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Fashion Reboot de l'IFM : recyclage et seconde main, dernier recours pour la mode ?

By Florence Julienne

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Business|COMPTE RENDU
Courtesy of Florence Julienne

Paris - Conjoncture politique et économique, données chiffrées sur l’évolution du marché de la mode, potentiel du recyclage et de la seconde main… Jeudi 1er décembre 2022, l’écosystème de la mode était convié au séminaire annuel de l’Institut Français de la Mode (IFM) pour « repenser la mode ». Repenser, réinventer ou, littéralement « redémarrer » un système qui ne fonctionne (définitivement ?) plus comme avant.

« Covid, guerre en Ukraine, crise énergétique… Aujourd’hui, peut-on encore, faire du business as usual ? » interroge Lucas Delattre, ancien journaliste dorénavant professeur à l’IFM, fringant animateur de ce séminaire. « Non, lui répond le premier invité Alain Frachon, journaliste au Monde. C’est la fin de l’âge d’or de la mondialisation, la prise de conscience de notre dépendance vis-à-vis de certains produits et, par extension, la montée du protectionnisme». De quoi faire évoluer la donne du business mode jusqu’alors basé sur la délocalisation et les importations ? Sans doute.

« Le tout, partout, tout le temps, tout de suite a probablement vécu, et nous devons nous préparer à deux ans de récession » explique le deuxième intervenant, Denis Ferrand, directeur général de Rexecode*, qui s’est livré à une explication implacable sur la préoccupation actuelle : l’inflation. «Pendant le confinement, le monde entier a arrêté de produire mais les revenus ont été maintenus. Résultat : post-Covid, les gens ont voulu dépenser, les entreprises investir sauf qu’il n’y avait peu, voire plus, de produits sur le marché. La tension sur l’offre a créé un dérapage des prix, qui s’est transformé en choc avec la crise énergétique ». C.Q.F.D. Denis Ferrand a néanmoins pondéré sa démonstration avec le fait qu’aujourd’hui la demande stagnant, l’offre augmentant, les prix vont nécessairement repartir à la baisse. Selon lui, l’inflation ne devrait donc pas s’installer au-delà de 2023.

Courtesy of Florence Julienne

Quels enseignements les professionnels de la mode peuvent-ils tirer de la conjoncture géopolitique et économique ?

Le marché de l’habillement a ralenti en 2022 : 26 milliards d’euros contre 27,8 milliards d’euros en 2019 (seule année de comparaison fiable). Avant de proposer des pistes de réflexion pour l’avenir, Gildas Minvielle, directeur de l’observatoire économique de l’IFM, a indiqué le résultat d’études chiffrées, à même d’orienter les acteurs de la mode. Parmi les faits positifs indiqués par ce professionnel, citons : la dynamique retrouvée des grands magasins (+35 pour cent), ce qui est compréhensible vu que la clientèle internationale est revenue ; l’augmentation de la demande masculine (qui occupe 30 pour cent des parts de marché contre 50 pour cent pour la femme) ; et un panier moyen à la hausse constaté par 53 pour cent des commerçants.

Un enthousiasme qu’il convient de pondérer avec d’autres données : la fréquentation des magasins et le taux de transformation sont en recul (respectivement 47 pour cent et 50 pour cent des commerçants) : les multimarques indépendants, les grands magasins et les hypermarchés accusent de fortes baisses (19,4 pour cent, 11,1 pour cent, 17,8 pour cent) même si les ventes des pure players et celles des grands distributeurs progressent (+1,7 pour cent pour les deux).

Courtesy of Florence Julienne

Oublier les années de croissance, faire preuve de résilience, se réinventer, être solidaires

Parmi les nouvelles perspectives, Gildas Minvielle signale la montée en puissance de la seconde main (38 pour cent des distributeurs l’ont mise en place), des vêtements upcyclés (36 pour cent) de la location (9 pour cent) : « En 2022, 44 pour cent des consommateurs ont acheté un produit écoresponsable, 42 pour cent sont angoissés par la possible toxicité des produits et 38 pour cent ont des préoccupations environnementales ». La piste du proche import serait-elle la voie à suivre ? Non, car même si Gildas Minvielle note une baisse des importations chinoises, en volumes, elles occupent la place numéro deux (19 pour cent), juste derrière le Bangladesh (28 pour cent) et devant la Turquie (13 pour cent). De quoi donner le tournis… En réalité, l’explication est simple : les Français sont emplis de bonnes intentions mais, au moment de payer, ils ne sont plus du tout dans la même disposition d’esprit. Ne dit-on pas « le Français a le cœur à gauche et le portefeuille à droite » ?

