Achats: les distributeurs européens dans une course aux alliances pour mieux se défendre
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Les distributeurs européens, à l'image de Carrefour et Tesco lundi, se lancent dans une grande course aux alliances dans les achats, afin de mieux se défendre en terme de prix contre la concurrence de l'ogre Amazon.
Cette stratégie d'ensemble entre des sociétés a priori concurrentes sur le papier est l'illustration d'un phénomène connu sous le nom de "coopétition", un mélange de collaboration et compétition en réaction à la saturation d'un marché, à l'exemple de l'alliance entre les constructeurs automobiles Renault et Nissan à l'aube des années 2000, explique à l'AFP Yves Marin, consultant au sein du cabinet Bartle, spécialiste de la distribution.
Ainsi, depuis trois ans, les grands distributeurs ont noué les uns après les autres des accords de partenariat à l'achat, tant dans le domaine alimentaire que non-alimentaire, afin de bénéficier d'un effet de volume lorsqu'ils négocient leurs conditions d'approvisionnement avec les fournisseurs.
Or, dans cette optique, Carrefour se trouvait isolé, une faiblesse à laquelle son PDG, Alexandre Bompard, a décidé de remédier à son arrivée à la tête du groupe il y a presque un an.
D'où la création en avril d'une plateforme avec Système U, consacrée aux achats des marques nationales et internationales, faisant suite à l'alliance avec le groupe FnacDarty concernant ceux des produits électroniques et électroménagers annoncée début décembre.
Il ne manquait plus que le volet "marques propres" (MDD) pour le distributeur français: c'est chose faite lundi, avec l'annonce d'un partenariat stratégique avec le numéro un britannique des supermarchés Tesco qui devrait être opérationnel à la rentrée, pour les négociations commerciales 2019.
"Les négociateurs de Carrefour auront indéniablement un poids accru vis-à-vis des fournisseurs, notamment internationaux", soit entre 50 et 100 marques, a affirmé à l'AFP Hugues Villey, avocat au sein du cabinet BCTG, spécialiste en droit commercial.
Même calendrier du côté de l'alliance, baptisée "Horizon", annoncée vendredi dernier entre les trois groupes de distribution français Auchan, Casino et Schiever et la société allemande Metro, et dont la centrale d'achat devrait être opérationnelle en octobre.
"Ces partenariats ouverts et sur des périmètres différents", fonctionnant en parallèle des grandes centrales d'achat internationales telles l'européenne Copernic (dont fait partie Leclerc), sont possibles grâce à la volonté d'un "+gros+ qui fédère autour de lui", souligne M. Marin.
Visant à générer des économies en mutualisant à grande échelle des achats, ce sont des alliances "de défense", ajoute l'expert, notamment en réaction à une guerre des prix acharnée à laquelle se livrent le commerce physique et le commerce en ligne, emmené par le géant américain Amazon.
Dans leur communiqué commun, Tesco et Carrefour ne s'en cachent pas: cet "accord permettra aux deux groupes d'améliorer l'assortiment et la qualité des produits à des prix encore plus bas au bénéfice des clients, augmentant ainsi la compétitivité des deux enseignes".
Une volonté que n'a pas manqué de saluer dans un tweet le nouveau patron de Système U, Dominique Schelcher: "les groupes français doivent se renforcer face aux champions internationaux", a-t-il affirmé.
En s'ouvrant également au commerce en ligne, via Alibaba pour Auchan, Amazon pour Monoprix (groupe Casino), ou Google pour Carrefour, ces grands groupes ont "tendance à redistribuer les cartes", selon Me Villey.
Le risque étant que survienne "la tentation de déporter les négociations commerciales ailleurs qu'en France", relève l'avocat, qui rappelle que l'Autorité de la concurrence doit être notifiée deux mois à l'avance de toute opération de ce type.
Autre risque potentiel: l'accord Carrefour-Tesco mentionne également la vente de services additionnels (produits marketing, données...) aux industriels, rassemblés dans leur communiqué sous le terme vague de "nouvelles opportunités".
"Que va dire le régulateur? On entre dans un champ où les pouvoirs publics vont se retrouver relativement démunis pour juger d'éventuels abus", prévient l'avocat. (AFP)