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Improbable: la revanche mode du "merch"

By Herve Dewintre

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La file d’attente s’allonge jusqu’au Fouquet’s. Soit plusieurs centaines de mètres jusqu’au point d’arrivée - le concept store du PSG - qui depuis le petit matin est submergé par un cortége de fans en extase, prêts à tous les sacrifices pour obtenir le saint Graal : un maillot (jaune de préférence) de l’équipe de foot parisienne, impérativement acheté avec le floquage « Neymar Jr» et agrémenté du numéro du célèbre attaquant brésilien.

Ce maillot sera surement l’objet le plus commenté de l’été, succédant ainsi au Burkini de l’été 2016. Les débats autour du maillot se sont largement articulés autour de son prix, jugé excessif par beaucoup. Le club sportif pourtant, se réjouit de cette opération qui légitime pour une large part, d’un point de vue comptable et financier tout du moins, la somme spectaculaire (220 millions au bas mot) lié au transfert vers Paris du jeune prodige brésilien.

Ces dernières années, Le PSG, tout comme l’OM et l’OL, ont réussi à structurer avec efficacité, chacun à leur manière, leur offre merchandising : Lyon gère l’intégralité du processus tandis que Marseille passe par des licences. Le club parisien connait quant à lui une croissance exponentielle de ses revenus de merchandising via les licences : en 2011, avant le rachat du club par le fonds d’investissements qatari QSI, le PSG générait 11,5 Millions d’euros en provenance de cette source de profits, cette somme était de 42 millions lors de l’exercice 2015-2016. La direction parisienne ne compte pas s’arrêter là : elle ambitionne d’atteindre la barre des 90 Millions d’euros d’ici 2020 afin de rivaliser avec les meilleurs clubs européens qui restent à des années lumières dans ce domaine au niveau des ventes.

Sans surprise, les maillots des joueurs représentent le gros des ventes devant les sacs, mugs, tapis de souris, casques audio, briquets, pantoufles, boules de pétanques, peignoirs, caleçons, costumes, spécialités locales, et autre gamme « bébé ». On est cependant loin de l’époque où il s’agissait seulement de mettre de la couleur dans les stades. Les responsables marketing pensent davantage en terme de marque et de cible ; ils réfléchissent activement aux moyens de toucher un plus large public, un public qui ne serait plus seulement constitué par les seuls habitués des tribunes. Pour l’instant, le déclic n’a pas eu lieu et le merchandising des clubs sportifs ne s’est toujours pas répandu au-delà de sa sphère d’origine. Il pourrait le devenir cependant car une autre industrie - l’industrie musicale – réussit depuis quelques saisons une percée, on pourrait même dire une « remontada » chez les amateurs de mode.

Les artisans du triomphe du merch: Bravado et The Thread Shop

Il fut un temps où pour tout modeux qui se respecte, le sweat à l’effigie d’une star de la musique, quelle qu’elle soit, représentait le comble de l’abomination. On considérait ces articles textiles pour ce qu’ils étaient : des souvenirs de concerts à destination des fanatiques, des vêtements anecdotiques à ranger définitivement dans le placard une fois l’orgie musicale terminée. On parlait, en France tout du moins du « beauf au t-shirt Johnny » avec mépris. Ce rideau de fer est tombé : désormais la planète mode porte au panthéon de la hype le merchandising. On parle désormais de « merch", non plus avec honte, comme on le fait pour un business dégradant, mais avec fierté.

Certes, le « merch » reste pour une large part, un commerce à destination des fans : il faut noter à ce sujet que les méthodes de vente, réseaux sociaux oblige, ont changé : les jeunes stars de la nouvelle scène musicale ne négligent plus de dévoiler, à longueur de snaps, les piles de vêtements à leur effigie qu’ils parfument parfois (la vidéo snap est là pour en témoigner) de leur propre cologne afin d’activer auprès de leur public transi, de nouvelles impulsions d’achats. Mais la grande nouveauté vient surtout du fait que le « merch » attire désormais, non plus simplement cette cible historique mais un plus large public sensible aux tendances du moment. Les stylistes des influenceurs ont pris une large part dans ce phénomène. Les principaux artisans de ce succès sont cependant moins connus du monde de la mode : il s’agit de Mat Vlasic qui officie chez Bravado, une société de merchandising appartenant à Universal Music et de Frances Wong qui dirige The Thread Shop, la branche dédiée au merchandising de Sony Music Entertainment.

