Déforestation : Bruxelles plie face à la pression logistique. L’EUDR reporté à 2027
L'Union européenne vient de franchir une étape décisive pour l'industrie : le Parlement Européen a voté en faveur de la simplification du Règlement sur la Déforestation (EUDR) et a accordé un report d'un an de son entrée en vigueur. Ce vote, loin d'être un simple recul, vise à alléger la charge de la compliance pour les entreprises, notamment les PME, tout en maintenant des standards stricts de protection environnementale.
Dans un vote en plénière qui a eu lieu ce 27 novembre, les eurodéputés ont approuvé des amendements à la réglementation de 2023, qui exige que les produits vendus dans l'UE prouvent qu'ils ne sont pas liés à des terres déboisées.
Les clés de la simplification : un calendrier adapté aux PME
Le Parlement Européen a décidé d'ajuster significativement le calendrier d'application :
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Grands opérateurs : Les grandes entreprises devront appliquer le règlement à partir du 30 décembre 2026 (un an de sursis).
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Petites entreprises : Les micro et petites entreprises devront se conformer à partir du 30 juin 2027.
Ce report est capital pour laisser aux entreprises et aux pays exportateurs le temps de s'ajuster et d'améliorer leurs systèmes numériques de due diligence (devoir de vigilance).
De plus, les eurodéputés ont soutenu un allègement des contraintes pour les plus petites structures. Les micro et petits opérateurs primaires devront déposer une déclaration simplifiée et unique, réduisant ainsi considérablement les coûts administratifs de compliance. Le Parlement a également demandé une révision légale d'ici avril 2026 pour évaluer la lourdeur des charges administratives.
L'enjeu du textile : le coton, la forêt et la due diligence
Le règlement EUDR cible la déforestation liée à plusieurs produits et matières premières. Le secteur textile et habillement est directement concerné, notamment par la consommation de coton et de fibres cellulosiques (visant à prévenir la déforestation causée par l'expansion agricole ou l'exploitation forestière non durable).
Selon l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (UN FAO), 420 millions d'hectares de forêt ont été détruits entre 1990 et 2020. L'Union européenne, par sa consommation, est responsable d'environ 10 % de la déforestation mondiale. L'EUDR est la réponse de l'UE pour contraindre l'industrie à intégrer cette responsabilité.
Pour le textile, l'application de l'EUDR se traduit par plusieurs impératifs :
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Traçabilité absolue : Les entreprises devront prouver que le lieu de production de leurs matières premières n'a pas été déboisé après décembre 2020.
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Certification des matières : L'accent est mis sur la sécurisation du sourcing de matières premières à risque, comme le coton ou les viscoses dérivées de pâte de bois.
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Risque de défaut : Le délai accordé par le Parlement doit être utilisé par les entreprises pour intégrer les systèmes de traçabilité numérique et former leurs équipes à la vérification des données.
Le report des lois : contrainte irréaliste ou lobbying efficace ?
Ce report d'un an, accordé par le Parlement Européen, n'est pas un cas isolé. De nombreuses législations, notamment celles liées à la finance durable (CSRD, etc.) ou à l'écologie (comme la loi Omnibus), ont connu des retards ou des simplifications.
Cette situation soulève un débat récurrent : les règles sont-elles trop strictes sans financement d'accompagnement suffisant, ou Bruxelles cède-t-elle à la pression des grands lobbys qui cherchent à gagner du temps sur l'implémentation de la compliance ? Dans le cas de l'EUDR, l'octroi d'un an de sursis aux entreprises est interprété comme un signe de pragmatisme pour éviter un choc logistique.
Un transfert de responsabilité et un appel au marché
Un des changements majeurs votés par les eurodéputés est le transfert de responsabilité. L'obligation de déposer la déclaration de due diligence reposera uniquement sur les entreprises qui placent le produit sur le marché de l'UE pour la première fois.
Ce vote est déterminant pour l'industrie. Le report offre une visibilité essentielle, permettant aux entreprises d'investir dans les systèmes numériques de traçabilité nécessaires, sans être immédiatement sanctionnées par les pénalités prévues.
Pour que la loi finale soit applicable en 2026, l'adoption des amendements doit être validée par les États membres de l'UE et publiée avant la fin de 2025.
Pour les entreprises, la compliance semble bel et bien inéluctable, mais le législateur européen est prêt à adapter le calendrier pour assurer une transition industrielle plus juste.
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