L'abaissement du seuil de TVA menace les vendeurs de la mode de seconde main
5 févr. 2025
À compter de mars 2025, le régime de la franchise en base de TVA (qui exonère les entreprises de la déclaration et du paiement de la TVA sur leurs prestations ou ventes) verra ses seuils réduits. Un changement qui met à mal les petites structures de la mode en France et notamment, les vendeurs d'habillements et d'accessoires de seconde main. Explication.
Qu'est ce que la franchise en base de TVA ?
La franchise en base de TVA est un régime qui exonère les entreprises de la déclaration et du paiement de la TVA sur les prestations ou ventes qu'elles réalisent (définition du site web Entreprendre.Service-public). De nombreux micro-entrepreneurs en bénéficient, notamment dans le secteur de la mode, parmi lesquels les vendeurs de vêtements et d'accessoires de seconde main, dont les effectifs ont augmenté à mesure que le marché s'est fortement développé. Il est aujourd'hui difficile de connaître leur nombre exact, mais l'on sait qu'en 2024, la création d’entreprises sous le régime du micro-entrepreneur a augmenté de 7 % (Insee) et que la hausse des créations d'entreprises de commerce en 2024 (+6 %) est passée, en majorité (60 %), par le statut de micro-entrepreneurs.
Au 1er mars 2025, les vendeurs de seconde main qui, jusque-là, affichaient un chiffre d'affaires (CA) inférieur ou égale à 85 000 euros (pour l'année précédente) et bénéficiaient ainsi de l'exonération de la TVA, devront finalement la payer si leur CA annuel dépasse 25 000 euros. Ce nouveau seuil a été établi par le projet de loi de finances pour lequel François Bayrou a eu recours au 49.3.
« Mettre la clef sous la porte »
Sur les réseaux, des professionnels de la mode ont déjà exprimé leur colère. La friperie en ligne vintage Faut Le Voir Porté explique ainsi sur son compte Instagram : « En quelques mots, le gouvernement fait passer un amendement qui vient menacer le statut de mico-entrepreneur en baissant le seuil de TVA à un seuil unique ». Ce détaillant en ligne précise que « des centaines de milliers de petites entreprises ne pourront plus se dégager de revenu décent suite à cette mesure et qu'elles devront « mettre la clef sous la porte en quelques mois ».
Dans l'ensemble, plus de 250 000 micro-entreprises seraient concernées en France. La Fédération Nationale des Auto-Entrepreneurs (FNAE) a lancé une pétition visant à protéger le régime auto-entrepreneur et rassemblait au 3 février 55 000 signataires. L'organisation indique sur son site web que la baisse du seuil de la franchise de TVA « serait en réalité une complexification majeure pour tous ceux qui vont passer à la TVA (derrière une simplification pour l'État) » et que l'amendement ne générera aucune recette fiscale supplémentaire, comme l'espère le gouvernement.
« Découvrir hier cette nouvelle est un gros coup de massue », écrit dans une Story Instagram le compte Faut Le Voir Porté. « (...) Pour beaucoup, c'est pas juste une microentreprise ou un "régime". C'est un investissement personnel énorme. C'est une partie de soi. Pour ma part, c'est une grande partie de ma vie, notamment personnelle, et l'avenir de Faut le voir porté est clairement remis en cause avec cette mesure, comme beaucoup. »
La styliste et consultante derrière le compte Instagram @em__archives partage, elle aussi, son désarroi. Elle écrit : « La plupart des petits vendeurs de vintage vont soit devoir augmenter considérablement leur prix, soit cesser leur activité. Nous ne récupérons aucune TVA sur nos dépenses les plus importantes qui sont les achats de stock. » Elle précise que ce nouveau seuil représente une « perte élevée » de chiffre d'affaires.
Le problème de la « double taxation » dans la seconde main
En 2024, une problématique liée à la taxation des acteurs de la mode de seconde main avait déjà été pointée du doigts aux État-Unis. L'an dernier, l'American Circular Textiles (ACT), en collaboration avec des entreprises de la mode comme ThredUp et Vestiaire Collective, a ainsi lancé une pétition nationale pour éliminer ce qu'elle qualifie de « double taxation » sur les articles de seconde main aux États-Unis. L'organisme explique que les produits sont taxés lors de l'achat initial, puis à nouveau lors de leur revente, ce qui décourage les pratiques d'achat durable et freine la croissance du marché de la seconde main. La pétition titrée « Stop Secondhand Clothing from Being Taxed Twice » vise à sensibiliser le public et à inciter les législateurs à supprimer cette double imposition afin de rendre les vêtements d'occasion plus accessibles financièrement et de réduire les déchets textiles.