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Entre la France et la Chine, un blanchiment à grande échelle en procès à Bobigny

By AFP

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Quartier d'Aubervilliers (France). Credits: Johann Walter Bantz, Unsplash.

Bobigny (France) - "Cette année, c'est soit la taule, soit le pactole": 19 personnes et 9 sociétés sont jugées à partir de mercredi au tribunal de Bobigny pour le blanchiment en bande organisée de plus de 65 millions d'euros via le centre de grossistes chinois d'Aubervilliers.

Lancée en 2021 par des signalements Tracfin, une information judiciaire en Seine-Saint-Denis a mis au jour l'existence de deux systèmes frauduleux présumés au milieu d'une myriade de sociétés fictives éparpillées entre la France, l'Europe et la Chine.

Dans le principal volet du dossier, la justice soupçonne Chérif H., 45 ans, d'avoir animé une officine qui aurait blanchi 37,6 millions d'euros entre janvier 2020 et avril 2024 dans le cadre d'un système de "décaisse".

Selon l'instruction, à travers plusieurs sociétés sans activité économique réelle, cet "apporteur d'affaires" déclarant un revenu officiel de 2.000 euros par mois recevait des virements de véritables entreprises en échange de fausses factures.

Les fonds étaient ensuite répercutés de société en société, rebondissant à travers divers pays d'Europe, avant de terminer sur des comptes en Chine continentale et à Hong Kong.

La plateforme de Chérif H. récupérait alors l'équivalent en espèces auprès des commerçants de la communauté chinoise de Wenzhou (sud-est de la Chine) implantés dans le vaste complexe de vente en gros de prêt-à-porter d'Aubervilliers, le Cifa.

Regroupant plus de 250 boutiques et sociétés, le Centre international de commerce de gros France-Asie d'Aubervilliers est réputé dans les services d'enquête comme l'une des plaques tournantes du blanchiment d'argent en Île-de-France.

Les grossistes y disposent d'importantes quantités de liquidités provenant de ventes non déclarées, pour éviter d'avoir à régler la TVA.

Le cash était enfin remis discrètement dans un sac par les services de Chérif H. au patron de société à l'origine du premier virement, moyennant une commission de 15-20% de la plateforme de blanchiment.

Cet argent échappant au regard du fisc permet aux bénéficiaires de régler des dépenses personnelles avec l'argent de leur entreprise, ou de payer des salariés sans avoir à s'acquitter de cotisations sociales ou d'impôts.

Oeuvres d'art

Les perquisitions ont par exemple amené à la découverte de nombreuses oeuvres d'art, pièces de cristal Baccarat ou tenues de haute couture chez le patron d'une entreprise de recyclage de déchets, qui a transféré près de six millions d'euros aux sociétés blanchisseuses.

Un entrepreneur dans le BTP a reconnu avoir utilisé le liquide pour payer au noir des agents de sécurité et des ouvriers sur ses chantiers. Le responsable d'une entreprise d'entretien s'en est servi pour régler des ménages non déclarés.

"Cette année, c'est soit la taule, soit le pactole", confie Chérif H. à l'un de ses interlocuteurs au téléphone en 2023, au moment où il crée de nouvelles sociétés écrans. Lui qui vivait entre la France et Dubaï est aujourd'hui en détention provisoire.

En parallèle, l'instruction a visé un second système de blanchiment d'argent qui serait animé par Keqiang Z., 37 ans, un membre de la communauté chinoise basé au Cifa d'Aubervilliers et l'un des principaux interlocuteurs de l'organisation de Chérif H.

À la tête d'une nébuleuse de sociétés attribuées à des gérants de paille, cet intermédiaire est accusé d'avoir en plus blanchi 29,5 millions d'euros entre des sociétés italiennes et chinoises dans le cadre d'un circuit de fraude à la TVA.

Contactés par l'AFP, les avocats des principaux prévenus n'ont pas souhaité s'exprimer. Le procès est prévu jusqu'au 27 septembre.

Dans un autre procès de blanchiment d'argent lié aux grossistes d'Aubervilliers, 19 personnes ont été condamnées au printemps dernier à Paris pour association de malfaiteurs pour des faits remontant au milieu des années 2010.(AFP)

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