« Il faut proposer des choses immersives et intéractives pour faire des lieux d’expérience », Nicolas Hauvette (Malherbe Paris)
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Dans le retail, les concept stores doivent s’adapter rapidement aux nouvelles tendances de consommation en redoublant d’originalité. La globalisation n’ayant pas tout conquis, il reste encore à séduire des clientèles différentes où les pratiques d’achats varient d’une culture à une autre. À l’heure de monter un magasin, les détaillants doivent désormais se poser les bonnes questions pour que leur unité devienne la plus rentable possible.
Malherbe Paris, agence leader dans la création de design pour le retail a été fondée il y a 24 ans par Hubert de Malherbe. Elle opère aujourd’hui depuis ses bureaux situés à Paris, Shanghaï et Hong Kong et imagine des espaces aux concepts innovants, de la grande distribution à l’univers du luxe. Gémo, Cache-Cache, Caudalie, L’Occitane en Provence, Sephora ou encore IKKS Women font partie de ses références dans une activité exportée à 50 pour cent en Asie.
Afin de mieux connaître la tendance sur cette mutation du secteur retail et de comprendre les nouveaux besoins des clients de Malherbe Paris, Nicolas Hauvette, Directeur de la Création de l’agence, répond à nos questions.
FashionUnited : Quels sont vos projets pour la France cette année ?
Nicolas Hauvette : Nous continuons à travailler avec Gémo sur des formats différents et plusieurs sujets sont en cours.
Quelle part représente l’Asie dans votre activité globale ?
Elle représente 60 pour cent des activités de l’agence, avec une tendance à l’équilibre avec la France.
Qu’est-ce qui distingue l’Europe de l’Asie en terme de décoration et d’agencement de magasins ?
Ce qui distingue vraiment c’est qu’il y a énormément de modérnité en Asie avec un niveau de créativité et d’excellence très important du fait que de nombreuses entreprises ouvrent leurs nouveaux concepts en Asie. Cela s’applique aussi bien pour la mode que pour la restauration. La différence fondamentale réside dans la modernité, notamment avec l’apparission d’événements autour du digital qui sont aujourd’hui attendus dans les points de vente. L’Asie est un marché au rythme plus rapide, d’où le besoin de lieux où l’on va vivre une expérience qui va au delà de la transaction. C’est également le cas en France mais beaucoup plus accéléré en Asie.
Ensuite, il y a un vrai engouement pour l’élégance et le style français, qui explique le succès de notre agence en Asie. Malherbe Paris offre un regard très pointu sur les images, les tendances et c’est ça que les clients asiatiques viennent chercher.
Cela dépend du type de lieux souhaité par la clientèle asiatique. Là-bas, il y a beaucoup moins de réticences avec le côté Premium voir même un peu bling-bling, contrairement en France où cela fait peur. Les codes sont différents. Monter en gamme en France fait plus facilement peur qu’en Asie c’est même plutôt l’inverse, ils sont plus ouvert sur ce qui peut être osé.
Pourquoi l’omnicanalité est-elle devenue une priorité pour vos clients ?
C’est lié au fait que les points de vente vont changer avec des transactions qui vont être de plus en plus fortes sur le web, les lieux doivent s’adapter pour devenir autre chose qu’un lieu vide de transaction. Il faut qu’il se passe quelque chose différent, d’où l’importance de s’adapter pour ces commerces sur tous les canaux de distribution et surtout d’adapter les lieux existants pour faire des lieux d’expériences où l’on vit autre chose.
Il y a aussi une tendance très forte, notamment en Asie : les « mixed-uses ». On ne vient pas seulement sur un lieu pour un seul but. C’est aussi l’occasion de rencontrer du monde, boire un café, ou comme les bookstores avec des enseignes fashion, comme Icicle à Shanghaï, qui a aujourd’hui dans ses points de vente une galerie d’art ou un bookstore. On utilise ce trafic-là pour générer l’image et pour vendre évidemment. Ici, on est beaucoup plus dans dans des combinaisons de savoir-faire.
