Allègement des droits de douane américains: les horlogers suisses retrouvent un peu d'oxygène

Les exportations de montres suisses ont encore accusé le coup des 39% de droits de douane imposés par les Etats-Unis en octobre, mais le projet d'accord entre Berne et Washington pour les ramener à 15% devrait redonner une bouffée d'oxygène aux horlogers.

En octobre, les exportations horlogères suisses vers les Etats-Unis ont encore dégringolé de 46,8% par rapport à la même période un an plus tôt, après une chute de 55,6% en septembre et de 23,9% en août, selon les relevés de la fédération horlogère publiés jeudi.

En août, Washington avait imposé des droits de douane de 39% à la Suisse, suscitant de vives inquiétudes pour l'horlogerie puisque les montres doivent être fabriquées dans le pays pour pouvoir y apposer le label "Made in Switzerland", considéré comme le symbole de la tradition horlogère helvétique.
Mais après trois allers-retours à Washington, le ministre de l'Economie Guy Parmelin est revenu en fin de semaine dernière à Berne avec un projet d'accord pour ramener ces taxes douanières à 15%, même si certains détails doivent encore être discutés, notamment pour l'horlogerie.

Depuis, Manuel Emch, le directeur général du fabricant Louis Erard, est submergé d'appels. En moins "de 24 heures", "tous mes détaillants sans exception ont pris commande", a expliqué à l'AFP le patron de cette marque, qui réalise environ le quart de son chiffre d'affaires aux Etats-Unis.

"Et maintenant, il y a toute une logistique de production à mettre en place pour augmenter les cadences", ajoute-t-il, car "on est dans la dernière ligne droite avant Noël", avec "une fenêtre de tir très courte pour satisfaire une demande très soudaine". Car contrairement à une partie de ses concurrents, cette marque qui produit en petites quantités n'avait pas pu constituer de stocks aux Etats-Unis.

Soulagement

Les Etats-Unis constituent le premier marché étranger de l'horlogerie suisse, captant à eux-seuls près de 17% des exportations. Anticipant une hausse des droits de douane, de nombreux horlogers s'étaient empressés d'y gonfler leurs stocks, faisant bondir leurs exportations vers les Etats-Unis de 149,2% en avril et de 45% en juillet. Ces exportations s'étaient effondrées en août dans la foulée de l'annonce de la hausse des taxes américaines.

"Je suis soulagé que l'on soit revenu à une taxe douanière moins punitive", a confié à l'AFP Elie Bernheim, le directeur général de la marque genevoise Raymond Weil, estimant que "cela va grandement améliorer les exportations suisses vers les Etats-Unis dans les semaines à venir".

Pour Edouard Meylan, le patron de la marque de luxe H. Moser, "passer de 39% à 15% allège nettement la pression", même si "cela ne fait pas disparaître les autres défis". "Mais cela offre un cadre plus respirable", qui "permet de regarder ce marché stratégique avec davantage de clarté".

Dans une étude publiée début octobre, le cabinet d'audit et de conseils Deloitte avait souligné que le secteur traversait actuellement "une des périodes les plus complexes de son histoire récente", entre la faiblesse de la demande en Chine, la flambée des cours de l'or et du franc suisse et les droits de douane américains.

Selon Jean-Philippe Bertschy, analyste chez Vontobel, cet allégement des droits de douane va donc redonner "un peu d'oxygène" aux fabricants de montres et à leurs fournisseurs, a-t-il indiqué à l'AFP. Mais "la pression restera élevée sur les prochains trimestres, avec une amélioration attendue au second semestre 2026", selon lui. Tous marchés confondus, les exportations horlogères suisses se sont contractées de 4,4% en octobre, à 2,2 milliards de francs suisses (2,3 milliards d'euros), selon la fédération horlogère.

En Chine, elle se sont redressées pour le deuxième mois d'affilée, enregistrant une hausse de 12,6% en octobre. Elles ont également augmenté de 2,4% à Hong-Kong mais ont reculé de 5,6% au Japon. Leur évolution a été plus contrastée en Europe, entre un recul 7,4% vers le Royaume-Uni et une hausse de 10,8% vers la France et de 3,9% vers l'Allemagne.