Fondée en 1997, Bravado est présent dans 40 villes du globe, collabore avec des enseignes telles que Selfridges, Barneys New York, Uniqlo, Zara, Asos ou encore H&M mais aussi des points de vente plus sélectifs tels que Nomad à Toronto, Alchemist à Miami et VFiles à New York. 313 millions d’euros de chiffre d’affaires l’an passé, soit une augmentation d'environ 13 pour cent par rapport à l’exercice précédent, grace notamment à une furie d’achats pour les vêtements liés aux univers de Kanye West, Justin Bieber, Desiigner, Selena Gomez, Lady Gaga ou encore the Weeknd. Un catalogue de 200 artistes morts ou vivants dont Rolling Stones, Prince, Guns N 'Roses, The Beatles, Michael Jackson, Bob Marley, Eminem, Celine Dion, Oasis. The Thread Shop est plus récent puisque la société a démarré en 2009, mais son modeste business de t-shirt est devenu au fil des ans un redoutable pourvoyeur de collections capsules exclusives et haut de gamme qui mettent en avant l’image de Nas, Common, A Tribe Called Quest, ASAP Rocky, DJ Khaled et Fifth Harmony. Les détaillants avec lesquels travaillent The Tread Shop sont souvent les mêmes que pour Bravado, y compris Urban Outfitters, Pacsun et Kohl's. Et comme Bravado, la société opére à l’échelle mondiale.

Le flair de Mat Vlasic et de Frances Wong est pour beaucoup dans cette mutation du t-shirt souvenir en produit lifestyle. La recette de cette transformation passe par le style. C’est le premier point. Chez Bravado, une armée de designers travaille main dans la main avec les artistes, rentrent en profondeur dans l’univers des chanteurs. Les deux sociétés n’hésitent pas si besoin à faire appel à des designers extérieurs comme ce fut par exemple le cas avec Jerry Lorenzo, designer de Fear of God, mobilisé par Bravado pour collaborer avec Justin Bieber. Le résultat est saisissant : le merch des stars ressemble désormais aux look book des marques de mode créatives. A tel point que des artistes, qui ne sont pas en contrat avec Universal ou Sony font appel aux savoir-faire des deux sociétés.

« Il faut une expérience liée au merch, sinon il ne parle plus aux gens »

Kanye West est pour beaucoup dans cette transmutation, reconnait-on volontiers chez Bravado. Le merch de Yeezus a changé la donne. Les pop-up store, conçus en collaboration avec les équipes du rappeur et certains créatifs en charge de la conception des boutiques Supreme, furent dévalisés lors de la sortie de l’album en 2013. Pop-up store : voici le mot magique. Cette tactique, reprise ensuite pour Drake, Future, Cash Money (en partenariat avec VFiles) et Justin Bieber ont connu depuis le même engouement.

C’est le deuxième point, le deuxième ingrédient clé dans la recette d'un « merch » réussi. L’innovation dans ce domaine passe par un large réseau de distribution doublé d’une démultiplication des produits limités liés à une provenance spécifique. Un véritable travail de terrain auprès des meilleurs revendeurs du monde. En générale, la société passe d’abord par les revendeurs pointus, qui créent la demande, puis enclenche avec un grand détaillant. Ainsi, la marchandise liée à l’album « Starboy » de The Weeknd n’était disponible, durant 3 jours, que dans huit villes des Etats-Unis, chez Patron of the New à New York, chez FourTwoFour sur Fairfax à Los Angeles, et également en ligne pour une période limitée. Puis Bravado s’est tourné vers PacSun pour la suite des opérations. Quasiment au même moment, 200 magasins Urban Outfitters étaient inondés de « merch » dédié à Lady Gaga et son nouvel album Joanne tandis que Asos et H&M se relayaient pour écouler la collection capsule liée à Justin Bieber et sa tournée The Purpose tour. « Il faut une expérience liée au Merch, sinon il ne parle plus aux gens » insiste-t-on chez Bravado. Ce qui signifie de disposer des produits différents dans chaque point de vente. « Celui qui va à New York veut une piéce spécifique du point de vente new-yorkais, celui qui va à L.A veut une pièce de L.A. Et plus tard, il pourra éventuellement se tourner vers les grands distributeurs pour la collection étendue ».

Crédit photo : Le merch de Justin Bieber sur https://purposetourmerch.com , dr

Bravado