Français de la Mode).

2022 ne devrait pas changer la donne pour le marché des fonds de commerce de l'habillement. Thierry Millon déclare : « Le contexte ukrainien conduit à ce qu’il y ait un niveau d’inflation bien plus haut et plus long que ce qui était craint. Si je vends mon fonds de commerce de prêt-à-porter aujourd'hui, il y a des chances que le prix que je vais en demander, surtout si je ne suis pas très numérisé, ne soit pas très attractif pour l’acheteur qui aura besoin de voir comment les choses évoluent. »

La valeur d'un fonds de commerce sera aussi fonction de sa digitalisation

Aujourd’hui, l'omnicanalité redéfinit le visage des commerces de l’habillement. Ce concept visant la fluidité du parcours client avant-pendant-après l’achat, s’inscrit dans une digitalisation des points de vente. Ainsi, le prix auquel l’acheteur acceptera de reprendre un fonds de commerce sera aussi fonction de la digitalisation, « ce qui n’était pas le cas historiquement », fait remarquer Thierry Millon. « Avant, vous étiez situé dans un bel endroit avec des produits de référence, cela suffisait à trouver des acheteurs. Aujourd’hui ça ne suffit plus. »

Il explique : « Le prix sera fonction de la qualité du fonds pour demain [il s’écoule environ 2 ans entre la mise en vente et l’achat]. Même en phase de cession, il ne faut pas lever le pied sur les investissements, ils sont nécessaires jusqu’au bout. Si vous vous dites “je vais laisser le soin au repreneur de rafraîchir parce que de toute manière il va tout changer”, c’est une erreur. Il faut trouver le bon compromis pour continuer à servir le client avant tout et convaincre l’acheteur que le prix que vous lui demandez est le juste prix. Il faut mettre en avant la qualité du produit, savoir la mettre en valeur tout en étant capable d'être compétitif et pour cela si vous n’êtes pas présent sur le web vous n’y arriverez pas. Vous arriverez à continuer à capter vos clients fidèles, anciens, qui vont prendre de l’âge, en revanche vous aurez du mal à attirer une clientèle plus jeune et à renouveler par conséquent votre fonds de commerce, car la valeur de votre fonds c’est essentiellement le fichier client ».

Érosion des transactions

Quant au nombre de transactions, bien qu'il augmente en 2021 par rapport à 2020 (respectivement 399 puis 418), on reste en réalité dans des chiffres « très bas », insiste Thierry Millon. Le nombre de 399 transactions de ventes et cessions de fonds de commerce d’habillement en 2020 s’explique par la fermeture des commerces dits « non-essentiels » en raison des confinements. Cela explique une légère remontée en 2021. Mais, globalement, une érosion apparaît depuis plusieurs années : 641 transactions effectuées en 2017, 573 en 2018, 517 en 2019.

« Ça ne concerne pas que l’habillement, ça concerne tous les marchés », souligne le dirigeant. Il explique : « Si nous pouvons nous féliciter d’avoir des records de créations d’entreprises sur 2020 et 2021, ces créations ne portent pas l’activité de commerce d’habillement. La création d’entreprise est portée par des micro-entreprises dans les métiers de logistique (...) Les auto-entrepreneurs ne sont pas des personnes susceptibles de racheter un fonds de commerce, autrement ils créeraient une entreprise classique. »

La question qui se pose est alors : vaut-il mieux créer ex-nihilo ou à partir d’un existant ? Selon Thierry Millon, le choix est vite fait. « En rachetant un fonds de commerce, j’ai une probabilité de survie beaucoup plus forte que si je crée mon entreprise de toute pièce. » Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon Altares, 92,1 pour cent des fonds de commerce repris en 2016 sont encore debout 3 ans après.

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