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Modefabriek : David Shah prévoit un clash des tendances

By Rachel Douglass

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Salons

Image : Rick Owens SS23, Stella McCartney SS23, Prada AW22, photos courtesy of CatwalkPictures

Le salon néerlandais Modefabriek a fait son grand retour du 10 au 11 juillet dernier. Un événement une nouvelle fois complété d’une série de conférences, présentations et ateliers organisés dans le but d’inspirer ses visiteurs dans un contexte économique difficile. Inscrit au riche programme de ces deux jours, l’expert en tendances David Shah est venu présenter sa vision de l’industrie de la mode et son avenir au cours d’une conférence intitulée « Un monde de contradictions ».

Alors que Modefabriek avait cette année pour thème « Together Again », Shah a identifié la polarisation de notre société (et par là, des consommateurs de mode) comme l’une des principales tendances d’aujourd’hui et demain. Selon lui, malgré notre volonté collective de nous rassembler pour retrouver une « normalité » post-Covid, d’importants clivages persistent cependant. Qu’il s’agisse de politique ou de business, les points de vue n’ont jamais été aussi divergents, et très peu restent aujourd’hui neutres face aux différences d’opinion.

Le fournisseur : élément clé pour les marchés intermédiaires

Comme le fait remarquer David Shah, ce phénomène se produit également dans le secteur de la mode. Les consommateurs se tournent soit vers les marques du marché de masse ou les marques haut de gamme, laissant les détaillants des marchés intermédiaires se démener pour tirer leur épingle du jeu. Le potentiel déclin du marché intermédiaire pourrait selon Shah être attribué au manque d’attention porté aux fournisseurs et à la nécessité de leur donner une place centrale. Selon ses observations, de nombreux détaillants du marché intermédiaire dépendent de fournisseurs basés en Europe, aujourd’hui confrontés à une augmentation inévitable des prix en raison de l’inflation. Ceci amène les détaillants à reconsidérer où produire, et la réticente à transférer la production en dehors des frontières européennes vers des sites moins chers persiste. « La clé de l'avenir, c'est le fournisseur », ajoute David Shah. « Si vous avez le contrôle sur vos fournisseurs, vous aurez le contrôle sur votre marge ».

Image: Tiffany & Co., Rosé

En outre, une grande partie de cette tendance peut être associée aux « nouveaux consommateurs », qui, selon Shah, sont les personnes riches et/ou jeunes. En tant qu'acheteurs privilégiés d'aujourd'hui, leur influence se manifeste dans la montée en puissance de la fast-fashion, pour laquelle la génération Z représente une grande partie du marché, ou dans les stratégies nouvellement adoptées par les maisons de luxe ou les marques historiques cherchent à attirer un public plus jeune grâce à des messages plus pertinents. Un exemple : la nomination de Beyoncé et Rosé du groupe Blackpink en tant qu’ambassadrices de la marque Tiffany & Co.

Société régénératrice

L’arrivée de ces nouveaux consommateurs s’accompagne d’une nouvelle compréhension de la notion de communauté, évoluant autour d’un nouveau sens du collectivisme et de la collaboration. Selon Shah, cette évolution a contribué à développer des activités comme l’artisanat - qui a retrouvé les faveurs des consommateurs pendant le confinement - et qui a permis à tous d’expérimenter avec leurs vêtements dans une démarche éco-consciente. David Shah ajoute également que la revente et le vintage font partie de ce mouvement, et assure que la tendance n’est pas prête de s’essouffler au regard de la quantité de vêtements en circulation aujourd’hui.

L’expert a également évoqué une nouvelle tendance qui pousse plus loin la préservation de l’environnement : le « développement durable régénératif » qui consiste à mettre la nature au centre de la création. Prenant l’exemple de nombreuses marques utilisant les champignons dans leur processus de fabrication, Shah suggère que cette dépendance envers la nature est vouée à s’intensifier et que les professionnels trouveront de nouvelles méthodes de fabrication qui permettront à l’homme de se reconnecter à la nature. En parallèle, l’expert a également évoqué le potentiel mariage entre la nature et le metaverse à l’heure où nous essayons d’étendre le monde réel à l’univers digital.

Image: Ganni x Mylo, mushroom leather bag

Pour un metaverse plus humain

Impossible selon Shah d’ignorer l’importance de la technologie dans ces considérations, alors que de nombreuses innovations se développent et dévoilent de nouvelles possibilités. Cependant, alors que la technologie du metaverse continue de se développer et que son avenir reste encore incertain, Shah s’est exprimé sur les nombreuses solutions adoptées par les marques pour rendre le monde connecté plus humain, comme la création d’expériences mobilisant nos sens. Ces expériences, ajoute-t-il, contribueront à construire notre futur monde « phygital » qui verra les frontières entre le réel et l’irréel se dissiper.

Afin de mettre ces changements en application, les marques ont choisi de renforcer le recrutement de techniciens spécialisées, non plus des designers, afin de tenter de devenir leaders du secteur de la réalité virtuelle. Cependant, reste à comprendre les attentes des consommateurs dans ce nouveau contexte de consommation. Alors que certains sont prêts à accepter l’impact de la technologie dans le monde réel, à l’image de Bottega Veneta, d’autres s’orientent vers des expériences empreintes d’une forme de nostalgie. Face à cela, Shah insiste : il existe encore de nombreuses possibilités à explorer.

Clash des tendances

Alors que certaines marques s’approprient ce sens de la nostalgie à travers des vêtements « preppy » et un sportswear classique, d’autres foncent dans la direction opposée avec des collections visant à refléter l’extinction de la nature telle qu’on la connaît, représentée par des créations d’avant-garde incarnant les grandes problématiques de notre société. Dans le même temps, la conception du luxe commence à varier notamment avec des marques passant d’un glamour extrême et des collections maximalistes à des vêtements « essentiels » qui mettent l’accent sur le confort à l’heure de la popularisation du télétravail. Cet état d'esprit se retrouve dans les vêtements de sport modernisés, comme en témoigne la collaboration entre Jacquemus et Nike, qui donne aux vêtements de sport une apparence plus élégante. De même, les marques et les tendances vestimentaires soutenues par des célébrités promeuvent un nouveau sens de la « body positivity », avec des vêtements inclusifs qui encouragent ceux qui les portent à prendre le contrôle de leur corps. Une tendance qui, selon David Shah, ne fera que s'accentuer dans les saisons à venir.

Cet article a initialement été publié sur FashionUnited.com. Il a été traduit et édité en français par Maxime Der Nahabédian.

Image: Skims Swim
David Shah
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