Selon Franck Lehuédé, directeur d’études et de recherche au Credoc**, le pouvoir d’achat reste LA préoccupation principale des Français. La situation financière s’est dégradée, surtout parmi les populations les plus modestes (-1 500 euros par mois), les familles monoparentales, mais aussi, et c’est ce qui inquiète ce spécialiste, parmi les familles, les artisans, les commerçants et les chefs d’entreprise. Les Français se posent des questions sur la politique des revenus et les réseaux sociaux, inondés de posts sur la cherté de la vie, en sont témoins.

Aussi le fameux « consommer moins » ne signifie-t-il pas forcément « consommer mieux », mais aussi « consommer encore moins cher ». La preuve ? Le Made in France dans la mode représente 3 pour cent des achats tandis que le hard discount gagne en parts de marché. Tout cela équivaut à une remise en question de notre société de consommation et un constat : les Français se sont accaparés les produits de seconde main, 38 pour cent d’entre eux pour être précis. Une réalité que l’écosystème de la mode va bien devoir prendre en compte.

Courtesy of Florence Julienne

De l’ère de la possession à celle de l’usage via l’upcycling et la seconde main

Pour remédier au fait que l’upcycling ne bénéficie pas d’une image glamour, propre au rêve, l’IFM a convié Leopolda Contaux-Bellina, fondatrice de Sed Nove Studio. Sa poétique présentation visait à faire la preuve de la valeur immatérielle de l’upcycling : « Le vêtement upcyclé est témoin d’une histoire, il s’appuie sur la somme des valeurs avant lui (celle d’origine avec la matière première, le savoir-faire, le prestige d’une marque…) ». Et de citer des phénomènes de mode comme le bootleg (réappropriation de ce que font les marques pour créer un produit nouveau), la logomania ou encore le côté événementiel, et donc rare, d’une capsule upcyclée.

À ce sujet, Jean-Marc Bellaiche, président du Groupe Printemps, a bien sûr fait écho de son espace Second Life, boulevard Haussmann. « On m’appelle Monsieur Wow car, selon moi, il faut retrouver l’effet wow de l’expérience achat en magasin » indique-t-il. Pour la réenchanter, il compte sur la montée en compétences de la seconde main, mais aussi sur la restauration, l’humanisation du service client et un canal de live shopping orchestré par ses personnal shoppers.

Le séminaire 2022 a bien évidemment abordé la question du digital (le bon usage de Tik Tok, le web 3.0) ainsi que d’autres sujets comme le rapport au beau ou les effets de la politique zéro Covid en Chine. Néanmoins, la conclusion est revenue à Fanny Moizant, fondatrice et présidente de Vestiaire Collective, comme une invitation à considérer que la circularité est, pour l’instant, le chemin que doit emprunter la mode pour se réinventer.

Avec 24 millions de membres dans 80 pays, 1,7 milliard de dollars de chiffres d’affaires, cinq millions d’articles en catalogue et un marché qui a triplé ces deux dernières années. Vestiaire Collective, onzième licorne française, s’impose comme une voie d’avenir. « Vestiaire Collective a sorti l’occasion de son côté poussiéreux et y inscrivant les codes du luxe (photos sur fond blanc) et en faisant beaucoup de curations pour créer un univers inspirant, explique Fanny Moizant. Je rêve que la second hand puisse compenser la vente ». Pour cela, la dirigeante a lancé plusieurs chantiers : proposer des solutions aux marques pour accélérer leur propre économie circulaire ; ne plus revendre des articles de fast fashion ; se déployer sur la blockchain qui permettra la traçabilité des vêtements via la digital ID ; faire du lobbying auprès du Ministère de la transition écologique…

L’activisme ouvre-t-il la voie d’une logique politisation de la mode ? Réponse dans un prochain article en lien avec une étude, présentée ce jeudi 1er décembre, en avant-première, par Caroline Ardelet et Benjamin Simmenauer, professeurs à l’IFM.

Rexecode : centre de recherches pour l'expansion de l'économie et le développement des entreprises. Credoc : centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie. Sed Nove Studio valorise les stocks dormants de cuirs à travers des workshops expérientiels.

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