Inflation ou pas, les groupes de luxe affichent une forme olympique
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Paris - Les grands groupes de luxe poursuivent leur ascension, comblant le ralentissement des ventes en Chine par des hausses en Europe et aux États-Unis, dans un secteur où ils ont pu monter les prix sans perdre leur clientèle, imperméables à la situation économique mondiale incertaine.
LVMH, Kering, Hermès, L'Oréal, Prada, Moncler : les groupes de luxe ont annoncé cette semaine des résultats semestriels exceptionnels, avec des ventes mondiales qui grimpent de 20 à 30 pour cent et des bénéfices dans la même lignée. "La demande est là", explique à l'AFP Arnaud Cadart, gérant de portefeuille chez Flornoy.
Contrairement à la grande distribution, la clientèle du luxe est composée de personnes aisées, "les CSP+", des catégories "plus aisées qui sont moins sensibles à l'inflation, au risque de récession et aux craintes liées au ralentissement du marché du travail", selon lui.
Géographiquement, "tous les marchés sont en hausse, sauf la Chine qui est un peu en baisse", selon l'analyste. Ce que confirment les groupes : le luxe voit ses ventes augmenter aux États-Unis, au Japon et en Europe, compensant un rythme plus mou en Chine dû aux confinements pour lutter contre le Covid-19 au deuxième trimestre. Les ventes de Prada ont bondi de 89 pour cent en Europe et de 42 pour cent pour Moncler grâce au retour des touristes, notamment des Américains qui bénéficient d'un dollar fort par rapport à l'euro.
"En Europe, on a aujourd'hui un quadruplement des ventes aux Américains par rapport à l'année dernière et on est au-dessus de 2019", a confirmé Jean-Marc Duplaix, directeur financier de Kering (Gucci, Yves Saint Laurent, Balenciaga...) lors d'une conférence téléphonique avec des journalistes. La hausse du cours du dollar par rapport à l'euro est une aubaine pour l'industrie du luxe, qui produit majoritairement en Europe (en euros), en particulier en France et en Italie, mais qui vend partout dans le monde (en dollars).
Des "petits ajustements" sur les prix
"Nous estimons qu'en moyenne la zone euro représente (seulement) environ 15 pour cent du chiffre d'affaires total des entreprises européennes du luxe", estime une note HSBC mi-juillet. Le secteur bénéficie ainsi "d'un fort soutien des changes grâce à la dépréciation de l'euro".
Le numéro un mondial du luxe LVMH a vu son chiffre d'affaires décoller de 28 pour cent au premier semestre par rapport à la même période de 2021, franchissant ainsi les 36,7 milliards d'euros sur la période de janvier à juin. Un quart de cette progression est due à l'effet de change, selon le groupe. Face à la hausse du coût des matières premières et du transport, le secteur peut aussi se permettre de relever ses prix.
"Pour l'instant, les clients sont insensibles à cette hausse. Les ventes en France ont augmenté de 41 pour cent, un record", souligne Pierre Michaud, gérant chez Monocle, en évoquant la situation de la clientèle du groupe Hermès. Chez LVMH, propriétaire entre autres de Louis Vuitton, Dior, Tiffany, "la plupart des marques ont augmenté leurs prix (...) de 3 pour cent à 7 pour cent", a expliqué le directeur financier Jean-Jacques Guiony, "principalement au premier trimestre". "Quand il y a récession, nous ajustons, et nous nous adaptons", explique-t-il.
Dans la même veine, un "petit ajustement, entre 3 et 5 pour cent" a été opéré chez Hermès "sur la bijouterie et l'horlogerie" pour tenir compte de "l'augmentation très forte du cours de l'or et de certains métaux", a expliqué le gérant Axel Dumas lors d'une conférence téléphonique avec des journalistes. Pierre Michaud, chez Monocle, remarque auprès de l'AFP que chez le sellier-maroquinier, "la hausse des prix dépasse largement la hausse des coûts".
Malgré un avenir économique mondial incertain, les grands groupes de luxe se disent confiants. Kering a même annoncé en juin vouloir doubler ses ventes Yves Saint Laurent à moyen terme pour atteindre les 5 milliards d'euros annuels et multiplier par 1,5 celles de sa marque-phare Gucci pour atteindre les 15 milliards d'euros.
Dans le même temps, Ferrari indiquait viser un chiffre d'affaires jusqu'à 6,7 milliards d'euros en 2026, ce qui constituerait un bond d'environ 40 pour cent par rapport aux recettes de quelque 4,8 milliards d'euros attendues cette année. (AFP)