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Plus créative et "moins massive", la Chine revendique ses différences

By Anne-Sophie Castro

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Salons

Nouvelle donne pour les chinois en matière de mode : « Être différents ». L’heure de la copie tapageuse semble toucher à sa fin. Désormais, c’est le produit qui sera mis à l’honneur. Si jusque-là les chinois ont tout fait pour reprendre les codes occidentaux des grandes marques de mode -en se formant notamment dans les prestigieuses écoles internationales- il se pourrait qu’au bout du compte, la Chine revienne à son essence et réadapte ses modèles pour y laisser son empreinte. Comment être unique et différent en pleine globalisation ? S’adonner au système, être créatif, innovant et continuer à prendre une longueur d’avance : le nouvel enjeu des marques chinoises.

À Shanghai, le salon de mode Chic affichait déjà un chiffre record dès le premier jour : 46 000 visiteurs. L’évènement asiatique réunissait du 15 au 17 mars un total de 1 213 exposants, dont 400 en provenance de 21 pays, au Centre National des Expositions.

Chen Dapeng, président du salon CHIC et de l’Association Nationale Chinoise de l’Habillement (China National Garment Association) a expliqué lors d’une conférence de presse que les développements techniques et l’innovation étaient au coeur de l’offre de cette édition printannière : « Les nouveaux designs et les vêtements intelligents augmentent la demande et incitent au désir d’acheter ».

Consommation : la qualité du produit prime sur la marque

« To be different devient le leitmotiv des consommateurs chinois qui ne croient plus en l’image des marques internationales mais plutôt en leurs produits », a souligné Dapeng. « Les consommateurs sont en train de changer du point de vue économique et social et deviennent plus matures. Une bonne marque doit pouvoir offrir une bonne qualité, un bon design et refléter un style de vie . Avant les chinois étaient trop concernés par les marques et leurs logos. Aujourd’hui le client chinois recherche un bon produit plutôt qu’une bonne marque. Si un label international ne peut apporter un rapport qualité-prix raisonnable, le consommateur chinois ne l’achètera pas.

Les multibrands et concept stores en hausse

Côté retail, Chen Dapeng fait constater que les marques aussi bien chinoises qu’internationales choisissent volontier le canal en propre, plutôt que le multimarque, même si celui-ci continue de gagner du terrain. Force est de constater que la Chine va très vite et avec la globalisation, de plus en plus de concept stores comme The Mix Place, Dong Liang, The Fashion Door ou Style Me, alliant collections de mode avec des librairies, cafétérias ou salons de coiffure –à l’image des magasins européens- ouvrent leurs portes dans les grandes villes comme Shanghai, Beijing ou Hangzhou.

Parmi les acheteurs chinois de grands magasins, les organisateurs du salon ont listé Da Shang, Wanda Plaza, Zhen Hua et Gui He de Shandong ou Shou Chuang et pour les grands magasins européens, House of Fraser a été reconnu comme l’une des entités ayant le plus consolidé sa présence en Chine au cours de ces derniers mois.

Cette année, les petites marques sont davantage représentées sur Chic : 80 pour cent sont des marques éponymes de designers et d’entreprises chinoises. Beaucoup d’entre elles sont créatives et innovantes, recyclent du matériel ou se nichent dans le segment « green » ou « éco-responsable » sur un positionnement haut-de-gamme, les matières naturelles étant encore très chères.

Plus d’écoles de design et de marketing en Chine

À en voir les allées tristes du salon, sans fantaisie aucune où l’esthétique a visiblement été laissée de côté sur bon nombre de stands, l’image d’un salon de mode n’est pas reflétée, du moins pas « à la française ». Décision propre des exposants ou volonté des organisateurs ? Seuls les quelques pavillons internationaux y mettent de la couleur –une mention spéciale cependant pour le pavillon allemand, de loin le mieux soigné dans les détails et le pavillon italien qui a reçu le plus de participants cette année- comparé aux stands chinois qui se contentent de parois latérales blanches et de quelques ceintres accrochés pêle-mêle. Ici, le business étant de prendre des commandes avant tout. Sauf que dans la culture occidentale, l’un ne va pas sans l’autre...

Sur le pavillon français –et faute de pavillon britannique- la fondatrice de la marque londonnienne de bijoux, Sam Ubhi, avoue apprendre beaucoup sur CHIC, « justement des choses a ne pas faire : l’esthétique n’est pas là, malheureusement. On s’attend à un pavillon parisien élégant à l’image de la capitale de la mode et on ne le trouve pas ». « Il manque de la déco », dit-elle, « et les chinois sont axés business sans prendre soin de l’image. Pourtant ici les marques exposantes sont haut-de-gamme, leurs produits ne ressortent pas. ». Malgré tout, l’exposante se réjouit de son passage sur le salon pour avoir trouvé dès le premier jour un agent ayant de bonnes références dans la région. « Pour commencer, nous allons certainement nous développer en multimarque », ajoute-t-elle.

