Salon de la haute horlogerie: le retour du juste prix
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Le SIHH - salon de la haute horlogerie- a ouvert ses portes à Genève ce lundi. Cette 27eme édition est une session particulière à plus d’un titre: en effet, l’année 2016 a été difficile pour l’horlogerie d’exception. La baisse de la consommation des produits de luxe en Chine, les attentats en Europe ont largement pesé sur le chiffre d’affaire et les bénéfices. On attendait donc avec impatience de pouvoir prendre le pouls de la profession. Notre première impression est bonne, voire même excellente : le sourire est revenu. Les maisons ont pris la mesure des défis à venir. Des solutions à la fois créatives et pragmatiques se profilent d’ores et déjà à l’horizon.
Autre singularité de cette édition : c’est la première fois, depuis sa fondation par Alain-Dominique Perrin, que ce grand rendez vous consacré aux horlogers du groupe Richemont accueillera le grand public : cet accueil se fera toute la journée de vendredi de 10h à 18H. Ce signe d’ouverture vers les consommateurs se manifeste également par une volonté de coller au plus prés du marché. L’ouverture aux autres se traduit aussi par l’arrivée de nouveaux exposants choisis en dehors du sérail Richemont, avec l’arrivée de deux maisons du groupe Kering : Girard Perregaux et Ulysse Nardin ; mais aussi avec la présence d’un « carré des horlogers » : un espace dédié aux artisans indépendants, parmi lesquels RJ-Romain Jerome ou encore MCT.
Enfin l’attrait et la pertinence de cette manifestation était attestée par la présence en force des trois maisons horlogères du groupe LVMH. Pas au sein du salon, mais à Genève. Jean-Claude Biver, président de la division montres du groupe LVMH recevait même l’ensemble des journalistes dimanche soir pour ce qu’il considère comme l’ouverture de la « Genève Watch week ».
Des prix en baisse
La bonne humeur donc. Les mesures drastiques (dont une large vague de licenciement) ont déjà été prises. Le sentiment général donne l’impression que l’ouragan est passé. Reste maintenant à présenter les premiers résultats des réflexions menées afin de ramener l’horlogerie d’exception dans le viseur de consommateurs. La principale des mesures concerne le prix des modèles.
La plupart des maisons ont visiblement ciselé leurs propositions afin de proposer la juste « valeur perçue » du produit. L’obsession désormais, c’est que le client doit avoir la juste sensation d’en avoir pour son argent. Chez Jaeger Lecoultre, le prix de Reverso, montre star parmi les stars, a été revue à la baisse. Chez Montblanc, le prix est toujours aussi pertinent ce qui explique surement le succès de la maison, quasiment la seule à avoir traversé la tempête sans encombre. Le PDG de la maison Jérôme Lambert quittera d’ailleurs ses fonctions en avril prochain pour devenir le directeur opérationnel de toutes les marques « autres » de Richemont, c’est à dire Chloé, Alaia, Dunhill, Lancel, Shangai Tang, mais aussi Montblanc.
Coté design, la tendance est plutôt à la sobriété. Le cachet prévaut sur l’esbroufe : d’où une magnifique propositions de montres intemporelles, pour lesquelles l’élégance, la finesse sont des complications en elles-mêmes. Quelques soupçons de démesure subsistent malgré tout, haute horlogerie oblige : on retiendra par exemple l’extraordinaire montre de haute joaillerie « Outrage » d’Audemars Piguet, une féerie sertie de 65 carats de diamants ; et pour les hommes : la nouvelle Richard Mille baptisée RM 50-03 : conçu dans un matériau inédit en horlogerie, le Grapht TPT, c’est un tourbillon rattrapante (split seconds), et accessoirement, le chronographe mécanique le plus léger jamais fabriqué ; le prix avoisinera le million d’euros : en somme, un prodige proche de la science expérimentale conçu avec les ingénieurs de McLaren. Notons aussi la présentation de la première Grande Sonnerie de Greubel Forsey : un chantier pharaonique qui a nécessité onze années de recherches ; certainement la création Greubel Forsey la plus complexe à ce jour. 935 pièces la composent. Cinq à huit exemplaires seront réalisés par an.
Coté joaillerie, la bonne humeur aussi est de mise. Les deux maisons stars de Richemont : à savoir Cartier et Van Cleef & Arpels peuvent se prévaloir de bons résultats : 9 pour cent d’augmentation soit 1,75 milliards d’euros à elles deux. La stratégie de Cyrille Vigneron, PDG de Cartier nommé il y a un an, est une stratégie de bon sens : il s’agit de rappeler que Cartier est un joaillier, c’est à dire une maison qui s’adresse avant tout aux femmes. D’où le recentrage vigoureux et exaltant de la maison vers son coeur de métier: l’année 2017 sera à ce propos surement marqué par le retour sur le devant de la scène de la mythique montre Panthère créée en 1983. Quasiment inchangée, elle ressuscite l’esprit conquérant et disons le, positif des golden eighties. Son prix, lui aussi, - 3850 euros en acier (soit moins qu’une J12 de Chanel dans le même métal) - est parfaitement conquérant. En somme l’optimisme et le panache reviennent et c’est plutôt une bonne nouvelle.
Crédit photo : Outrage d’Audemars Piguet, Grande Sonnerie de Greubel Forsey, Panthère de Cartier