D’ailleurs l’achat du produits peut s’effectuer ailleurs. C’est intéressant de voir des concepts, comme Samsung, qui avait monté une unité à New-York qui ne vendait pas de téléphones ! Cet espace était uniquement fait pour découvrir le produit et l’univers, ou encore participer à un concert et l’achat, lui, se faisait sur internet. Cette typologie là de lieux où l’on va vivre autre chose existera de plus en plus, au profit du conseil, du coaching, de la relation avec des vendeurs qualifiés répondant aux exigences de chaque client de façon personnalisée.
Quelles sont les bonnes questions à se poser pour qu’un magasin soit le plus rentable possible ?
Malherbe Paris vient du mass-market et de l’alimentaire donc il y a évidemment des questions pratiques qui sont de l’ordre de l’ergonomie, de la densité et de la fonctionnalité du lieu avec les bons produits situés aux bons endroits.
Mais l’intérêt est celui de faire entrer les gens dans le magasin. Il faut pour cela un concept innovant, un lieu qui parle, dans lequel on se sent bien. Par exemple le nouveau concept Gémo reprend completement cette approche. L’agence a créé un lieu qui ne ressemble pas à un point de vente. Nous faisons intervenir des artistes locaux du street-art pour que les gens s’interrogent, soient curieux et que l’endroit, une fois de plus, soit différent. En somme, un lieu qui correponde aux consommateurs locaux.
Selon vous, en quoi le commerce de détail serait-il menacé par la hausse de la consommation sur le net ?
Chez Malherbe Paris, nous disons à nos clients qu’il ne faut pas se bagarrer avec le net qui est un formidable moyen d’accéder au produit. Car le web est un facilitateur, c’est un outil en plus, on a maintenant le posibilité de faciliter la transaction.
Ici, la vraie question à se poser c’est : Comment demain va-t’on pouvoir proposer aux clients de nouveaux produits ? Je pense que le plus important c’est de savoir comment on va engendrer la transition des lieux physiques et comment on va adapter les formats.
Par exemple le Drive Piéton E.Leclerc est en train de créer un nouveau format beaucoup plus petit et plus efficace qui va lui permettre de recevoir en centre-ville des produits de supermarché. Ça c’est une vraie mutation ! Car il peut y avoir desormais un bookstore, une galerie, un drive, un restaurant donc il faut plus de place et donc cela implique une belle opportunité pour faire quelque chose d’innovant.
En Europe, le consommateur est il demandeur d’expériences ludiques ?
Oui, très. Aujourd’hui l’agence a ouvert un centre commercial qui s’appelle B’est -en Lorraine et Moselle- qui n’est pas uniquement dédié au retail. Il comporte des zones de sports, éducatives, des aires de jeux qui comblent des besoins.
Chez Malherbe Paris nous réalisons des choses formidables avec le digital notamment. Le musée L’Atelier des Lumières, à Paris, est un espace ou l’on est directement immergés dans la peinture ! Donc l’idée c’est de faire des choses immersives et intéractives et cela représente l’un des terrains de jeux, une expérience beaucoup plus ludique.
« L’émotion reste le moteur de l’achat ». Qu’en pensez-vous ?
L’idée c’est de se dire : Qu’est-ce que je propose comme moment, comme atmosphère, ou comment je fais découvir mes produits à ma clientèle ? Sachant qu’aujourd’hui, toute transaction est faite via l’émotion, en plus des achats prévus sur nos listes de courses.
Quels sont les enseignements à retenir?
Il faut vraiment changer les modes de fonctionnements. Pendant des années nous avons utilisé la même recette, qui ne fonctionne plus. D’autant que le métier de la mode est ultra codé et il faut se rénover sans cesse.
C’est comme ça que l’idée de faire venir des grapheurs à Gémo nous est venue. Nous avons été capables de changer les méthodologie, de proposer des choses beaucoup plus concrètes, de travailler avec des artistes et casser les codes...
Photos : Portrait de Nicolas Hauvette et créations de Malherbe Paris.