D’après le président du salon, la Chine tente de conserver sa culture tout en s’adaptant à l’international et le système éducatif est en pleine mutation : « Les écoles de design et de marketing se développent en Chine. Nos designers et nos marques veulent être plus compétitifs. Il ne s’agit pas de ne plus consommer de marques internationales, mais au moins de faire aussi bien qu’elles. »

Coup de mou chez les exposants français

Emmanuel Argemi, directeur export du groupe Garella pour les marques Bleu Blanc Rouge, Garella et Indies, manifeste sa déception d’être venu. « Nos labels ont été introduits en Chine il y a quinze ans et nous avons une vingtaine de points de vente en Chine qui nous rapportent chaque année près de 500.000 euros. Ce n’est pas beaucoup pour un si grand pays, mais nous sommes déjà présents sur 40 marchés. Sur le salon, nous avons très peu d’acheteurs et la majorité de nos clients ne viennent pas ici. Nous ne reviendrons certainement pas l’année prochaine, ce n’est pas rentable. »

C’est un peu le même refrain sur le stand de Derhy qui « ressent un coup de mou comparé aux autres années. » Selon Virginie Dessèvre, responsable de l’expansion de la marque, il y a moins d’acheteurs chinois sur l’ensemble du pavillon français. « Il y a aussi une vraie barrière avec la langue, car la plupart des acheteurs ne parlent que chinois et si nous n’avons pas d’interprète, nous ne vendons pas ! » Virginie Dessèvre assure que Derhy marche pourtant très bien en Chine car ses produits boho-chic colorés sont très apprécié par la clientèle chinoise ».

Stella Cadente, la créatrice de mode, designer et ex-directrice artistique de Bijorcha et Sephora entre autres, est venue promouvoir ses services avec le photographe de mode Florian Claudel. Tous deux accompagnent les marques en cabinet de conseil sur les secteurs de la mode, de la beauté et de la décoration. En Chine, leur travail représente 30 pour cent de leur activité globale, développée principalement en France, au Brésil et à Casablanca où ils se sont installés depuis peu. Pour Stella Cadente, la Chine reproduit exactement ce qu’il s’est passé en France dans les années 1990-2000 : une forte consommation puis une baisse notable, une tendance qui se ressent sur le pavillon.

Des allemands plus optimistes...

Cette année, Arnd Hinrich Kappe, directeur du salon allemand du cuir, ILM Offenbach, réitère et félicite les organisateurs. Toutefois, il remarque une baisse des visiteurs chinois sur le pavillon allemand comparé à l’an dernier. « ILM est une véritable référence pour les fabricants chinois car pratiquement toutes nos marques produisent dans le pays. Ici nous avons de très bons clients, mais sur le salon, il est difficile de trouver de bons retailers, il faudrait les filtrer! ».

Mis à part le prêt-à-porter qui occupe la majeure partie de Chic, le luxe n’est pas en reste. Pour la première fois, la marque de Lia Fallschessel, spécialisée en sacs à main, accessoires et bijoux, « A Cuckoo Moment », expose sur le salon. Elle propose des sacs à main en cuirs exotiques allant de 500 à 8000 euros, ou des bijoux en pierres précieuses de 130 à 25 000 euros. Le fait est que cette petite marque allemande a déjà vendu quelques pièces dans la boutique de l’hôtel George V à Paris, « un vrai succès ! » selon Lia. Et aujourd’hui, en plus de participer à des salons européens comme Première Classe ou Basel World, l’entrepreneuse se tourne vers la Chine pour y distribuer ses collections en boutiques exclusives multimarque.

En minorité, quelques marques internationales du Royaume-Uni, de Grèce, d’Australie, d’Espagne, du Canada, du Brésil, du Pérou, d’Inde et du Japon ont défilé sur le podium de Chic dans le but de développer leur activité en Chine.

En termes d’innovation, la société Saint Andrew (Baoxiniao) a présenté un système « intelligent clouds » permettant à ses clients de créer leur propre style et de produire des pièces individuelles. Autre entreprise chinoise, Shanghai Ti Qi Cashemere Products, qui propose du cachemire anti-transpirant pour le sportswear et la mode intime.

Anne-Sophie a voyagé en Chine, invitée par Chic Shanghai

Photos : Chic Shanghai/ Anne-Sophie Castro

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