Comment les Pays-Bas ont relancé l'éducation à la couture artisanale

En 2011, l'Opéra national & Ballet néerlandais avait un problème : il ne trouvait pas de tailleurs locaux de qualité. Cette prise de conscience a donné naissance à Meesteropleiding Coupeur, une école privée dont l'objectif est de faire revivre le métier de tailleur. Et jusqu'à présent, il semble que le projet ait été couronné de succès, les anciens diplômés ayant travaillé avec le duo de designers néerlandais Viktor & Rolf, le label de denim G-Star Raw, et le National Opera & Ballet.

De longs couloirs relient les ateliers avec des machines à coudre et de grandes tables, exposant les œuvres des anciens élèves, comme un majestueux costume d'Elizabeth tout blanc avec un col en forme d'étoile utilisé dans la pièce Maria Stuart.

La perfection artisanale

"Tout est une question de qualité ", a déclaré Roger Gerards, directeur de l'école, à FashionUnited. Pour que les étudiants puissent exceller comme maîtres tailleurs dans leur métier, l'enseignement est rigoureux. Après l'admission, les techniques de base les plus essentielles sont enseignées pendant six mois. Parfois, les élèves doivent répéter différentes parties d'un vêtement de 20 à 30 fois jusqu'à ce que l'enseignant approuve, avoue Gerards. "Ce semestre façonne vraiment la mentalité de base des étudiants. Ils aspirent à la perfection."

Après avoir maîtrisé les bases, les élèves apprennent à confectionner des vêtements entiers et se spécialiseront avec deux maîtres tailleurs en vêtements pour hommes et pour femmes. M. Gerards a également souligné l'importance de l'environnement de l'atelier pour offrir aux étudiants suffisamment d'espace pour pratiquer le métier de tailleur.

"Nous ne concevons pas, nous fabriquons seulement", a dit M. Gerards, soulignant la différence entre les tailleurs et les designers, ainsi que la différence entre la formation dans son établissement par rapport à une école de mode commune d'enseignement supérieur. “Les élèves apprennent des techniques de fabrication de vêtements avec leurs mains et avec des machines, mais ils ne conçoivent, n'illustrent ou n'apprennent jamais le marketing comme le font d'autres écoles de nos jours”, dit-il.

La formation sobre et presque ascétique des fabricants de costumes flamboyants et de corsets complexes, présentée lors de la dernière journée portes ouvertes en novembre, est peut-être mieux incarnée dans le jardin silencieux de l'école, où les élèves prennent parfois leur déjeuner. "Il est très important pour un artisan d'avoir le silence pour se concentrer sur la fabrication ", dit M. Gerards.

Alors, comment les étudiants qui rêvent d'entrer dans le monde fascinant de la mode vivent cette scolarité ? “J'ai entendu tellement de fois : Essaies encore une fois", confie Lidewij Plaat, 23 ans, en se rappelant les moments où les enseignants ont mesuré son travail et ont demandé à ce qu'il soit refait. "Mais c'est nécessaire. L'artisanat est la base de tout. On peut avoir une bonne imagination, mais il faut savoir la traduire en vêtements ", déclare l’ancienne étudiante qui a obtenu son diplôme en 2018. Durant sa scolarité, elle a particulièrement apprécié le travail pour les musées, la scène ou les créateurs de mode où elle pouvait enfin voir ses œuvres exposées.

Les élèves tiennent un journal méticuleux des articles qu'ils font tout au long de leur formation. Découvrez les en images.

Photo: Meesteropleiding Coupeur | FashionUnited

Compétences indispensables

La formation permet aux étudiants d'acquérir de précieuses connaissances et compétences en matière de confection de vêtements et de modélisme et leur ouvre de nombreuses portes dans le monde de la mode. Outre la formation à temps plein et à temps partiel, l'école propose également des cours pour débutants et des masterclasses pour les personnes expérimentées.

La prochaine étape pour Roger Gerards est de travailler davantage avec l'industrie de la mode commerciale qui a sous-traité la plupart de sa production et de ses compétences en Extrême-Orient au cours des dernières décennies.

La redécouverte de l'artisanat pourrait servir d'inspiration au milieu des vêtements actuellement produits en série. Selon M. Gerards, des vêtements faits sur mesure, de haute qualité et portant la signature personnelle du fabricant pourraient offrir une alternative valable aux vêtements anonymes très répandus qui sont rapidement jetés et qui sont au cœur de l'industrie de la mode non durable d'aujourd'hui. "L'artisanat est de nouveau important et cela donne une autre façon de voir les affaires et la chaîne d'approvisionnement de la mode."

Cet article a été traduit et édité en français par Sharon Camara.

Photo : Meesteropleiding Coupeur / FashionUnited