• Home
  • Actualite
  • Business
  • Kingpins : Quel a été l'impact des tremblements de terre sur l'activité des fabricants turcs ?

Kingpins : Quel a été l'impact des tremblements de terre sur l'activité des fabricants turcs ?

By Aéris Fontaine

loading...

Scroll down to read more
Business
Kingpins | Crédit photo : Aygin Kolaei pour FashionUnited

À l’occasion du salon du denim Kingpins, à Amsterdam, FashionUnited est allé à la rencontre des fabricants turcs impactés par les tremblements de terre survenus le 6 février 2023.

La Turquie s’inscrit parmi les plus grands producteurs de textile au monde. Si les tremblements de terre, qui ont secoué en février dernier le sud-est du pays et une partie de la Syrie, ont bouleversé la vie de milliers d’habitants, ils ont également ébranlé de nombreuses entreprises locales. Pour comprendre l’impact de la catastrophe sur les producteurs textiles du pays, FashionUnited a interrogé trois d’entre eux lors du salon Kingpins organisé aux Pays-Bas les 12 et 13 avril.

« Situées dans la zone touchée par les tremblements de terre, nos usines ont soudainement arrêté de fonctionner », confie Eren Pakyardim, assistant commercial chez Cotton Fabric. Depuis une vingtaine d’années, l’entreprise turque produit des tissus, dont du denim, du satin mais aussi du tissu jacquard. Elle a été très affectée par les séismes qui ont touché ses usines de fabrication mais aussi ses employés, certains d'entre eux étant tragiquement décédés.

Stand Cotton Fabric, Kingpins | Crédit photo : FashionUnited

La société Iskur Denim, spécialisée dans les textiles, soulève la difficulté de trouver des employés prêts à travailler. Levent Bozgeyik, son manager commercial, déclare : « Le plus gros problème causé par les tremblements de terre, ce sont les gens. Après les séismes, il a été très difficile de recruter des personnes disponibles pour travailler au sein de l’entreprise. Les machines n’ont subi aucun dommage, les usines non plus (situées à Istanbul, elles n’ont pas été touchées par les séismes, ndlr) mais très peu de personnes peuvent travailler : c’est aujourd’hui notre plus gros problème. »

« Comment voulez-vous qu’ils pensent à travailler, quand ils n’ont pas d’endroits où vivre, où dormir ? Ils ont d’autres choses en tête. Nous n’avons pas besoin de réparer nos machines, nous avons besoin de ramener plus de gens. »

La réaction des marques de mode lors des tremblements de terre

Si les tremblements de terre n’ont pas eu les mêmes conséquences pour les entreprises, elles ont entraîné, chez chacune d’entre elles, un retard de leur temps de production. Iskur Denim a désormais besoin d’un mois pour produire ses tissus, contre deux semaines seulement auparavant.

La société travaille pour des marques de luxe ou haut de gamme et notamment Massimo Dutti. Ses clients se sont montrés particulièrement compréhensifs et patients, comme l’explique Levent Bozgeyik : « Ils croient en nous. Au fil des années, nous avons construit une relation solide avec eux. C’est pourquoi, les tremblements de terre n’ont pas affecté nos contrats. »

Cotton Fabric n’a pas reçu le même soutien de la part de ses clients. Eren Pakyardim explique : « Pour être honnête, hormis [un seul groupe d’habillement], les autres entreprises n’ont pas été très compréhensives face à notre situation et ont préféré se tourner vers d’autres producteurs. Nous avons une bonne relation avec [ce groupe], ils nous ont aidés en faisant preuve de patience car nous ne pouvions pas travailler aussi rapidement que nous en avions l’habitude. »

Kilim Denim explique que les marques se sont montrées plus hésitantes à travailler avec elle. Fondée en 1953, l’entreprise commence à produire du denim en 1986 et cela devient rapidement l’une de ses spécialités. Elle travaille avec de nombreuses marques à travers le monde telles que G-Star, Diesel et Replay mais aussi Bonobo, Zadig & Voltaire et Sézane.

Işil Sena Candan, responsable des ventes chez Kilim Denim confie : « Après les tremblements de terre, les marques et les entreprises de confection ont tenté de rentrer en contact avec nous. Elles nous ont dit que nous devions baisser nos prix, en nous disant que nos concurrents étaient moins chers que nous. Parfois, les marques essayent de négocier nos tarifs. »

Les fabricants turcs touchés par la crise économique

Toutefois, les usines de Kilim Denim sont proches de la Bulgarie, elle n’a donc pas été directement touchée par les tremblements de terre. L’entreprise indique que la crise économique a plus impacté ses activités que les séismes.

D’autre part, la hausse du prix des matières premières et des loyers commerciaux menace les entreprises turques. Işil Sena Candan explique : « Nous essayons de faire des économies. Nous faisons appel à un autre fournisseur pour les transports et les matières chimiques. À cause de la montée des prix, nous sommes obligés de trouver des solutions et réaménager notre système afin de ne pas augmenter nos tarifs. » Kilim Denim propose des prix dits « premium » qui varient entre quatre et cinq euros pour le mètre de tissu.

Cotton Fabric connaît une croissance depuis les tremblements de terre. L’entreprise est toutefois concurrencée par des producteurs étrangers, majoritairement originaires du Bangladesh et du Pakistan, qui proposent des prix bien plus bas que les siens. Eren Pakyardim souligne alors l’importance pour l'entreprise de doubler sa capacité de production et réduire ses délais de fabrication dans les années à venir.

Les sociétés Iskur Denim et Kilim Denim parlent, quant à elles, d'état stable. Işil Sena Candan affirme : « Il n'y a pas eu de hausse ni de perte de bénéfices. Chaque mois, nous essayons d’atteindre nos objectifs, de maintenir nos liens avec nos clients et de ne pas perdre nos contrats. C’est une période difficile pour tout le monde, nous ne cherchons pas à croître mais à conserver notre place ». Levent Bozgeyik est plus radical : « De nos jours, le marché du denim est plus marginal. Personne ne gagne beaucoup d'argent. »

Denim
Kingpins
Turquie